La réhabilitation d’une estacade maritime en exploitation à Roscoff
À Roscoff, la restauration de l’estacade qui permet la desserte de l’île de Batz a pour principale contrainte la continuité du service pour les usagers.
Date : 29/09/2025
Loïc Féron

● Un chantier en coactivité avec les rotations de la navette.
● L’industrialisation rendue possible par des outils spécifiques.
Reportage paru dans PréventionBTP n°298-Septembre 2025-p. 15
Identité
Maîtrise d’ouvrage : Région Bretagne
Assistant à maîtrise d’ouvrage : Cerema
Maitrise d’œuvre : Arcadis
Entreprises : Bouygues TP Régions France/VSL France,
Groupe Marc CSPS : Plans C Coordination
Effectif : 20 salariés
Début du chantier : septembre 2024
Durée : 18 mois (+ 3 mois d’interruption estivale)
Coût : 9 millions d'euros TTC
Conseiller en prévention OPPBTP : Jean-Louis Thomas

Inscrite depuis 1969 dans le paysage du port de Roscoff (Finistère), l’estacade permet l’accostage à marée basse des bateaux qui assurent la liaison maritime entre l’île de Batz et le continent. Son exposition constante aux ions chlorures (issus des sels marins) l’ayant progressivement dégradée, une réhabilitation de grande ampleur est devenue indispensable pour garantir la sécurité et la continuité du service. La région Bretagne, en tant que maître d'ouvrage, a engagé, depuis septembre 2024, des travaux de renforcement menés par Bouygues TP Régions France et Groupe Marc sur les 600 mètres de long de l’ouvrage. L’objectif est de prolonger sa durée de vie d’au moins cinquante ans, tout en minimisant les impacts sur les usagers et sur l’environnement.
La première difficulté du chantier réside dans son implantation en milieu maritime, sur un plateau rocheux se découvrant au rythme des marées. « Il a fallu trouver des créneaux dans le calendrier où les entreprises peuvent accéder à l’estran pour travailler », explique Thibault Tanné, chargé d’opération pour la région Bretagne. L’autre contrainte majeure a été le maintien du service entre septembre 2024 et juin 2025. Cette première phase lourde comprenait la réfection des semelles des piles depuis l’estran, le chemisage structurel des fûts de pile existants (avec membrane d’étanchéité) et le ferraillage, puis le coffrage et le bétonnage. Travaux auxquels se sont ajoutés ceux de renforcement de la précontrainte. Durant cette phase d’intense activité, le chantier a dû cohabiter avec la circulation des usagers à chaque rotation de la navette (sept à huit par jour à marée basse).
Des travaux depuis le haut
Le dispositif mis en place par le groupement d’entreprises combine l’aménagement des horaires et la mise en œuvre d’outils spécifiques à chaque stade de la restauration. Dans la première phase, la grue à tour positionnée sur le quai a permis la dépose sur l’estran (et la remontée) de l’ensemble des matériels à marée basse. Une fois la partie inférieure des fûts (semelles et amorces) traitée, la réfection des piles s’effectue depuis le tablier. Des échafaudages roulants négatifs permettent d’accéder en sous-face de l’ouvrage pour réaliser le renforcement de la précontrainte. « Toutes les opérations de mise en tension se font à marée haute, en dehors de l’utilisation de l’estacade, pour éviter la coactivité avec les usagers », explique Léo Daurios, ingénieur travaux principal de l’opération. Après une interruption, du 15 juin au 15 septembre, les travaux vont reprendre jusqu’en juin 2026. Sur cette période (phase 2), l’estacade est interdite au public et laissée à l’entière disposition du chantier.
Il a fallu trouver des créneaux dans le calendrier pour accéder à l’estran.
La conception de coffrages et d’engins spécifiques
« Sur ce chantier très particulier, la cellule Perform TP de Bouygues Travaux Publics a été mise à contribution pour décortiquer chaque macrotâche en microtâches, et y attribuer les moyens humains et matériels nécessaires, explique Léo Daurios, ingénieur travaux principal chez Bouygues TP RF. Cette démarche est essentielle sur ce type de chantier phasé intégrant la montée en compétences des équipes sur les outils utilisés. »
« De la pile 1 à la pile 13, où la hauteur d’amorce est inférieure à 2 mètres, la mise en œuvre de la membrane de cuvelage autour du fût de pile existant était réalisable à pied, sans outil spécifique », précise Léo Daurios. Ici interviennent les coffrages manuportables en aluminium conçus spécifiquement. Ces coquilles très légères ont pu être amenées au pied des fûts, depuis l’estran, avant d’être emboîtées les unes dans les autres.
En plus des trois outils principaux conçus spécifiquement pour le chantier, plusieurs types d’engin sont mobilisés. La partie basse des amorces de fût a été bétonnée à l’aide d’un godet malaxeur alimenté à la grue depuis la benne à béton et amené au chariot élévateur sur l’estran. La partie haute est bétonnée depuis le tablier grâce à des dumpers au gabarit réduit, capables de circuler sur l’estacade tout en malaxant en continu le béton et en laissant un passage pour les usagers.
Focus sur les actions de prévention

Matériel
Pour les besoins du chantier, une grue à montage automatisée, un chariot élévateur, un dumper équipé d’une benne avec malaxeur permettent d’approvisionner, notamment en béton, le chantier, depuis l’estacade tout en laissant un passage pour les usagers.
La présence des usagers est une spécificité
La présence des usagers de la navette maritime sur le chantier fait sa spécificité. Elle a donné lieu à de nombreuses concertations avec les entreprises. Le résultat est satisfaisant, notamment le système d’ouverture déporté du portique d’accès, actionné par le pilote depuis la vedette. Autant que possible, les travaux se font en dehors des rotations mais les horaires changent tous les jours.
Thibault Tanné, chargé d’opération région Bretagne
Des coffrages manuportables en aluminium
La recherche de simplification et de diminution des risques nous a amenés à concevoir des outils de coffrages spécifiques pour ce chantier. En partie basse des poteaux, un coffrage manuportable en aluminium très léger a été utilisé pour réaliser un chemisage de béton autour des fûts existant. Cette solution est une réponse directe à la difficulté d’accès en pied d’ouvrage via l’estran, dont une partie est en enrochement et soumise à l’interdiction d’y créer une piste pour les engins.
Léo Daurios, ingénieur travaux principal de l’opération pour le groupement d’entreprises;
Gérer la coactivité au passage des usagers
En matière de coordination SPS, le gros sujet de ce chantier est la coactivité avec les piétons. L’accès à l’estacade, habituellement lieu de promenade, est limité aux passagers de la navette. Sur les échafaudages négatifs, en sous-face, l’activité peut continuer mais, sur le tablier, les travaux doivent s’interrompre et les échelles d’accès être repliées le temps de laisser le passage. Dans certaines situations, un homme trafic est requis pour gérer les flux.
Clément Le Fur, CSPS chez Plans C
Le + prévention : Des outils spécifiques pour la réparation des piles

Passerelles d’accès et postes de travail
Pour la réfection des quarante-sept piles de l’estacade, Bouygues TP Régions France a conçu trois outils spécifiques comprenant passerelles d’accès depuis le tablier et postes de travail à hauteur d’homme pour plusieurs opérations : préparation et application d’une membrane de cuvelage autour des fûts de pile existants, ferraillage, coffrage pour bétonnage et décoffrage. Ces trois modules se déplacent progressivement par ripage sur appuis téflons sur les 600 mètres de la jetée.