Gérer, en fauteuil roulant, l’environnement humain et matériel d’un chantier
Dans les Deux-Sèvres, la société R.Access tranquillise les chantiers de travaux publics. Son dirigeant, en fauteuil roulant, vérifie les conditions de circulation autour. Et joue les intermédiaires avec la vie du quartier. Un service pour lequel elle est de plus en plus sollicitée.
Date : 15/05/2025
Hubert Heulot

© DR
« Comme il se déplace en fauteuil roulant, Jean-Luc Thibaudeault aperçoit des obstacles qu’on ne voit pas et suggère des solutions concrètes. Il rétablit le dialogue et l’écoute des riverains dans un monde où tout va trop vite ». Valérie Lafosse, conseillère collectivités territoriales chez GRDF pour la Vienne et les Deux-Sèvres n’est pas n’importe qui pour Jean-Luc Thibaudeault, le dirigeant de R.Access. C’est grâce à elle que tout a commencé.
Lui, l’homme en fauteuil, le joueur de basket et agent de développement de l’AS Niort, lui avait glissé à l’oreille qu’il « suffirait de pas grand-chose pour faciliter la vie de tout le monde » autour d’un chantier local, alors en cours. Ils en avaient fait le tour. Ici, une petite marche en trop, là un camion à déplacer de quelques centimètres seulement, les poubelles à poster un peu plus loin, des barrières à bouger un peu. « Il a vraiment raison », s’est dit Valérie Lafosse.
En 2020, sous sa houlette, R.Access remporte le challenge de l’innovation GRDF, catégorie inclusion-handicap. Depuis, Jean-Luc Thibaudeault, 58 ans aujourd’hui, a structuré son offre et a créé son entreprise en 2021. Il compte aujourd’hui parmi ses clients Colas, Eiffage, Eurovia, Enedis, Charier TP dans l’Ouest. Des villes aussi : Niort, Poitiers, Rennes, de plus petites communes. Il est sur le point de recruter un deuxième salarié.
Interlocuteur des riverains
« Là où je passe, tout le monde passe », clame-t-il, dans son fauteuil roulant. C’est ainsi qu’il vérifie les cheminements piétons autour d’un chantier, largeur et qualité du roulage, du gravier à ajouter ici pour réduire la pente, une plaque d’acier à poser sur des bosses. Il participe aux réunions de chantier, dans la position de l’interlocuteur indépendant spécialiste de l’accessibilité. Ceux qui, comme lui, ne se déplacent pas facilement, les parents avec des poussettes, les personnes âgées, avec ou sans canne, profitent des détails corrigés. Il crée, au besoin, une signalétique supplémentaire à ce qui est prévu. « Il ajoute de la sécurité », estime Valérie Lafosse.
Ce regard différent, Jean-Luc Thibaudeault, l’étend à l’ordinaire de la vie du quartier : le ramassage des ordures ménagères, la livraison des commerces, les déménagements. Des événements pour lesquels il demande de poser des rampes, négocie avec les équipes du chantier des créneaux de libération d’accès ou de stationnements. Jean-Luc Thibaudeault se fait interlocuteur des riverains auprès d’elles.
« Il intègre la vie des habitants autour du chantier. Neutre, il est écouté aussi bien par nos collaborateurs qu’à l’extérieur par les riverains quand il leur explique que ce qu’ils demandent est impossible », apprécie Mathilde Andraud, chargée du développement commercial chez Charier TP, client régulier de R.Access. Le partenariat avec Jean-Luc Thibaudeault a permis à l’entreprise de se démarquer sur la sensibilité aux voisins de ses chantiers. En interne, tout le monde cultive cette valeur.
Jean-Luc Thibaudeault a calculé le bénéfice réel apporté aux entreprises. « J’épargnais 1 h 15 par jour à un chef de chantier GRDF durant trois mois en interruptions de travail dues aux contacts avec les riverains. »
10 000 à 15 000 euros par chantier
Selon la complexité du chantier, sa prestation est facturée entre 300 et 400 euros par semaine, hors frais kilométriques. « Nous la proposons plutôt en cœur de ville et uniquement quand elle semble quasiment nécessaire, explique Mathilde Arnaud, car il n’est pas facile de faire accepter 10 000 ou 15 000 euros de frais supplémentaires pendant toute la durée d’un chantier. » L’activité de R.Access, 100 000 euros de chiffre d’affaires l’an dernier, ne cesse cependant de croître. Jean-Luc Thibaudeault vise de desservir toute la France en embauchant localement des personnes en fauteuil, comme lui, qu’il formera d’abord pendant un mois. Dernièrement, il négociait d’éventuels contrats en Savoie.

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