En résumé
  • Leonard propose des innovations ancrées dans les attentes des métiers de Vinci.
  • IA, engins pilotés à distance, robots, nouveaux matériaux se déploient sur les chantiers.

Interview parue dans PréventionBTP n°295-Mai 2025-p. 34.

295 Grand entretien - Kevin Cardona, directeur de l'innovation entrepreneuriale de Leonard

©DR

Kevin Cardona, directeur de l’innovation entrepreneuriale de Leonard, explique comment la plate-forme accompagne différents projets innovants au service des métiers de Vinci. Intelligence artificielle (IA), industrialisation de la construction, robots, nouveaux matériaux figurent parmi les sujets abordés au service de la santé-sécurité sur les chantiers.

Parcours

Kevin Cardona est Ingénieur en génie civil et urbanisme de l’INSA Lyon et titulaire d’un mastère spécialisé en management du développement durable d’HEC Paris.
2007. Responsable de programmes bureaux, du développement durable et directeur de projets innovation chez Unibail-Rodamco-Westfield.
2015. Directeur de l’innovation et du développement durable puis Chief Innovation Officer et membre du comité exécutif international chez BNP Paribas Real Estate.
2023. Directeur de l’innovation entrepreneuriale en charge du développement des programmes innovants et de LNRD Invest chez Leonard, plate-forme d’innovation et de prospective de Vinci.

Leonard est la plate-forme d'innovation et de prospective du groupe Vinci. Pouvez-vous nous rappeler son objectif et expliquer comment elle fonctionne?
Leonard comporte quatre grands pôles. Guidé par le comité exécutif, le pôle Prospective choisit un sujet pour faire travailler ensemble plusieurs des cinq mille entreprises qui composent le groupe Vinci. Les thèmes retenus sont par exemple : l’hydrogène, le nucléaire, le cycle de l’eau, l’adaptation au réchauffement climatique, la capture carbone… Nous voulons proposer des innovations ancrées dans la réalité des métiers du BTP. Nous regardons où nous sommes positionnés et où nous ne le sommes pas encore. Le deuxième pilier que je pilote a trait à l’innovation entrepreneuriale. Le troisième est constitué des projets partenariaux avec les acteurs publics, les villes, les aménageurs, le monde académique. Il incarne notre mission d’imaginer la ville de demain, avec une nécessaire pluridisciplinarité. Le quatrième pilier est le lieu parisien qui accueille beaucoup d’événements, un lieu d’échanges avec toutes les parties prenantes.

Au sein du pôle que vous pilotez autour de l’innovation entrepreneuriale, comment travaillez-vous?
Nous proposons des programmes concrets d’accompagnement dédiés aux collaborateurs internes ou aux start-up externes. Dans notre pôle incubation, au sein du programme Seed, on accompagne les fondateurs de start-up sur toute la chaîne de valeur. On les aide à savoir comment toucher le monde de la construction, avec ses codes, ses métiers à faibles marges, où l’exposition aux risques et aux aléas est omniprésente. Le processus de sélection est drastique. Cette année nous avions cinq cents candidats pour le programme Seed, on est passé à un top 50 évalué par des experts des métiers du groupe Vinci pour n’en retenir que dix par an dans notre programme. Avec notre autre pilier dédié à l’accélération, on industrialise des solutions matures et notre accompagnement permet aux entrepreneurs de pouvoir parler à la bonne personne rapidement au sein du groupe Vinci. Par ailleurs, nous sommes investisseurs au sein de trente-trois start-up actives, mais toujours minoritaires.

295 Grand entretien - Kevin Cardona, directeur de l'innovation entrepreneuriale de Leonard

Nous voulons proposer des innovations ancrées dans la réalité des métiers du BTP.

Kevin Cardona, directeur de l’innovation entrepreneuriale de Leonard

On parle beaucoup d’intelligence artificielle. Quels sont les cas d’usage abordés dans vos travaux?
Depuis cinq ans, le sujet de l’IA nous mobilise beaucoup. On développe entre quinze à vingt projets d’IA par an. Il y a une explosion de cas d’usage autour de la computer vision sur la sûreté et la sécurité. L’IA est capable de reconnaître ce qui se passe sur une image ou une vidéo. Encore faut-il qu’elle soit entraînée pour reconnaître les risques. C’est l’intelligence de l’opérationnel du métier qui va rendre le cas d’usage pertinent ou pas. Actuellement, nous accélérons la start-up Perception, qui a développé, avec les entreprises du groupe Vinci, une sorte de gyrophare, une caméra postée sur une zone de chantier qui va identifier les situations à risque et prévenir les opérateurs. Ce type d’application de l’IA se démocratise. L’IA va aussi aider les fonctions support. On accélère Sillant, qui automatise la comparaison et l’analyse des devis et offres, et bénéficie d’une grande base de données de la construction. L’IA ne va pas remplacer un métier mais accompagner les humains à être plus efficaces. Plus qu’une révolution technologique, c’est un enjeu de management du changement.

Comment vous positionnez-vous sur le sujet de l’industrialisation de la construction?
Il est commun de dire que nous sommes une industrie de prototypes avec de nombreuses spécificités, loin d’avoir la capacité des industriels de l’automobile d’investir dans un outil productif qui coûte des millions d’euros et de l’amortir. Pour autant, il existe de nombreux endroits où certains process sont industrialisables. Ce qui est en train d’arriver avec certaines start-up spécialisées, c’est la capacité à démocratiser l’industrialisation de la conception. On est aussi en capacité d’industrialiser certains modules de fabrication d’un bâtiment. C’est une grande rupture, qui va se déployer lentement, car cela change l’organisation même des entreprises de construction. Avec ces modèles de fabrication, on ne va plus raisonner lot par lot mais par pièce, car on va assembler des modules. En Finlande, ça marche, nous en avons l’exemple avec l’entreprise de construction Fira. Chez nous, l’intérêt est de rechercher des gains de productivité. C’est aussi un moyen de sécuriser la construction et de répondre à des enjeux environnementaux en utilisant davantage le matériau bois.

Qu’en est-il de l’arrivée des robots sur les chantiers?
La robotisation prend plusieurs formes et les robots vont nous aider à continuer à faire nos métiers mais dans de meilleures conditions. Par exemple pour la démolition et l’inspection. La start-up Flyability a conçu des drones dimensionnés pour l’inspection d’espaces confinés et permettant un travail plus sûr, plus rapide et plus rentable. J’ai également en tête une start-up active aux États-Unis (T2D2) qui a fait le scan 3D et la maintenance prédictive de l’Empire State building par drone alors qu’on imagine bien la complexité que serait la mise en place d’échafaudages… S’agissant des engins connectés, on peut dire que c’est une industrie de plus en plus mature : on voit davantage d’engins et d'équipements contrôlés à distance, comme des pelleteuses. Skyline Cockpit, par exemple, recrée les conditions de pilotage sans risque d’une grue. À horizon trois à cinq ans, il est probable d’observer la démocratisation des engins pilotés à distance, par exemple dans la démolition, les travaux linéaires et répétitifs, ou pour des opérations trop dangereuses à réaliser par les hommes. Au Japon, j’ai vu des opérateurs pilotant des excavatrices à 20 mètres sous terre depuis la surface. Ils viennent de l’industrie du jeu vidéo, il a fallu deux semaines pour les former. La transformation des métiers est aussi un enjeu que les entreprises de la construction doivent anticiper.

Nous accélérons la start-up Perception. Une caméra postée sur une zone de chantier va identifier les situations à risque.

Kevin Cardona, directeur de l’innovation entrepreneuriale de Leonard

Et le remplacement de l’homme par la machine?
Je n’y crois pas dans nos métiers. Il n'y a pas de modèle économique. Nous ne sommes pas au Japon où l’enjeu d’attractivité et la crise démographique ne sont pas les mêmes : les Japonais s’engagent dans la voie de la robotique autonome car ils ont beaucoup plus de difficultés à recruter. On peut y voir des véhicules autonomes construire des barrages. Nous observons ce qui se passe autour des engins autonomes mais nous pensons que l’avenir est bien davantage à l’analyse des données issues des engins connectés et, marginalement, au contrôle à distance d’engins.

Vous travaillez également sur les nouveaux matériaux…
Après la digitalisation, une nouvelle vague d’innovations est alimentée principalement par la lutte contre le réchauffement climatique. Nous savons qu’il nous faudra trouver de nouveaux matériaux bas carbone pour remplacer le ciment, par exemple, sans abandonner les vertus structurelles du béton. La démarche Exegy béton bas carbone du groupe Vinci apporte des réponses concrètes. Un autre exemple dans lequel nous avons investi, Strong by Form, combine l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la robotique pour créer un nouveau matériau composite en bois qui va intégrer la matière au bon endroit, grâce à l’observation de la façon dont les arbres grandissent (biomimétisme). On utilise deux fois moins de matière pour la même résistance mécanique. Il y a aussi quelques initiatives sur l’acier vert à base d’hydrogène, comme Stegra. Nous accompagnons également Ostrea Design, start-up qui utilise des coquillages pour la fabrication de terrazzo marin bas carbone et recyclable. Ce matériau est seize fois moins émissif que le carrelage et trente-deux fois moins que les dérivés de l’industrie pétrochimique. On mise aussi sur la Low tech : deux intrapreneurs de Vinci Energies travaillent sur le réemploi de câbles électriques (Circable) ou de gaines de ventilation (Reuzo). Le neuf est encore économiquement compétitif, donc il faut faire preuve d’ingéniosité pour que ces produits trouvent leur juste place.

En santé-sécurité, vos travaux sont-ils partagés avec l’ensemble de la profession?
Sur les sujets de sécurité et de prévention, il y a peu d’enjeux à garder pour nous les innovations car elles ont trait à la préservation de la vie humaine. C’est notre rôle, particulièrement chez Leonard, de les diffuser largement. On les partage d’ailleurs régulièrement avec l’écosystème d’Impulse Partners, l’accélérateur santé-prévention du BTP.

Portrait chinois

Votre mot préféré? Entreprendre.
Le mot que vous détestez? Procrastination.
Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre? Ébéniste, pour être au contact de la matière et de l’art.
Le métier que vous n'auriez pas aimé faire? Trader, l’argent est un moyen et non une fin.
Votre bâtiment préféré? L’Abbaye de Boquen, en Bretagne.
Le son, le bruit que vous aimez? Le bruit des vagues, relaxant.
Le son, le bruit que vous détestez? La goutte d’eau dans une chambre d’hôtel aseptisée.
Le livre que vous emporteriez sur une île déserte? Les « Îles » de Jean Grenier, éloge du voyage.
Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque? Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen bank, prix Nobel de la paix en 2006.

Leonard

Leonard est la plate-forme de prospective et d’accélération de projets innovants du groupe Vinci, lancée en juillet 2017. Son objectif est de répondre aux grands défis de Vinci : révolution digitale, accélération des cycles d’innovation et transition environnementale.Elle accompagne quatre programmes d’incubationet d’accélération. Les projets accompagnés par Leonard améliorent l’impact environnemental,la productivité et la sécurité des métiers de la construction et des infrastructures.

En savoir plus sur: leonard.vinci.com

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