Silice, une prise de conscience récente, des moyens pour agir
La silice cristalline alvéolaire est omniprésente dans le BTP. Ses acteurs ont pris conscience du risque d'inhalation de ces poussières et agissent pour mieux le maîtriser.
Date de mise à jour : 27 mai 2025 - Auteur : Cendrine Barruyer
● La prise en compte du risque silice est récente sur les chantiers.
● Carto Silice est un outil précieux pour identifier les tâches à risque et les méthodes de protection adaptées.
Article paru dans PréventionBTP n°295-Mai 2025-p. 30.
Un peu plus de 365 000 travailleurs en France sont exposés à l’inhalation de poussières de silice cristalline, selon l'enquête Sumer 2017. Une grande partie d’entre eux exercent dans le BTP. Les opérations de ponçage, burinage, percement, grattage d'enduit, démolition, sciage et découpe sont parmi les plus émissives. Interrogés sur ce qu'est la silicose par le Dr Nicolas Ferrando dans le cadre de sa thèse de médecine, 45 % des compagnons répondent « Je ne sais pas ». En 2018 plus des trois quarts des travailleurs du BTP ignorent le risque d’exposition à la silice cristalline. Le niveau de connaissances est meilleur chez les employeurs. Mais là encore, il existe une importante marge de progrès. Outre la silicose, l’inhalation de poussières de silice cristalline alvéolaire peut entraîner de nombreuses maladies : cancer broncho-pulmonaire, BPCO, insuffisance rénale, sclérodermie, polyarthrite rhumatoïde…
Un nouvel outil, Carto Silice
Depuis la publication de la thèse du Dr Ferrando, la situation a beaucoup évolué. En 2019, le GNMST BTP consacrait une session à ce sujet aux 35es Journées santé au travail dans le BTP. En 2021, la réglementation changeait (lire ci-dessous), et en 2022 l’OPPBTP et ses partenaires publiaient les résultats et préconisations de la campagne exploratoire Carto Silice. Elle levait le voile sur certaines situations courantes et/ou exposantes, et les méthodes les plus efficaces pour se protéger. Dans la continuité de ces travaux, l’OPPBTP et ses partenaires, la Capeb, la FFB, la Fédération SCOP BTP et la FNTP, ont lancé en 2023 une nouvelle campagne, Carto Silice BTP, dont le premier rapport, publié en février, contient les résultats détaillés de sept situations de travail les plus avancées. « C’est une campagne se déroulant sur plusieurs années qui permet de fournir des données actualisées et de valoriser des pratiques opérationnelles vertueuses », précise Alison Alazard responsable risque chimique à l’OPPBTP. « Avant, nous partions d’une page blanche, maintenant grâce à la campagne Carto Silice, nous avons toute une base de données », se réjouit Nicolas Bonnet, IPRP au SPSTI BTP Lorraine, co-auteur en 2019 d’une étude sur l’exposition à la silice cristalline alvélolaire chez les maçons finisseurs. Il observe une véritable prise de conscience du risque par les entreprises. Même constat pour le Dr Jean-François Blanchemain, médecin du travail chez AHI 33, qui note une nette augmentation des travailleurs en suivi individuel renforcé (SIR), permettant le suivi médical adapté selon les recommandations de la Haute autorité de santé de 2021. Et pour aller plus loin ? De nouvelles bonnes pratiques sont en train d’émerger : matériaux préfabriqués, prédécoupés, calepinage, bordures en « coulé en place »… « Souvent je demande aux conducteurs de travaux pourquoi ils ébavurent les voiles alors qu’ils vont être recouverts », indique Nicolas Bonnet, soulignant un conseil de bon sens pour éviter les tâches empoussiérantes inutiles. Enfin, les SPSTI sensibilisent les entreprises sur le Fipu, à savoir les aides des Carsat afin d'accompagner la mise en place de mesures de prévention adaptées.
Que dit la Loi ?
Depuis le 1er janvier 2021, les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire sont ajoutés à la liste des procédés de travail classés CMR (cancérogènes mutagènes et reprotoxiques). Pour les employeurs, cette nouvelle règlementation induit :
– L'intégration du risque au document unique.
– L’obligation d’un suivi individuel renforcé (SIR) pour tous les salariés exposés, adapté au type d'exposition.
– Des contrôles réguliers des niveaux d’exposition.
– Depuis le décret du 4 avril 2024, une traçabilité des expositions.
L’arrêté du 26 octobre 2020 sur lequel se fonde cette nouvelle règlementation est la transposition dans le droit français d’une directive européenne de 2017.
4 bonnes habitudes à adopter

Travailler à l'humide
En amont : humidifier la zone afin que l’activité génère moins de poussières. Au moment de l’intervention (découpe, sciage, démolition…), une pulvérisation d’eau permettra d’abattre les particules au sol. « Il ne suffit pas de brumiser, il faut générer des gouttelettes assez lourdes, qui en tombant tendent à sédimenter », insiste le Dr Blanchemain.

Aspirer à la source
À défaut d’humidification par un système intégré à l'outil – ou si celle-ci est insuffisant – l’aspiration des particules émises est indispensable. L’idéal : l’asservissement qui bloque le démarrage de l’outil tant que l’aspiration n’est pas enclenchée. « Pour des opérations très émissives comme le ponçage, ces options sont maintenant proposées sur les nouvelles machines », se réjouit Nicolas Bonnet.

Isoler les sources émissives
Dans un atelier comme sur un chantier, capoter une machine, étanchéifier et filtrer l'air d'une cabine d'engin (si possible pressurisée) limite l’exposition des compagnons. Pour les opérations telles que la démolition qui, même bien organisées, produisent d’importantes quantités de poussières, l’instauration d’espace clos réduit le nombre de personnes exposées.

Opter pour les bons EPI
Lorsque les mesures de protection collective ne sont pas suffisantes, le port d’une protection respiratoire est indispensable. Elle doit être adaptée selon le type d’activité, son intensité et sa durée. Pour les poussières de silice cristalline, il faut une filtration P3. Des préconisations adaptées sont proposées dans le rapport Carto Silice.