Tunnel Lyon-Turin : concertation, continuité et convergence
Sur le tracé du tunnel Lyon-Turin, les chantiers opérationnels progressent dans une dynamique d’harmonisation des actions préventives.
Date : 25/03/2024
Loïc Féron

● Des travaux souterrains exceptionnels par leur taille et leur profondeur.
● La cohérence des dispositifs de sécurité à l’échelle du chantier.
Reportage paru dans Prévention n° 282-Mars 2024-p. 14
Identité
Maîtrise d’ouvrage : Telt (Tunnel euralpin Lyon-Turin)
Maîtrise d’œuvre (mandataires) : Egis/Alpina, Setec, Egis
Groupements d’entreprises (mandataires) : Vinci Construction Grands Projets, Implenia, NGE GC et We Build
CSPS : Olivier Sabourault, agence Grands Projets CSPS de Socotec
Effectif : de 300 à 900 personnes
Livraison : 2032
Ingénieure en prévention OPPBTP : Stéphanie Toubin
Site internet : www.telt.eu/fr/
Ce reportage a été effectué en octobre 2023. Malgré toutes les mesures de sécurité mises en place par la maîtrise d'ouvrage, un accident mortel est survenu en novembre 2023 au sein du laboratoire béton.
Partir du général pour aller vers le particulier, privilégier une large concertation sans omettre les spécificités de chaque site : c’est l’équation à laquelle répondent les constructeurs et préventeurs du tunnel de base du Mont-Cenis. Entre Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et Suse (Piémont), cette section transfrontalière de la future ligne ferroviaire Lyon-Turin compte une douzaine de chantiers opérationnels. Sous la maîtrise d’ouvrage de Telt, plusieurs groupements d’entreprises réalisent les différentes sections des 57,5 kilomètres de tunnel desservies par quatre descenderies réalisées au début des années 2000.
Mission S, un programme sécurité
Sur le chantier CO05A, la descente s’effectue sur quatre kilomètres pour arriver, 400 mètres plus bas, au cœur d’un énorme hub de
galeries. Les excavations par méthode traditionnelle (forage et explosifs) ont permis d’amorcer la réalisation des deux tubes du tunnel (plus les rameaux de sécurité) et de créer les voies d’évitement qui fluidifieront le trafic. Plusieurs cavernes techniques attendent les tunneliers qui vont s’enfoncer dans la montagne en direction de l’Italie. Situé à mi-parcours du tracé, ce chantier – qui comprend la réalisation de quatre puits de ventilation – a été retenu comme site pilote pour la sécurité. Il s’inscrit dans le programme spécifique Mission S (pour Sécurité) voulu par le maître d’ouvrage afin de « garantir des standards de sécurité élevés sur l’ensemble des chantiers. »
Heurts, qualité de l’air et secours
Les bases de ce programme ont été posées lors d’une concertation préalable avec les maîtrises d’œuvre, la coordination SPS et le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours). Il revient aux entreprises et aux services de prévention dédiés à chaque chantier d’appliquer ces dispositions. Olivier Sabourault, CSPS unique des travaux du projet Telt, pointe trois risques majeurs. Pour éviter les heurts de personnes avec les engins circulant dans des espaces confinés, la première mesure, drastique, interdit les déplacements des compagnons, depuis la surface jusqu’au front, autrement qu’à bord de véhicules. La qualité de l’air (teneur en gaz et en poussières) est surveillée en continu par des capteurs et son renouvellement assuré par des gaines de ventilation aspirantes ou soufflantes. Quant aux secours, ils font l’objet d’une étroite collaboration entre les pompiers et les entreprises, qui mettent à disposition des équipiers de prévention d’urgence.
Garantir des standards de sécurité élevés sur l’ensemble des chantiers.
La gestion et la valorisation des matériaux
En interface avec les autres chantiers opérationnels, le CO11 porte sur la gestion et l'emploi des matériaux excavés sur la partie française. L’approche consiste à valoriser et réutiliser le maximum des matériaux extraits lors des travaux de génie civil pour couvrir les besoins du projet. En réduisant l'apport de matériaux extérieurs, la démarche circulaire réduit les impacts environnementaux mais aussi économiques de ce poste très contraignant en zone montagneuse.
Tout au long des 30 kilomètres entre Saint-Jean-de-Maurienne et Modane, des convoyeurs assemblés sur chacun des chantiers acheminent les matériaux excavés vers trois sites de mise en dépôt. Trois stations de traitement des matériaux (deux pour le béton, une pour les remblais) ont été installées ainsi que huit plates-formes logistiques incluant un site de chargement ferroviaire. L’objectif est de réutiliser 50 à 60 % des matériaux extraits lors des travaux de génie civil.
Les capacités de stockage de proximité étant limitées, ce dispositif d’optimisation des matériaux exige une organisation très pointue sur la base des données communiquées par chaque chantier producteur de matériaux. La chaîne logistique est, en effet, très sensible à la variation des données d'entrées, en quantité et en qualité. Le moment où le matériau est excavé et celui où le matériau transformé doit être livré dépendent du rythme d'avancement d'excavation et des besoins des autres chantiers.
Focus sur les actions de prévention

Équipe de prévention et d’urgence
En plus de contrôler les accès, les équipiers de prévention et d’urgence (EPU) sont formés pour évaluer les incidents en milieu souterrain, fiabiliser l’appel des secours, accueillir les pompiers et communiquer les premières informations au commandant des opérations de secours.
Un hangar traité sur le plan acoustique
Entre la tranchée couverte déjà réalisée et l’entrée du tunnel de base, le hangar servant aux circulations et au retrait des matériaux excavés a été traité sur le plan acoustique pour limiter les nuisances sonores envers les riverains. Les matériaux vont ensuite être acheminés par des convoyeurs jusqu’à une unité de valorisation.
Thierry Portaz, directeur qualité prévention environnement chez NGE (CO08)
Standardiser nos outils et méthodes à l’échelle du projet
Les plates-formes de Saint-Martin et de La Praz, qui ont déjà connu plusieurs projets successifs, sont en cours d’aménagement pour être reconfigurées afin de réaliser les travaux de creusement du tunnel de base. Dans le même temps, les premières galeries sont en cours d’excavation. Nous cherchons à standardiser nos outils et méthodes de travail à l’échelle du projet afin d’appréhender nos principaux enjeux de sécurité, prévenir l’exportation de risques entre les sites et organiser les moyens de secours selon leurs configurations. ❜❜
Antoine Mercier, directeur prévention chez Vinci Construction (CO06/07)
L’installation de chantier mobilise un grand nombre de ressources
L’évolution des techniques, depuis que les descenderies ont été réalisées, contraint les entreprises à démonter des tuyaux pour mettre le réseau en conformité avec les débits et avec les intervalles demandés entre les prises d’eau par les pompiers. Idem pour la ventilation. En matière de travaux comme en prévention, cette réinstallation de chantier mobilise un grand nombre de ressources.
Roland Karam, responsable prévention sécurité chez We Build Group (CO05A)
Le + prévention : La gestion du risque incendie

Un véhicule spécifique sur chaque chantier
« La présence sur chaque site d’un véhicule d’intervention spécialisé dans les secours est exigée de la part des groupements d’entreprises, explique le commandant Frédéric Dutel du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Savoie (73). Des caméras thermiques, avec écran reporté dans l’habitacle, permettent de progresser dans un milieu enfumé. » Les paramètres atmosphériques sont relevés grâce à un boîtier détecteur relié par Bluetooth à une tablette située dans l’habitacle.