En résumé
    • L’APCHQ dispose d’antennes régionales et de conseillers prévention pour être au plus près du terrain.
    • Elle gère des mutuelles de prévention où les entreprises sont très impliquées sur le sujet.

    Interview parue dans PréventionBTP n°274-Juin 2023-p. 34

    274 Grand entretien Anny Bienvenue

    Chargée des questions de santé et sécurité au travail au sein de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Anny Bienvenue expose son rôle auprès des entreprises membres, les risques faisant l’objet d’une attention particulière ainsi que la spécificité des mutuelles de prévention.

    Parcours

    Titulaire d'un baccalauréat en Relations industrielles et d'un certificat en santé et sécurité, Anny Bienvenue cumule plus de 31 ans d'expérience en gestion et conseil en santé et sécurité du travail.
    1997-2009 : Directrice principale des mutuelles de prévention - Groupe AST.
    2009-2014 : Conseillère principale, Aon Hewitt Canada.
    2014 : directrice adjointe principale à l’APCHQ. 
    2016 : vice-présidente du service de la santé et sécurité du travail
    Depuis mai 2021: membre du comité exécutif de l’APCHQ, vice-présidente principale en santé et sécurité du travail.


    Quel est le rôle de l’APCHQ? Qui sont ses membres?
    L’association vise à développer le professionnalisme de nos membres spécialisés dans la construction résidentielle et la rénovation. Bon nombre d’entre eux œuvrent également dans la construction commerciale. Elle regroupe 21 000 entreprises au Québec et treize associations régionales sont affiliées. Nous délivrons des formations techniques et partageons les meilleures pratiques pour la construction, y compris sur le volet santé et sécurité au travail. Ce sont nos vingt conseillers en prévention qui aident les entreprises à élaborer leurs programmes de prévention. Nous menons des visites de chantier et d’établissement, nous mettons à la disposition de nos membres une permanence afin d’assurer une proximité et un retour immédiat pour toutes questions en SST. Que ce soit par téléphone ou par courriel, nos membres reçoivent rapidement des réponses à leurs questions, ce qui nous permet de poursuivre notre mission de sensibilisation à l’importance de la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail. Nous avons aussi un rôle de représentation politique et de participation à des comités d’experts en SST auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Nos membres paient une cotisation annuelle, variable d’une région à l’autre. En matière de santé et sécurité au travail, les services de formation et d’information que nous rendons sont majoritairement financés par une subvention annuelle de la CNESST*. Je siège à son conseil d’administration depuis janvier 2022. Nous offrons également le service d’inspection des équipements anti-chute et des appareils respiratoires par exemple.


    Il existe chez vous des mutuelles de prévention. De quoi s’agit-il?
    La CNESST a mis en place les « mutuelles de prévention » en 1998. Ce sont des regroupements d’employeurs qui s’engagent à favoriser la prévention des lésions professionnelles et le retour durable au travail. Nous en gérons quatre, représentant 4 100 employeurs. L’engagement des employeurs en SST permet d’influencer à la baisse le montant des cotisations annuelles à la CNESST. Le risque financier des dossiers de réclamations est partagé par l’ensemble des participants à une mutuelle de prévention. Mais cela implique l’engagement des entreprises en prévention. Quand il adhère et paie des honoraires, un employeur doit construire, avec notre aide, son programme de prévention au cours de sa première année d’adhésion. Ensuite, il le met à jour tous les ans. S’agissant du retour rapide et durable des travailleurs accidentés, s’il y a une réclamation après un accident du travail, on fait une enquête et analyse des causes et on aide l’employeur dans sa déclaration et le calcul des indemnités que le travailleur va percevoir. On l’assiste aussi pour trouver un poste allégé correspondant à ses limitations fonctionnelles, appelé assignation temporaire. Cela va aider le travailleur à ne pas perdre contact avec son milieu de travail, car on sait très bien que s’il reste éloigné trop longtemps, le retour sera plus difficile.

    Nous sommes un secteur à risque mais qui prend les mesures nécessaires pour améliorer la prévention, et cela porte ses fruits. 

    Quels sont les principaux risques sur lesquels les entreprises de la construction doivent agir?
    Nos entreprises sont guidées par les priorités « Tolérance Zéro », énoncées dans la planification pluriannuelle en prévention-inspection 2020-2023 de la CNESST. Ces priorités ont été définies autour de dangers aux conséquences graves, donc jugés intolérables. Ce sont les chutes de hauteur de plus de trois mètres, celles à partir d’une échelle, le contact avec une pièce en mouvement d’une machine, l’électrisation avec une ligne aérienne sous tension, l’effondrement d’un échafaudage, l’effondrement des parois d’un creusement non étançonné, l’exposition aux poussières d’amiante ou de silice et le travail à proximité de roches instables. La majorité des maladies professionnelles, quant à elles, sont liées aux efforts excessifs lors du port de charges lourdes, aux gestes répétitifs, à l’exposition à l’amiante et au bruit.


    Quelle évolution observez-vous s’agissant de la sinistralité?
    Un décès est toujours un décès de trop. Nous sommes un secteur à risque mais qui prend les mesures nécessaires pour améliorer la prévention, et cela porte ses fruits. Basé, entre autres, sur l’expérience de tous les employeurs au Québec qui œuvrent comme charpentier-menuisier, le taux de l’année 2023 a diminué de 48 %, comparativement à 2014. De plus en plus, la prévention en SST doit se faire main dans la main entre employeurs et travailleurs. Ce n’est pas la seulement l’affaire des employeurs, c’est l’affaire de toute une équipe et donc la participation des travailleurs est essentielle. 

    La CNESST transmet à toutes les associations patronales du secteur où se sont produits des accidents, les rapports d’enquête et elle nous demande de les partager.

    En matière d’organisation du travail, sur quels leviers conseillez-vous aux entreprises d’agir?
    Pour les très petits employeurs, majoritaires parmi nos membres, nous recommandons de planifier les travaux et de sensibiliser en continu les travailleurs à la prévention. Différents outils sont mis à leur disposition. S’il y a des récalcitrants, malgré la pénurie de main-d’œuvre, ils doivent intervenir. Nous les alertons aussi sur le fait que les événements malheureux n’arrivent pas seulement chez les autres. La CNESST transmet aux associations patronales du secteur où se sont produits des accidents les rapports d’enquête, et elle nous demande de les partager. On tire des enseignements sur les causes et les solutions mises en avant pour éviter qu’un autre accident ne se reproduise.


    La vente, l’importation et l’utilisation de l’amiante et des produits en contenant sont interdites depuis le 30 décembre 2018 par le gouvernement fédéral. Comment accompagnez-vous les entreprises sur ce sujet?
    Les travaux en présence d'amiante font partie de ceux qui sont soumis à la « Tolérance Zéro ». Des entreprises spécialisées inspectent en amont les chantiers pour détecter la présence d’amiante et, si c’est le cas, des mesures préventives sont recommandées. De nouvelles dispositions réglementaires sur des méthodes de travail permettant la diminution du taux d’empoussièrement sur les chantiers de construction sont applicables depuis le 28 avril 2022. Une nouvelle valeur d’exposition admissible pour toutes les formes d’amiante est aussi entrée en vigueur à cette date. Si ces mesures ne sont pas appliquées, l’employeur s’expose à un arrêt des travaux, et il est passible de constats d’infraction. Notre rôle premier est de former et d’informer nos membres en matière de santé et sécurité du travail.

    Sur son téléphone mobile, le travailleur dispose de tous les outils prévention à portée de main. 

    Quel est l’impact pour les acteurs de la construction de la loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail votée en 2021?
    Au niveau de la santé sécurité, rien n’avait été touché depuis les années 1980 ! Cette loi introduit une nouvelle fonction de représentant à la santé sécurité (RSS) en fonction du nombre de travailleurs sur les chantiers. De 10 à 99 travailleurs, le RSS sera à temps partiel, de 10 à 24 travailleurs, il doit être libéré une heure par jour, et sur les chantiers de 100 travailleurs et plus, ou pour des travaux excédant 12 millions de dollars canadiens, il travaillera à temps plein. Ce représentant est désigné par les organisations syndicales, il n’a donc pas de lien hiérarchique avec l’employeur. Le nouveau dispositif sera effectif au 1er janvier 2024.


    Quelles sont les innovations intégrées au secteur de la construction qui ont le plus d’impacts sur la santé-sécurité?
    On travaille beaucoup sur la formation, avec notamment des capsules SST de trois à quatre minutes, mises à disposition sur notre site web. Les employeurs peuvent les transmettre au travailleur et assurer une traçabilité de la sensibilisation suivie. De plus, nous recommandons d’utiliser le téléphone mobile comme outil de mise à la disposition permanente du programme de prévention et des meilleures pratiques ainsi que des fiches techniques propres à leurs métiers. Ainsi, le travailleur dispose de tous les outils prévention à portée de main.


    Le Canada a travaillé de longue date sur la mise en avant des bénéfices économiques de la prévention. Comment cette approche se traduit-elle pour vous?
    Dans la construction, on travaille souvent par appel d’offres : le meilleur soumissionnaire remporte le contrat. L’entrepreneur appartenant à une mutuelle de prévention et dont le taux de cotisation à la CNESST est de 30 à 40 % meilleur que son compétiteur, aura un avantage concurrentiel. Par ailleurs, dans la gestion de nos mutuelles de prévention, nous accordons un rabais sur nos honoraires professionnels, qui peut aller jusqu’à 30 %. On les incite à réinvestir cette somme au bénéfice de la prévention. C’est d’ailleurs souvent dans leur logique, car la culture de prévention est déjà bien présente.


    *La CNESST est l'organisme auquel le gouvernement du Québec a confié la promotion des droits et des obligations en matière de travail. Elle en assure le respect auprès des travailleuses et travailleurs et des employeurs québécois.

    PROFIL

    APCHQ
    Fondée en 1961, l’APCHQ est un organisme privé à but non lucratif qui a pour mission de faire valoir et développer le professionnalisme de ses 21 000 entreprises membres réunies au sein de treize associations régionales. Elle offre des services techniques, juridiques, en santé et sécurité du travail, de relations du travail et de formation et intervient auprès du gouvernement et des institutions publiques en faveur de l’intérêt de ses membres. Elle travaille également sur les enjeux en matière de qualité de construction,
    de défis environnementaux et de besoins en habitation.

    PORTRAIT CHINOIS

    Votre mot préféré ? Bonheur.
    Le mot que vous détestez ? Conflit.
    Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Quand j’étais jeune, j’avais pensé à devenir bibliothécaire ou archiviste médicale. L’idée étant que j’apprécie d’être au service des personnes.
    Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ? Un travail exercé en solitaire ou dans le domaine scientifique.
    Votre bâtiment préféré ? Le château Frontenac, de par son ancienneté, sa vue incroyable et pour de beaux moments en famille.
    Le son, le bruit que vous aimez ? L’eau, les vagues.
    Le son, le bruit que vous détestez ? Les bruits stridents, les sirènes d’ambulance ou de police.
    Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? La collection des livres de Guillaume Musso.
    Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? Toute personne ou un logo d’association faisant du bénévolat a une très grande valeur pour moi.

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