En résumé
  • Travailler avec des industriels oblige l’entreprise à une exigence particulière en prévention.
  • Une évolution en cours pour passer d’une prévention traditionnelle à une véritable culture sécurité.

    Interview parue dans PréventionBTP n°296-Juin 2025-p. 38

296 Olivier Truc directeur général de Socotrap

©DR

Le groupe Socotrap vient de fêter ses 70 ans. Cette entreprise, très bien ancrée au niveau local et régional, a pour particularité d’avoir toujours su adapter ses activités pour surmonter les crises et les défis du secteur. Depuis 2022, sous l’impulsion de son directeur général Olivier Truc, le groupe s’est lancé dans la mise en place d’une culture de sécurité intégrée.

Parcours

Olivier Truc obtient un doctorat en génie civil à l’Insa de Toulouse et un PhD en génie civil de l’école polytechnique Chalmers à Göteborg, en Suède.
2001 Ingénieur commercial à Saint-Gobain.
2003-2007 Ingénieur commercial puis à la tête du bureau d’études de prix à Socotrap.
2007-2016 Responsable du service désamiantage.
2016-2018 En charge de la certification ISO 9001 : 2015 de l’entreprise.
2018 Directeur général du groupe Socotrap.
2021 Directeur général de la filiale Urban corail.
2022 Président de la filiale construction Nouvelle-Aquitaine, Quanthic ocean.
Il est aussi au conseil d’administration de Nobatek et président du Syndicat de la maçonnerie et du GO de la FFBTP 31.

Pouvez-vous nous présenter votre entreprise et ses activités?
Socotrap est une entreprise de taille intermédiaire et la société mère d'un groupe qui compte deux cents personnes. À sa création, dans les années 1950, l’entreprise était spécialisée uniquement en maçonnerie gros œuvre. À partir de 2004, le groupe a vraiment commencé à se développer et à se diversifier dans le domaine de l’entreprise générale avant de se structurer, dès 2010, pour être performant sur les marchés globaux, en conception réalisation notamment. Nous avons donc trois métiers : gros œuvre, qui reste le cœur de notre activité, entreprise générale et marchés globaux en conception-réalisation. Depuis plusieurs années, nous avons pris un virage stratégique vers l’industriel avec un acteur incontournable à Toulouse, Airbus, que nous avons eu la chance d’accompagner et qui nous a permis de nous développer. Nous menons pour leur compte une à deux grosses opérations par an. Le secteur industriel représente aujourd'hui environ 30 à 40 % de notre activité, alors que le logement, où nous étions auparavant très présents, ne pèse plus que près de 10 % de notre chiffre d’affaires. Enfin, nous sommes aussi sur le secteur de la santé (cliniques, Ehpad…), sur des structures telles que des centres nautiques, le palais des sports à Toulouse, des bâtiments universitaires, collèges, lycées et un peu de génie civil.

Si notre entreprise fonctionne bien c’est parce que nos salariés peuvent travailler dans de bonnes conditions avec du matériel performant dans lequel on investit beaucoup.

Olivier Truc, directeur général de Socotrap  

Quelle est votre vision de la prévention?
Au départ, la prévention c’est surtout une vision humaine et de préservation de la santé de nos collaborateurs. Si notre entreprise fonctionne bien c’est parce que nos salariés peuvent travailler dans de bonnes conditions avec du matériel performant dans lequel on investit beaucoup. C’est un engagement « gagnant-gagnant » : prendre soin de nos équipes pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes. Ne nous voilons pas la face, nos métiers sont assez anxiogènes, avec des enjeux économiques et de timing qui entraînent parfois des contraintes fortes. Lorsque l’on travaille avec des industriels comme Airbus, le bâtiment ne représente même pas la moitié du coût de leurs investissements. Leur objectif est industriel : il s’agit de maintenir une production pour l’international, de gagner des marchés et de rester compétitifs. Nous sommes pris dans ces enjeux, et tout cela a des répercussions sur nos chantiers avec des risques qu’il faut savoir maîtriser. Notre ambition c’est avant tout de prendre soin des équipes et de leur donner les moyens d’agir en sécurité.

296 Grand entretien Socotrap  

J'insiste auprès des équipes pour leur dire que la prévention ne se réduit pas qu'aux règles d'or.

Olivier Truc, directeur général de Socotrap  

Justement, le fait de travailler avec des industriels vous inspire-t-il pour vos politiques de prévention?
Évidemment, quand on travaille avec des industriels, les méthodes peuvent être plus exigeantes. Par exemple sur nos chantiers d'Airbus, nous avons un inspecteur du travail quasiment à demeure, qui réalise des visites fréquentes. Nous avons des préventeurs d’Airbus, qui visitent nos chantiers toutes les semaines. Ils ont également mis en place un GIE qui a pour vocation de gérer les coactivités. Tous ces moyens nous obligent également. Nous sommes jugés par eux et nous devons être à la hauteur. La dimension prévention est donc incontournable quand on travaille avec ces industriels. Il est donc plus facile d’engager les équipes dans les questions de prévention. C’est l'un des vecteurs de notre mobilisation mais ce n’est pas le seul, cela doit avant tout venir de nous.

Depuis 2022, vous avez développé une culture sécurité, comment cela s’est-il passé?
Avec l’évolution rapide de l’entreprise depuis vingt ans, nous avons eu une structuration qui a beaucoup évolué. Notre top management et tout le reste de la chaîne sont impliqués dans l’analyse des risques. Nos opérations sont complexes, avec des contraintes fortes et variées, et donc des risques différents. Tout cela demande une adaptation permanente. Nous avons une vision quasi industrielle de la prévention avec beaucoup d’exigences. Nous avons mis en place une politique baptisée « Zéro gravité-Vers une Culture sécurité intégrée et juste ». Une culture sécurité c’est aussi le fruit de l’histoire et nous avons, parmi nos équipes, des personnes qui sont là depuis longtemps, à une époque où la dimension prévention n’était pas aussi centrale. J’ai souhaité mettre l’accent sur cette dimension, car c’est un axe important de la performance de l’entreprise. En 2022 nous avons donc commencé à travailler avec l’OPPBTP. À ce moment-là, nous avons voulu passer d’une « culture sécurité gérée », plus traditionnelle, sur un modèle PME inhérent à notre histoire, à une « culture sécurité intégrée et juste ».

En quoi consiste votre feuille de route?
Nous avons notamment établi six règles d’or de la sécurité, mais j’ai tout de suite insisté auprès des équipes pour leur dire que la prévention ne se réduisait pas qu’à ces règles. Car j’ai vite senti que cela pouvait vite devenir une sorte de « totem d’immunité ». Sur quelques points, nous avions constaté un certain délitement. En dehors des règles d’or, il y a d’autres éléments à travailler comme des indicateurs et des objectifs à se donner. Nous avons aussi investi largement dans la formation, avec notamment une formation sur le leadership en sécurité pour tous nos managers. Nos investissements sont assez conséquents.

Vous avez également créé deux postes dédiés à la HSE, quel impact cela a-t-il eu sur l’entreprise?
En complément de notre feuille de route, nous avons mis en place en 2022 des ressources et des moyens que nous n’avions pas avant. Nous avons créé deux postes HSE, issus du terrain. Le renfort en HSE nous permet d’accompagner cette évolution vers plus de culture sécurité. Ils travaillent par ailleurs avec notre chargée de mission RSE qui est, elle aussi, une ancienne conductrice de travaux qui voulait évoluer et ne plus « couler du béton ». Ce sont des personnes qui connaissent le métier, les chantiers, cela facilite la communication avec les équipes terrain et elles font mieux passer les messages.

Où en êtes-vous de votre accidentologie?
Nous avons un objectif « zéro gravité », qui fait à la fois référence à la gravité des accidents mais aussi à la gravité terrestre, responsable des chutes. Notre objectif est donc le zéro accident grave comme on a pu en connaître par le passé. Depuis 2022, nous avons constaté une baisse sur les taux de fréquence et les taux de gravité, avec néanmoins une alerte l’an passé sur les taux de fréquence concernant les intérimaires.

Justement, vous employez beaucoup d’intérimaires, comment gérez-vous la prévention auprès de cette cible particulière?
Aujourd’hui, nous avons une part importante d’intérimaires, puisqu’ils peuvent représenter jusqu’à la moitié de nos effectifs de chantiers. Nous avons à cœur de faire baisser cette proportion, mais il reste difficile d’embaucher dans notre secteur. Dans le cadre de notre politique d’achat responsable, nous avons rationalisé le nombre d’entreprises d’intérim auxquelles nous faisons appel afin de mieux maîtriser nos contrats et nos exigences en termes de prévention des risques. On promeut de plus en plus le Pasi, poussés par nos confrères des majors, qui sont un peu plus en avance sur ce sujet. Nous avons aussi adopté une solution digitale baptisée Pixid, qui nous aide à gérer nos intérimaires. Enfin, nous mettons particulièrement l’accent sur l’accueil, et la formation renforcée à la sécurité, qui est un moment très important de notre politique de prévention.

Vous investissez en formation mais beaucoup également en matériel.
Nous avons un parc matériel de 3 000 m2 à Roques-sur-Garonne. Nous avons toujours eu cette volonté de posséder notre propre matériel et d'avoir recours le moins possible à la location. D’ailleurs, c’est ce qui a contribué à faire tourner l’entreprise dans des périodes difficiles. Maîtriser nos outils de travail fait partie de notre exigence. Nous investissons régulièrement dans des équipements de sécurité, comme des Escalib, des grilles de protection d’ascenseur… Nous souhaitons également maîtriser parfaitement nos moyens de levage et former les personnels à l’utilisation de ces matériels.

Comment voyez-vous l’avenir de la prévention chez Socotrap?
Notre objectif c’est que demain, on puisse se dire que notre culture a réellement évolué. On n’y est pas encore. Pour l'instant, tout le monde n’est pas dans cette analyse de risque permanente ni complètement sensibilisé. C’est un travail long et de fond, mais je suis persuadé qu’on y arrivera. L’ensemble de notre entreprise est mobilisé, et nous investissons massivement dans cet objectif.

Parcours de Convention des entreprises pour le climat Nouvelle-Aquitaine 2024-2025

Depuis novembre 2024, Socotrap a intégré le parcours de Convention des entreprises pour le climat (CEC) en Nouvelle-Aquitaine. Objectif : se former et réfléchir à une feuille de route pour faire évoluer son modèle d’affaires vers un modèle à visée régénérative. « L’enjeu est de moins faire appel aux énergies fossiles et de rendre notre modèle plus robuste face aux enjeux actuels et futurs du changement climatique », explique Olivier Truc. En Nouvelle-Aquitaine, quelque soixante-dix dirigeants se sont engagés dans cette démarche, qui consiste en six sessions de deux à trois jours durant lesquelles interviennent notamment des spécialistes des enjeux climatiques. « C’est enrichissant mais aussi assez perturbant, car l’on prend conscience de l’immensité de ces enjeux. Pour le BTP c’est une énorme remise en cause. Cela veut dire réfléchir à de nouvelles solutions, à utiliser moins de béton, à gérer la baisse des niveaux d’eau disponible, à favoriser l’économie circulaire, à s’adapter aux intempéries… Et, derrière tout cela, il y a de l’humain et la question centrale des conditions de travail. C’est finalement lié aux enjeux de santé et de sécurité », estime le dirigeant.

Profil

Fondée en 1954 par Georges Farré, l’entreprise Socotrap a pris de l’ampleur dans les années 1980, sous l’impulsion des deux fils du fondateur, Georges et Roger Farré. À l’origine principalement dédiée à la maçonnerie et au gros œuvre, l’entreprise n’a cessé de développer et diversifier son activité notamment à partir des années 2000 et le rachat de la société par Émile Noyer, Président du groupe, et un groupe de cadres en 2004. Fort aujourd’hui de ses deux cents collaborateurs, le groupe réalise 82 millions d’euros de chiffre d’affaires en consolidé et plus de 100 millions d’euros d’activité. Des activités orientées de plus en plus vers la gestion globale des opérations de construction et de rénovation, à 60 % sur les marchés privés. Le groupe compte par ailleurs cinq filiales complémentaires et un Groupement d’intérêt économique.

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies. Ceux-ci nous permettent de connaitre votre profil preventeur et d’ainsi vous proposer du contenu personnalisé à vos activités, votre métier et votre entreprise. En savoir plus