273 Dossier Cannabis photo ouverture

    ©Catherine Falls Commercial/Getty Images

    En résumé
    • Actualiser les documents réglementaires et les protocoles d’intervention.
    • Mener une politique de prévention globale et collective non stigmatisante.

      Dossier paru dans PréventionBTP n° 273-Mai 2023-p. 6

    Le cannabis reste la première substance psychoactive illicite la plus consommée en France, le BTP n'y échappe pas. Toutefois, entre 2010 et 2017, cette consommation s'est stabilisée dans le secteur, selon les baromètres de Santé publique France, et figure désormais dans la moyenne des autres secteurs d’activité*. Signe que les efforts pour circonscrire et prévenir son usage commencent à porter leurs fruits. Confrontés à leur propre impuissance, les employeurs exprimaient depuis plusieurs années leurs inquiétudes. En effet, un salarié qui a consommé du cannabis peut présenter un danger pour lui-même et ses collègues. Et, en cas d’accident, même si la consommation a eu lieu en dehors du lieu de travail, la responsabilité de l’employeur peut être engagée au nom de l’obligation de sécurité. Progressivement, les organismes de prévention et de nombreux services de prévention et de santé au travail se sont mis en ordre de marche pour accompagner efficacement les entreprises de toute taille. En Côte-d’Or, par exemple, le SSTBTP 21 met à disposition une boîte à outils téléchargeable, qui rappelle le cadre réglementaire et les grands principes de la prise en charge des addictions.

    Un risque comme un autre

    La première grande étape consiste à formaliser les documents réglementaires de son entreprise en inscrivant l’interdiction de détention et de consommation de cannabis dans le règlement intérieur. Rappelons que la consommation de cannabis est strictement interdite par le Code de la santé publique (usage) ou le Code pénal (détention, trafic, production), même si elle n’est pas encore réglementée par le Code du travail. Il faut ensuite inscrire le risque lié aux pratiques addictives dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et mettre en place une démarche de prévention. La liste limitative des postes pour lesquels il existe un danger spécifique doit être intégrée dans le règlement intérieur de l’entreprise.


    « Au début de ma carrière, le sujet était tabou, aujourd’hui, les employeurs du BTP ont pris conscience de la problématique des addictions, constate Mireille Loizeau, médecin coordinatrice de l’APST-BTP-RP. Ils abordent la question en CSE et se tournent vers leur service de prévention et de santé au travail. On les accompagne, on les conseille, on les aide à identifier les risques professionnels et à mettre en place une politique de prévention. »


    L'instauration d’une politique globale de santé au niveau de l'entreprise est essentielle, car la consommation de cannabis est aussi favorisée par certaines conditions de travail. Or le BTP concentre à lui seul une multitude de métiers à contraintes physiques et organisationnelles très fortes, qui favorisent la consommation : l’exposition aux vibrations, au travail de nuit, au travail isolé, au froid… Cette vision globale facilite aussi l’adhésion et la participation de tous, sans stigmatisation. « Tout le monde peut être concerné par le cannabis, tout métier, tout corps d’état, autant l’ouvrier qualifié, le manœuvre que l’encadrant. D’où l’intérêt de mener des campagnes pour tous les acteurs de l'entreprise », insiste le Dr Mireille Loizeau.

    Cannabis : sensibiliser tous les collaborateurs

    Les actions de sensibilisation permettent aussi d’alerter sur les impacts de l’usage du cannabis sur la mémoire, les troubles de l’attention, l'augmentation du temps de réaction et la coordination.

    « La durée et la puissance des effets varient selon les habitudes de consommation, mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas compatible avec la tenue d’un poste de sécurité », précise Alexis Peschard, addictologue et fondateur de GAE Conseil, cabinet spécialisé dans la prévention des conduites addictives au travail. Les effets du cannabis peuvent se faire sentir jusqu'à 24 heures après sa consommation. En abordant les effets de l'usage du cannabis, il ne faut pas oublier ceux liés à la consommation de CBD (lire l'encadré), dont la vente et la consommation sont légales et les effets moins bien évalués. Un article publié par l’Inserm le 3 avril 2023 précise que « si le CBD ne provoque effectivement pas de dépendance, la substance n’en reste pas moins psychotrope, car elle interagit avec des récepteurs dusystème nerveux central. » De plus, l’Inserm y souligne le manque d’étiquetage et de contrôle qualité du produit, tout comme les effets indésirables du CBD. En effet, à trop forte dose, l’huile de CBD peut entraîner des effets de somnolence et une baisse de la pression artérielle entraînant des vertiges. Il est donc alors déconseillé de prendre le volant ou de manipuler un équipement de travail ou un engin de chantier. La formation des cadres HSE, des chefs de chantier et des salariés est essentielle pour les aider à repérer une personne dans un état inhabituel et à suivre un protocole précis. « Si un salarié se comporte bizarrement, se met en danger ou représente un danger immédiat pour ses collègues, la priorité est de le mettre en sécurité », recommande l’addictologue. Son supérieur hiérarchique peut ensuite procéder à un dépistage par test salivaire. Le consultant préconise d’orienter systématiquement le collaborateur vers un entretien individuel avec les ressources humaines, le cas échéant, le chef d'entreprise ou la médecine du travail. Cette dernière est tenue au secret médical, elle se contentera de dire à l’employeur si le professionnel est apte à occuper ou non son poste de travail, ou s’il faut l’adapter. Dans des grands groupes, comme Bouygues Construction, Vinci, Colas et Léon Grosse, tout collaborateur en difficulté peut demander de l’aide, et l’entreprise prendra en charge son accompagnement.

    Cannabis et CBD : quelles différences ?

    Le cannabis est un produit naturel dont le principal composant psychoactif est le tétrahydrocannabinol. Il est illégal en France. Cannabidiol (CBD) et tétrahydrocannabinol (THC) ont un point commun : ils sont issus du plant de chanvre. Ce sont donc des cannabinoïdes, des substances chimiques actives qui agissent sur les récepteurs de l’organisme (système nerveux, immunitaire…). Mais ils sont également opposés. Car, contrairement au THC, le CBD ne crée pas d’addiction et il est légal en France.

    *En moyenne, 10 % de la population active consomme du cannabis une fois dans l’année. 900000 en consomment tous les jours. (Source : Santé publique France 2017).

    Tout le monde peut être concerné par le cannabis, tout métier, tout corps d’état, autant l’ouvrier qualifié, le manœuvre que l’encadrant.
    Dr Mireille Loizeau

    En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies. Ceux-ci nous permettent de connaitre votre profil preventeur et d’ainsi vous proposer du contenu personnalisé à vos activités, votre métier et votre entreprise. En savoir plus