Un chantier vertical pour restaurer une flèche de cathédrale
À Rouen, la restauration de la flèche de la cathédrale s’inscrit dans un phasage et un protocole de travaux qui évitent toute coactivité.
Date de mise à jour : 23 juin 2025 - Auteur : Loïc Féron
● Une restauration en cinq phases, du bas vers le haut.
● Un dispositif anti-incendie renforcé.
Reportage paru dans PréventionBTP n°296-Juin 2025-p. 15
Photo : 296 - chantier du mois - cathedrale rouen - h02
Crédit photo : Frédéric Vielcanet

Monuments historiques
À Rouen, la restauration de la flèche de la cathédrale s’inscrit dans un phasage et un protocole de travaux qui évitent toute coactivité.
En 1822, la flèche en bois de la cathédrale de Rouen, recouverte de plomb, est frappée par la foudre et prend feu. À la suite de cet incendie, pour sa reconstruction, l’architecte Alavoine va faire usage d’un matériau moderne : la fonte. Recouvert d'un minimum de plomb en 1914, l’ouvrage néogothique, qui culmine à 152 mètres au-dessus de Rouen, a depuis subi les effets des intempéries, tout comme l’acier corten venu renforcer la structure dans les années 1970. « La double corrosion du corset intérieur en corten et de la résille extérieure en fonte justifiait une restauration complète », témoigne Richard Duplat, architecte en chef des Monuments historiques, depuis la plate-forme installée à 83 mètres de hauteur. Le chantier vertical s’étage ainsi sur trois niveaux desservis par autant d’ascenseurs transportant les matériels, les matériaux et les compagnons. Organisé en cinq phases principales, le planning des travaux en condition plomb suit un protocole précis défini en conception : le décapage des surfaces accessibles est assuré par l’entreprise Lassarat, suivi de la dépose des éléments en fonte, et de certains en corten, par les métalliers de MGI. Vient ensuite un second décapage des pièces, qui étaient avant inaccessibles, puis la repose des pièces métalliques et l’application de plusieurs couches de peinture. « Le mode opératoire retenu évite toute coactivité, explique Richard Duplat. Tout au plus, six personnes d’une même entreprise travaillent en simultané, au même niveau et en quinconce de part et d’autre de la flèche. » Une fois une section traitée, l’échafaudage « tambour » où se situe la zone de travail confinée est translaté vers le haut. Le plafond d’une zone d’intervention devient le plancher de la zone suivante.
Continuité et réactivité
En juillet 2024, un départ de feu s’est déclaré à 103 mètres au poste de travail des métalliers. Des boulons chauffés au chalumeau ont traversé la bâche de réception pour atterrir sur le sas de décontamination plomb en plastique, qui s’est en partie consumé sans que l’échafaudage et la structure de la flèche ne soient atteints. Le chantier a repris en décembre avec des dispositions complémentaires pour un niveau optimal de sécurité. « Cet incident nous a permis de nous remettre en cause, de nous dire que le risque zéro n’existe pas, témoigne Virginie Henry qui supervise les travaux pour la Drac de Normandie. Il y a toujours des impondérables mais l’assiduité des conducteurs de l’opération permet d’assurer une continuité, de garder la mémoire des interventions sur la durée du chantier et de faire preuve de réactivité. »
L'assiduité des conducteurs de l’opération permet de garder la mémoire des interventions sur la durée du chantier.
Échafaudage et installation de chantier, un lot à haute valeur ajoutée
Très présente sur le chantier, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Normandie, maître d’ouvrage de l’opération, accorde beaucoup d’attention à la gestion des déplacements verticaux et horizontaux. Le lot « échafaudage et installation de chantier » a été confié à l’entreprise Lanfry (avec Tubesca Comabi comme cotraitant). « C’est un chantier techniquement très intéressant en termes d’accès et de conditions de travail, confirme Christophe Liot, responsable travaux. L’installation d’une base vie sous la flèche était indispensable, de même que les équipements sanitaires pour la décontamination au plomb. »
Pour la fourniture des éléments d’échafaudage et le montage, l’entreprise Lanfry travaille avec Tubesca Comabi. La sapine montée depuis le sol fait office d’issue de secours en cas d’évacuation, et d’accès pour les services de secours aux zones situées en hauteur. Le « tambour », l’échafaudage de la zone de travail, est bien plus complexe. Des tests ont été effectués lors d’une première phase pour évaluer l’encombrement de l’échafaudage au regard des tâches à y effectuer (utilisation de systèmes abrasifs, dépose et déplacement de modules de fonte, greffes, recoulage…).
« Le dernier déplacement de l’échafaudage tambour, de 100 à 120 mètres, a nécessité la mise en œuvre d'une grue mobile avec une fléchette treillis dépassant les 120 mètres, explique Christophe Liot. La difficulté réside dans l’approvisionnement des fers, certains de plus de 3 mètres, qui tiennent la plate-forme. Pour le dernier poste, au sommet de la flèche, nous envisageons de monter un échafaudage réduit, sans intervention de la grue depuis le sol. » Au fur et à mesure, des modifications plus ponctuelles et plus fines sont effectuées pour faciliter l’accès des métalliers ou des peintres à la structure de la flèche.


