Actu Journées SST Marseille 2023

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    La surveillance biologique des expositions professionnelles (SBEP) est un outil très riche qui permet d’évaluer le degré d’exposition des salariés. Mais au moment de se lancer dans un tel suivi, de nombreuses questions se posent, indique le Dr Renaud Persoons, biologiste toxicologue médical au CHU de Grenoble*. « Quels agents chimiques vais-je rechercher ? À quelle fréquence ? Quel est le biomarqueur le plus pertinent ? Comment dois-je transporter les échantillons ? Comment interpréter les résultats ? Combien de sujets faut-il tester ? À quel moment prélever les échantillons ? Comment restituer le résultat à l’entreprise de façon collective et anonymisée ? Quel laboratoire d’analyse choisir ? »

    Surveillance biologique des expositions professionnelles : comment procéder ?

    « Pour les fumées de bitume, on est typiquement dans un cas de polyexposition, mélange de plusieurs dizaines molécules» Un rapport de l’Anses, publié en 2013, décrit de façon très exhaustive la liste des composants. Pour les sols pollués, la nature des composants toxiques dépend de l’activité historique sur ces sols. On y retrouve principalement des métaux (plomb, mercure, cadmium, chrome et cuivre notamment), des hydrocarbures chlorés et des HAP (90 % des polluants). Il existe des bases de données qui recensent les sols pollués en France (Basias, Basol). Des carottages permettront de préciser la composition des sols.

    Comment interpréter ?

    L’interprétation des résultats va dépendre de nombreux paramètres. Pour les fumées de bitume, par exemple, les paramètres à prendre en compte seront : la proportion de liant dans la composition de l’enrobé, la température à laquelle l’enrobé est appliqué, les conditions ambiantes extérieures, la présence d’un système d’extraction des fumées sur le finisseur, la nature des additifs, ainsi que divers facteurs individuels (tabagisme, habitudes alimentaires comme le barbecue…).

    Quel biomarqueur prescrire ?

    Le choix se fait en se référant à la base Biotox mais également en fonction des préconisations du laboratoire d’analyse. « Il faut ensuite faire le choix entre l’idéal et le compromis (coût, praticité…) », explique le Dr Persoons. Le rapport de l’Anses de 2013 propose une stratégie en deux étapes :

    • Mesure dans l’air des fumées de bitume.
    • Recherche au niveau biologique des marqueurs pertinents en fonction du mélange d’HAP présents dans ces fumées.

    Pour la pollution des sols, cela dépend de la volatilité des métaux (par exemple le mercure) et de la nature des polluants. Dans une autre communication, le même jour sur une thématique proche, le Dr Benoît Atgé, médecin du travail à l’AHI33 et toxicologue, rappelait que certains marqueurs reflètent une exposition récente et d’autres une exposition chronique.

    Des métiers à surveiller

    Pour les enrobés, les métiers qui devront être particulièrement surveillés sont : le conducteur finisseur, le régleur du finisseur et les tireurs de râteau, qui sont derrière le finisseur. D’autres postes sont exposés : le conducteur compacteur et le conducteur d’alimentateur, qui vient régulièrement alimenter le finisseur. Pour la dépollution des sols : le conducteur de l’excavatrice, les opérateurs à pied circulant autour, mais aussi les ingénieurs qui réalisent les échantillonnages… « Lors d’un chantier de dépollution ce n’est pas sur les opérateurs, mais sur les ingénieurs qui venaient ponctuellement faire des prélèvements que les valeurs biologiques étaient les plus élevées ! »

    Quand prélever et comment ?

    Le prélèvement urinaire est le plus simple et le plus utilisé pour de nombreux polluants, mais dans certains cas un prélèvement sanguin est parfois nécessaire (cas du plomb par exemple). Là encore le choix du prélèvement est affaire de compromis en fonction de la durée du chantier, la cinétique d’élimination des marqueurs et les valeurs sanitaires existantes.

    Le Dr Persoons conclut sur une note optimiste : on retrouve majoritairement dans les fumées de bitume des hydrocarbures aliphatiques comportant 9 à 20 atomes de carbone. « Ils ne sont pas dénués de toxicité (effets irritatifs notamment) mais le risque cancérogène semble désormais négligeable. » De manière générale, le niveau médian de fumées de bitume a été divisé par cinq en dix ans. Il en est de même pour les expositions professionnelles aux HAP pour lesquelles on observe une large diminution des composés légers, notamment le naphtalène dont les niveaux d’exposition ont été divisés par 17 les dix dernières années.

    *Propos tenus lors des 36es Journées nationales de santé au travail dans le BTP, le 2 juin 2023.

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