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SANTÉ

Alcool sur les chantiers, encore un effort…

Les entreprises prennent mieux en compte les risques liés à la consommation d'alcool. Si dans le BTP elle baisse, des marges de progrès demeurent.

Dernière mise à jour le : 24/02/2025

C B

Cendrine Barruyer

En résumé :

● L’alcool diminue la vigilance et augmente l’accidentologie.
● L’entreprise a les moyens de limiter et contrôler la consommation.

Article paru dans PréventionBTP n°292-Février 2025-p. 30.

Une baisse de 3,8 %. Ce chiffre semble modeste, mais il traduit une réduction régulière de la consommation d’alcool en France. Dans le BTP, longtemps pointé du doigt, la même tendance s’observe, notamment sous l'effet de la réglementation, qui laisse plus de marge de manœuvre à l’employeur pour gérer la problématique alcool. L’alcool altère l’attention et la gestuelle, modifie l’humeur et les comportements… S’il n’existe pas de statistiques récentes, une expertise de l’Inserm de 2003 évaluait à 10,2 % le nombre d'accidents du travail liés à l’alcool. Plus récemment, l’Observatoire français des drogues et tendance addictives (OFDT) estime que l’alcool est responsable de mille décès sur la route, soit un tiers de la totalité des décès (3 167 en 2023). À plus long terme, l'alcoolisme est un facteur majeur de cancers (foie, voies oropharyngées, sein…) et de troubles cognitifs.

Que dit la loi?

Le premier alinéa de l’article R.4228-20 indique que seules quatre boissons alcoolisées sont autorisées en entreprise : vin, bière, cidre et poiré. L’entreprise encourt une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros par salarié si cette restriction n’est pas respectée. L’article R.4228-21 précise l’interdiction de laisser entrer ou séjourner dans l’entreprise un salarié en état d’ébriété. En cas d’accident du travail lié à l’alcool, l’employeur peut être poursuivi pour faute inexcusable (art. 4121-1). « Depuis 2014, l’employeur dispose d’un outil intéressant: il peut interdire par le biais du règlement intérieur ou d'une note de service toute forme de consommation d’alcool s’il estime que la santé et la sécurité de ses salariés sont en jeu (décret 2014-754», souligne Louis Behm, responsable communication et relations clients au SIST BTP 77. Enfin un autre article du Code du travail (R.4534-143) précise que chaque salarié du BTP doit avoir à sa disposition au moins trois litres d’eau fraîche et potable par jour.

Former, informer, alerter

« L’alcoolisme sur les chantiers reste tabou, constate le Dr Thierry Jamen, médecin du travail BTP Santé au travail à Villeurbanne et addictologue. Quand un compagnon boit, c’est un secret de polichinelle, tout le monde le sait mais personne ne dit rien. » Ce déni est remarquablement illustré par la vidéo « Sous influence », réalisée par l'entreprise Colas. On y découvre des salariés qui se rendent à reculons à une formation sur les addictions mais lorsque la parole se libère, les vérités émergent. D’où l’importance des actions de sensibilisation menées au sein des entreprises. « On rappelle ce qu’est la dose-bar (10 cl de vin, ou 25 cl de bière ou 3 cl de whisky), on explique le temps nécessaire pour éliminer 0,2 g d’alcool… », précise Louis Behm. Le rôle du médecin du travail est crucial. « Il est essentiel que l’employeur me transmette le plus d’informations possibles lorsqu’il m'adresse un salarié. Cela permet de nourrir l’échange, de confronter le salarié à son problème s’il est dans le déni, de le motiver à agir pour se libérer de l’alcool », indique le Dr Jamen. Une fois cette relation de confiance établie et avec l’accord du salarié, le médecin du travail passe la main au médecin traitant.

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Une prise en charge à la fois personnalisée et collective

Le Dr Jamen a récemment suivi deux salariés dans une PME de 200 personnes. La prise en charge a été à la fois personnalisée et collective. Au niveau collectif, le SPST a organisé des actions de prévention avec le dirigeant, l’encadrement, le HSE, un ingénieur de la Carsat et le soutien de l’OPPBTP. « C’était un débat interactif sans les salariés concernés. » Dans un second temps, le Dr Jamen a reçu ces derniers. L’un, ouvrier cariste, a été suivi conjointement par le médecin du travail et le médecin traitant. « Il est parti en cure de désintoxication à Hauteville. Il a ensuite refait une post-cure, et quand il s’est senti en état de reprendre le travail, il est revenu en mi-temps thérapeutique. » Le second cas était plus compliqué, « il a réduit sa consommation mais je n’ai pas pu régler totalement le problème avec lui car il était dans le déni. »

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