Grâce au phasage, comment articuler la rénovation d’un stade en activité
À Strasbourg, la rénovation et extension du stade de la Meinau s’échelonne en fonction de l’occupation du site par le club de football.
Date : 17/01/2025
Loïc Féron

● Une forte contrainte de travaux en site occupé.
● Le recours à des outils de coffrage et à des plates-formes spécifiques.
Reportage paru dans PréventionBTP n°290-Décembre 2024-Janvier 2025-p. 15
Identité
Maître d’ouvrage : Eurométropole de Strasbourg (EMS).
Maître d’œuvre : Populous et Rey de Crécy (architectes), OTE et Maffeis (bureaux d’ingénierie).
Entreprises : groupement GTM Hallé-Urban Dumez (Vinci Construction), Demathieu-Bard, Blocotelha et Lingenheld Travaux Spéciaux.
CSPS : Bureau Alpes Contrôles.
Effectif (GO) : 90 personnes en pointe.
Début des travaux : octobre 2023.
Fin des travaux : été 2026.
Coût global : 160 millions d’euros HT.
Adjoint du directeur d’agence Grand Est OPPBTP : Marc Demangeat.

En mai dernier, le stade de la Meinau s’est transformé pour quelques jours en véritable fourmilière. Installé en 2023 pendant la trêve estivale, le chantier mitoyen a pris une nouvelle dimension avec la réfection des tribunes (sud et ouest). « En plus de nos équipes, dont l’effectif depuis a doublé, une centaine d’intervenants étaient présents pour le déménagement des installations du club, relate Matthieu Luttmann, directeur de projet Urban Dumez pour le groupement d’entreprises constitué par Vinci Construction (GTM Hallé et Urban Dumez) et Demathieu-Bard. Notre semainier s’est transformé en planning quotidien pour gérer la coactivité et les interventions par zone de manière quasi millimétrée. » Vincent Gazaniol, directeur de production chez Demathieu-Bard, et Matthieu Luttmann gèrent en binôme la conduite du chantier. Le projet consiste, d’ici à l’été 2026, à démolir et restructurer le stade en ajoutant 6 000 places à la jauge, et en repensant les accès. Dans la seconde phase de gros œuvre, l’ouvrage sera ceinturé pour devenir une enceinte close. Organisé autour d’un grand atrium, le bâtiment construit contre la tribune sud, centre névralgique du stade (75 % des travaux à eux deux), accueillera les vestiaires, le siège du club, les espaces d’hospitalité, les boutiques et restaurants. Enfin, la fan zone, à la fois entrée du stade et ouverture sur le quartier, représente un élément clé du projet, notamment en matière de phasage. « La principale contrainte réside dans l’occupation du site pendant la saison sportive, explique Vincent Gazaniol. Un gros travail de séquençage des travaux a été effectué en concertation avec le Racing Club de Strasbourg Alsace et les services du maître d'ouvrage. »
Des équipes mixtes pour la conduite de travaux
Dans la course de fond que représente ce chantier, ponctuée de sprints pendant les inter-saisons, deux organisations sont combinées pour optimiser l’avancement et sécuriser les interventions des salariés. La conduite de travaux est mutualisée, de même que les moyens mis à disposition des entreprises. En revanche, dans un souci de prévention, des travaux par noyaux sont privilégiés avec les équipes déjà constituées. « Nos compagnons ont des automatismes que nous souhaitons préserver », explique Vincent Gazaniol. Sur cette opération à tiroirs, où les tâches s’enchaînent, le choix a ainsi été fait de séparer les verticaux (attribués à Urban Dumez) et les horizontaux (à Demathieu Bard). « La tribune sud, par exemple, est balayée à l’aide des grues dans un cycle unique, d’une extrémité à l’autre », commente Matthieu Luttmann.
Un gros travail de séquençage des travaux a été effectué en concertation avec le club et le maître d'ouvrage.
Des outils spécifiques pour la réalisation des poteaux
La façade sud du stade est rattachée sur des poteaux en béton précontraint par post-tension (fixés à des pieux enfoncés à 15 mètres de profondeur) qui, en partie supérieure, font office de tirants pour la charpente métallique (reprise du poids de la charpente en traction). Le nombre de poteaux à réaliser (17 poteaux sur trois levées d’environ 4 mètres) justifie leur fabrication en série et le développement d’un ensemble d’outils spécifiques sur mesure pour ce chantier (plate-forme, outil de coffrage et outil de clavetage).
Accrochée à une poutre préfabriquée, la passerelle offre une plate-forme de travail avec accès en sécurité et garde-corps périphériques pour le coffrage des poteaux. Depuis les têtes de pieux et jusqu’au quatrième étage, chaque poteau (diamètre 800 mm) est coffré à l’aide d’un coffrage circulaire réalisé sur mesure, chaque levée prenant appui sur la jonction poteau-poutre de l’étage inférieur. La poutre est ensuite posée et clavetée par le second outil spécifique de clavetage via un étaiement grutable posé sur cette même passerelle.
La mise en œuvre de trois passerelles, une installée d’avance, une pour le poteau (coffrage) et une pour la poutre (clavetage), permet de réaliser un poteau par jour. À ce titre, Vincent Gazaniol, directeur de production chez Demathieu Bard, précise : « Même si la conception et la réalisation d’outils de coffrage et de clavetage spécifiques représentent un investissement important, celui-ci était nécessaire pour assurer la sécurité des équipes lors du processus de réalisation de ces ouvrages de grande hauteur. De surcroît, ces outils spécifiques nous ont permis d’optimiser l’enchaînement des différentes phases d’exécution de ces ouvrages et ainsi de respecter les jalons de planification, pourtant très ambitieux. »
Focus sur les actions de prévention

Coffrage
Le coffrage des poteaux de grand diamètre (800 mm) s’effectue à l’aide d’un outil spécifique depuis une passerelle sur-mesure équipée d’un accès intégré et de protections collectives.
Une réflexion sur le réemploi des matériaux
En phase d’études, notre réflexion a porté sur le phasage du chantier et les contraintes associées à l’occupation du stade, mais aussi sur le réemploi des matériaux. Des fuselages d’avions A330 et A340 sont réutilisés pour la création de brise-soleil sur la façade sud. Cet habillage des poteaux porteurs donne son identité visuelle et sa signature au projet.
Leslie Luck, chef de projet à l’Eurométropole de Strasbourg
Rentrer dans le détail du planning
Nous avons deux réunions hebdomadaires, l’une consacrée au phasage général et l’autre au suivi du planning à quatre semaines. Lors de la première, les questions de planning et de phasage sont abordées, la gestion des flux et l’enchaînement des tâches pour éviter les superpositions et la coactivité. La seconde, en concertation avec les chefs de chantier de toutes les entreprises, y compris les sous-traitants, permet de rentrer dans le détail du planning Lean LPS, de savoir où nous en sommes au jour le jour et où nous voulons aller.
Vincent Gazaniol, adjoint au directeur de projet, directeur de production Demathieu Bard.
La coordination des tâches est déterminante
Sur ce chantier, environ 90 personnes travaillent sur une vingtaine de postes en simultané, avec des corps d’état intermédiaires au milieu du gros œuvre. Une quinzaine d’entreprises au total est concernée, parfois plusieurs sur un même lot, comme c’est le cas pour l’électricité où sept entreprises se répartissent le travail au sein de deux groupements. La concertation avec les entreprises et la bonne coordination des tâches sont déterminantes.
Matthieu Luttmann, directeur de projet Urban Dumez pour le groupement Vinci-Demathieu Bard.
Le + prévention : La mise en œuvre des volées d’escalier préfabriquées

Préparation au sol
La pose des escaliers droits préfabriqués, d’un poids de 11 tonnes pour les volées les plus lourdes, suit le mode opératoire mis au point par l’équipe travaux. Les produits ont été stockés dans une zone plane et sécurisée du chantier. Les potelets destinés à recevoir les garde-corps et les barrières escalier sont mis en place au sol.