Adidas Arena à Paris : comment construire un ouvrage complexe sur un site enclavé ?
À Paris, sur le chantier de la future Adidas Arena, porte de la Chapelle, l’implication du maître d’ouvrage et les solutions proposées par l’entreprise sont déterminantes dans le bon déroulement de l'opération.
Date : 27/02/2023
Loïc Féron

Un haut niveau d’exigence sur l’impact des travaux.
Une dynamique de bons comportements encouragée.
Reportage paru dans Prévention n° 270-Février 2023-p. 13
Identité
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Paris
Architectes : SCAU/NP2F
Entreprises : Bouygues Bâtiment Ile-de-France (mandataire), Bouygues Energies & Services, Mathis (construction bois)
CSPS : BECS
Durée du chantier : 39 mois
Livraison : décembre 2023
Effectif en pointe : 350 personnes
Coût : 120 millions d’euros
Conseillers en prévention OPPBTP : Pascal Beauchamp et Benoît Chartron

Comme tous les chantiers dédiés aux JO 2024, celui de l’Adidas Arena, au nord de Paris, a une échéance à respecter. Et, dans le cas présent, la phase Héritage – salle multifonction de huit mille places et deux gymnases – précède l’utilisation de l’équipement pour les compétitions olympiques. Cet ouvrage hybride doit être ouvert aux scolaires et aux clubs du quartier dès septembre 2023.
Une superposition d’actions
Contrainte de temps, donc pour Bouygues Bâtiment Ile-de-France, mandataire du projet. Mais aussi d’espace. Entre le boulevard des maréchaux et le périphérique, dans une zone urbaine en plein renouveau, le site est particulièrement enclavé. Comment intégrer un chantier de telle taille dans un environnement aussi dense ? « Nous avons un haut niveau d’exigence concernant l’impact des travaux de l’Arena sur le quartier, mais l’entreprise a du répondant, explique Paul Guillou, chef de projet Arena pour la ville de Paris. L’implémentation du chantier se fait au quotidien. » Au cœur du dispositif, la centrale à béton installée sur site évite les circulations de camions toupies dans ce périmètre, déjà bien engorgé. À l’intérieur du chantier, organisé en six zones de construction, l’activité des grues à tour (une par zone), combinée avec celles des grues mobiles et du mât de bétonnage (en phase gros œuvre), génère une superposition d’actions qui exige anticipation et préparation minutieuse.
Prévention, prouesse technique et performance énergétique
« Plutôt que de devoir corriger les écarts en permanence, nous privilégions une dynamique de comportements souhaités », souligne Guillaume Laroche, préventeur du projet pour Bouygues Bâtiment Ile-de-France, qui suit en cela la démarche de co-construction de la prévention voulue par le maître d’ouvrage. Sur le plan technique, la réalisation des voiles de béton de grande hauteur (11,60 mètres et 16 mètres) des deux gymnases superposés fait figure d’innovation. L’utilisation du bois, matériau biosourcé, pour la charpente et les gradins, et de bétons bas carbone contribue au bilan carbone du bâtiment. Côté chantier, la base vie connectée permet d’évaluer les consommations électriques poste par poste. Quant à la maîtrise de l’impact des travaux sur leur environnement, elle s’illustre aussi par un taux de 95 % de déchets valorisés sur site. Un très fort pourcentage qui suppose un système de tri des déchets à la source, avec des exutoires disponibles et différenciés.
L’implémentation du chantier se fait au quotidien.
Pour l’élingage, une solution pratique, sûre et économe
Comment neutraliser les brins inopérants des élingues chaînes quand seulement deux sur quatre sont utilisés ? Ingénieur de prévention à l’OPPBTP, Georges Fleutry, qui suit de près ce chantier, a pu observer sur ce point une solution alliant prévention et performance. « Sur les élingues chaînes, si l’on n’utilise que deux brins sur quatre, le crochet libre est souvent mis sur une élingue en tension afin d’éviter un balancement des chaînes dans le vide. Mais en descendant sur celui attaché à la charge, le crochet risque avec son poids d’actionner la commande d’ouverture. »
Généralement, pour remédier à cette situation, les compagnons apprennent à faire des nœuds ou à positionner le crochet libre tout en haut, au niveau du moufle. Peu pratique, cette option risque de gêner l’ouverture. « La solution mise en œuvre ici consiste dans une manille d’assemblage placée entre le crochet et la chaîne, une manille assez grosse pour que le crochet libre ne puisse pas descendre celui qui tient la charge. »
Simple d’utilisation et sécurisante au moment des levages, cette solution ne s’improvise pas pour autant.
« Ce type d’élingues avec manille nécessite une commande spéciale en usine. Bouygues Construction Matériel les livre déjà équipées à la demande du chantier. » Quant au surcoût généré par la manille d’assemblage, il est plus que compensé par le gain de productivité. « En plus de l’aspect sécurité, cette solution évite au compagnon de garder une main libre pour soulever le crochet en même temps qu’il ouvre la commande de l’autre main. Et ce, à chaque levage. »
Focus sur les actions de prévention

Une centrale à béton sur site
L’installation sur site d’une centrale à béton limite les rotations des camions-toupies, réduisant l’impact du chantier pour les riverains et le quartier. La production et la composition des bétons bas carbone et ultra bas carbone sont ajustées au jour le jour, en fonction des besoins du chantier.
Des pré-jobs briefings pour identifier les tâches à venir
Dans la safety room dédiée à la prévention, nous organisons des pré-jobs briefings au cours desquels les équipes inscrivent elles-mêmes sur un tableau les tâches à exécuter. Cette action permet d’avoir une vision très claire de ce qu’il y a à faire le jour même et le lendemain. Les quarts d’heure sécurité sont consacrés à la remontée d’information. À partir de photos prises dans la semaine écoulée, nous pointons ce qui fonctionne bien ou pas. À cette occasion, nous revenons sur certains modes opératoires spécifiques, comme ceux liés à l’utilisation des banches, au levage ou au contreventement des ouvrages verticaux. Il est important de valoriser aussi les bonnes pratiques.
Guillaume Laroche, responsable prévention du projet pour Bouygues Bâtiment Ile-de-France
Un ordonnancement détaillé et optimisé
La complexité du chantier de l’Arena Adidas est liée à la conception de l’ouvrage lui-même, très compact, ce qui implique beaucoup de sous-tâches à organiser sur plusieurs niveaux. L’autre facteur est le site lui-même, particulièrement enclavé, qui laisse peu de place au chantier. Toutes les opérations doivent être détaillées et optimisées. L’ordonnancement du chantier nous est présenté de manière très régulière par Bouygues Bâtiment Ile-de-France.
Paul Guillou, chef de projet Arena pour la Ville de Paris.
Dans une logique de compréhension des méthodes
Très investie sur ce chantier, la maîtrise d’ouvrage est particulièrement impliquée sur les questions de prévention. Dans une logique de compréhension des méthodes appliquées au chantier, nous travaillons à la co-construction de solutions permettant d’améliorer les différentes tâches. La proximité des travaux initiés sur le parvis par les concessionnaires nous a, par exemple, amenés à modifier les paramétrages des grues suivant les différents mouvements d’emprises et à repenser les zones de circulation.
Loïc Ramette, coordonnateur SPS, entreprise BECS
Le + prévention : Une co-construction de la prévention

La consultation d’organismes extérieurs
« Nous avons sollicité très en amont l’inspection du travail et la Cramif sur les modes opératoires, ce qui est peu courant, explique Paul Guillou, chef de projet Arena pour la ville de Paris. Tous les trimestres, Bouygues présente à ces organismes de contrôle ses modes constructifs les plus complexes, qui obtiennent leur aval après ajustement. » Cette anticipation évite de bloquer le chantier. « Si des écarts sont constatés au moment de la mise en œuvre, on adapte le mode opératoire, on corrige et on avance », souligne Loïc Ramette, coordonnateur SPS.