Le logo de PréventionBTP avec le texte : "un service OPPBTP"
CHANTIER DU MOIS

Dans les coulisses du chantier du LHC du CERN : quand complexité rime avec sécurité

Date : 23/08/2022

L F

Loïc Féron

En résumé
  • Le chantier doit composer avec la proximité des installations scientifiques.
  • La logistique est la clé du bon déroulement et de la sécurité.

Identité

  • Maîtrise d’ouvrage : Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire).
  • Maîtrise d’œuvre : Lombardi, Pini Swiss, Artelia.
  • Entreprise principale : Implenia, Baresel.
  • CSPS : Dekra.
  • Effectif en pointe : 120 personnes.
  • Durée des travaux : 54 mois (jusqu’en septembre 2022).
  • Coût : 58 millions d’euros.
  • Ingénieur en prévention OPPBTP : Bernard Gavand.
Dans les coulisses du chantier du LHC du CERN : quand complexité rime avec sécurité

Le grand collisionneur de hadrons (LHC) est le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules du monde. Il est installé dans un tunnel de 27 km de circonférence et à environ 100 mètres de profondeur.

Au Point 5, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) procède à des travaux d’extension pour ses activités de recherche en physique fondamentale. En surface, cinq bâtiments industriels destinés aux équipements (ventilation, cryogénie, maintenance…) sont en cours de construction. Mais c’est en sous-sol que le chantier révèle toute son ampleur. Un puits de 80 mètres de profondeur débouche sur une grande caverne d’où partent la galerie principale de 305 mètres de long et ses rameaux connectés aux structures existantes.

Des études pour limiter les vibrations

Environnement, nature du sol, accès unique, travaux en milieu confiné…, le chantier souterrain à haute technicité multiplie les contraintes. La première, et non des moindres, a été d’excaver le puits d’accès pendant l’exploitation de l’accélérateur de particules situé à moins de 50 mètres… À la suite d’études de vibration, la solution est passée par l’électrification d’une haveuse hydraulique. Bien que la machine du LHC soit mise à l’arrêt, l’excavation des galeries s’est faite ensuite en méthode traditionnelle.

« La proximité des installations sensibles souterraines du Cern interdit l’usage d’explosifs, explique Brice Philippe, chef de projet de l’entreprise Implenia. Le tracé court des galeries, comprenant des angles droits, nous a contraints à utiliser des machines à attaques ponctuelles, BRH, fraises et pelles. »

La logistique, pivot du chantier

En phase d’excavation comme de coffrage, la logistique est la clé du chantier. « La difficulté est que tout passe par le puits », précise Florent Baulat, conducteur principal chez Implenia. Un portique de cinquante tonnes a été installé pour descendre et remonter les matériaux et matériels dont certains occupent quasiment la section du puits (11 mètres de diamètre).

Exigeant une grande maîtrise, les levages sont commandés depuis le poste du pontier, qui peut compter sur un appui en visio et un carnet de levage très détaillé. Le séquençage des tâches fait l’objet d’une planification précise réalisée avec les outils du Lean management qui participent à la prévention des risques. Toutefois, sur ce chantier international et multilingue, c’est bien la sensibilisation des intervenants via des quarts d’heure sécurité et prises de poste et la communication, avec l’aide de traducteurs, qui garantit la sécurité de tous.

❛❛ La difficulté est de tout faire passer par le puits d’accès unique. ❜❜ 

La mise en œuvre d’outils de coffrage mécanisés

« Être intégrés en phase de conception nous permet, sur certains projets, de guider les maîtres d’ouvrage pour minimiser les variations de section et éviter ainsi les tâches complexes et pénibles à réaliser pour les opérateurs », souligne Brice Philippe, chef de projet chez Implenia.

Dans le cas présent, la réalisation des rameaux perpendiculaires, constitués de différentes sections, a contraint l’entreprise à adapter ses outils coffrants, fabriqués sur mesure et assemblés en galerie pour une courte utilisation. Pour gagner en performance, des outils autonomes ont en revanche pu être mis en œuvre dans la section principale et dans la caverne.

Dans la galerie droite de 300 mètres de long, l’utilisation d’un modèle standard de coffrage mécanisé facilite la tâche des compagnons. « Moins de main-d’œuvre, moins de temps passé, une meilleure ergonomie, le facteur risque est très sensiblement réduit », résume Brice Philippe.

Plutôt qu’un coffrage avec panneaux bois, une structure métallique autoportante et mécanisée a été montée en fond de puits pour réaliser les voûtes de la caverne. « La problématique de grutage de pièces de plusieurs tonnes, à 80 mètres de profondeur, nous a conduits à concevoir cet outil dont l’assemblage est facilité. Il mobilise tout de même durant trois semaines des équipes spécialisées. » Utilisée seulement à cinq reprises, cette pièce majeure du chantier fait gagner en qualité, en cadence de réalisation et en confort pour les salariés.

Focus sur les actions de prévention

title

Accès

Seule voie d’accès au chantier souterrain, le puits de 80 mètres de profondeur a été équipé d’un ascenseur pour le transport des personnes. Il est assemblé au fur et à mesure de l’excavation. Il est surmonté d’un portique de 50 tonnes pour les approvisionnements et les retraits de matériels et matériaux.

Des outils très spécifiques par zone

❛❛ La géométrie des galeries à réaliser dépend des besoins du maître d’ouvrage et de la géologie qui influent sur les formes des voûtes. Sur ce chantier, les variations de section et de dimension des voûtes, de formes et de formats différents, nous ont contraints à mettre en œuvre des outils de coffrage très spécifiques par zone. ❜❜

Brice Philippe, chef de projet pour Implenia.

Des Cissct* pour faire remonter les informations du terrain 

❛❛ En dehors des contraintes liées au caractère souterrain des travaux, la particularité de ce chantier réside dans le grand nombre de nationalités représentées. Bien que la partie contractuelle soit en anglais, toute la partie sécurité, analyse de risques et PPSPS, a heureusement été traitée en français, et c’est la réglementation française qui est appliquée. Une quinzaine de Cissct se sont déjà tenus pour faire remonter la problématique des salariés et sensibiliser aux risques. Cet exercice inédit pour les entreprises étrangères est une vraie valeur ajoutée pour
la sécurité. ❜

*Collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail.

Frédéric Siroux, coordonnateur SPS Dekra.

La logistique, point clé du projet 

❛❛ Dans ce projet où tout passe par un puits unique – les matériaux en phase excavation comme les matériels en phase coffrage – la logistique est cruciale. La réflexion menée en amont avec l’apport du Lean Construction permet d’anticiper les opérations à venir. Des listes d’approvisionnement en matériels sont par exemple établies pour chaque tâche, l’objectif global étant que l’ingénieur logistique et les chefs de chantier partagent à tout moment la même vision. ❜❜

Florent Baulat, ingénieur travaux et conducteur principal chez Implenia.

Le + prévention : La gestion de la coactivité entre les engins

title

Détection des gaz

Des détecteurs multigaz (CO2, SO2, méthane…) sont positionnés dans les galeries et des mesures d’air sporadiques sont effectuées par l’entreprise Implenia. « Les compagnons, équipés de détecteurs individuels, ont accès si besoin à des masques ventilés lors des phases générant de la poussière, précise Michel Léandri. Durant la phase d’excavation, pour se prémunir du risque incendie, les engins étaient équipés de dispositifs d’auto-extinction et des masques autosauveteurs étaient disposés en galerie pour les compagnons. »