Méthodes et organisation sur le chantier du centre pénitentiaire de Gradignan
Dans un environnement contraignant, la construction du nouveau centre pénitentiaire repose sur l’anticipation des phases de travaux et une organisation rigoureuse.
Date : 29/03/2023
Loïc Féron

Bien anticipé, le programme de travaux s’articule en deux temps.
Un point hebdomadaire est organisé pour tenir compte des mouvements du chantier.
Reportage paru dans PréventionBTP n° 271-Mars 2023-p. 15
Identité
Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ)
Maître d’œuvre : Archi 5 (architecte) et Ingérop (bureau d’études)
Entreprises : Vinci Construction France (mandataire du groupement), GTM Bâtiment Aquitaine (filiale de Vinci Construction)
CSPS : Bureau Véritas
Début du chantier : été 2021
Achèvement : 2026
Effectif en pointe : 350
Coût (travaux) : 96 millions d’euros HT.
Conseiller en prévention OPPBTP : Laurent Margeride

À Gradignan, près de Bordeaux, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) réalise un nouveau centre pénitentiaire à côté de celui existant. « L’objectif est d’améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de détention tout en intégrant les préoccupations des riverains », explique la responsable du projet à l’APIJ. Retenu en conception-réalisation, le groupement emmené par Vinci Construction a commencé les travaux à l’été 2021. La mise en service d’un premier groupe de bâtiments autonomes, en 2024, va permettre d’y transférer les détenus, avant une seconde phase programmée entre 2024 et 2026. À terme, le centre pénitentiaire sera doté de six cents places (contre 450 actuellement).
Une forte densité d’ouvrages
Après une étape de démolition, GTM Bâtiment Aquitaine, filiale de Vinci Construction, s’est engagée dans la construction d’un ensemble de dix-neuf bâtiments (dont quatorze en phase 1), y compris l’un des miradors, qui fait l’objet de modes opératoires spécifiques. Le chantier se caractérise donc par une forte densité d’ouvrages. Jusqu’à six grues à tour travaillent en simultané. Ce chantier d'envergure présente de forts enjeux en termes de phasage et d'organisation des travaux pour les équipes de GTM Bâtiment Aquitaine et la maîtrise d'œuvre. Sa segmentation permet une bonne préparation et un bon suivi de production. « La difficulté consiste à bien articuler les deux phases de travaux entrecoupées par le transfert des personnes détenues, précise le directeur du projet. La conception et la finalisation des différents systèmes de sûreté, mais aussi d’alimentation ou de chauffage, requièrent beaucoup d’échanges. »
L’anticipation sur l’implantation des réseaux
Le positionnement des réseaux détermine les zones de travaux associées, les grands axes de circulation et, par conséquent, les zones de stockage ou les cheminements piétons. Autant de points de vigilance pour le conseiller qualité prévention environnement (QPE)*, qui s’emploie à conserver la maîtrise de cette géographie mouvante : « La réunion organisée chaque semaine sur l’avancement des travaux extérieurs permet de faire évoluer le plan d’installation de chantier, de créer de nouveaux cheminements tout en veillant à nos fondamentaux : une entrée et une sortie pour les véhicules, pas de marche arrière et des raquettes de retournement. »
*Pour des raisons de sûreté, les témoignages de ce reportage ont été anonymisés.
Une réunion hebdomadaire permet de faire évoluer le plan d’installation de chantier.
Du BIM à usages multiples
« Sur ce chantier, le BIM est largement utilisé par les conducteurs de travaux, tous ont reçu une formation à base de viewers permettant d’effectuer des coupes et d’assembler les nombreuses maquettes numériques générées par ce projet, explique le conseiller qualité prévention environnement (QPE). Tous les lots, toutes les disciplines ont leur maquette, ce qui suppose une veille permanente sur la mise à jour. »
Tout le phasage du mirador, depuis la conception jusqu’à la phase de contrôle en passant par l’étape opérationnelle, a, par exemple, été réalisé en BIM. « Nous avons recours au BIM lors des échanges avec l’administration pénitentiaire pour visualiser les volumes finis », confirme la représentante de la maîtrise d’ouvrage. L’APIJ dispose d’un schéma contrôle qualité (SCQ), un des éléments de suivi construits avec le groupement en phase études et en phase travaux. « Pendant toute la durée du chantier, ce SCQ permet de vérifier un certain nombre de points de qualité attendus sur le rendu du projet. »
Les vingt et un jalons identifiés au moment des études font l’objet d’auto-contrôles menés en phase opérationnelle par le groupement en vue de préparer les opérations préalables à la réception (OPR). La maquette numérique permet à l’entreprise en charge des travaux de suivre et de contrôler la réalisation d’éléments spécifiques (par exemple les portes) sur la durée du chantier. Elle facilite également la préparation par le maître d’ouvrage de la réception des 22 000 m2 de surface compris dans le projet.
Focus sur les actions de prévention

Gestion des interférences
Le système de gestion des interférences des grues à tour tient compte de l’implantation des grues mobiles mises en œuvre pour la pose (simultanée au gros œuvre) de la charpente métallique. Simple et rapide, le paramétrage depuis une application sur smartphone peut interdire au chariot de survoler la surface où évolue le mât de la grue mobile.
« Implantation et orientation des bâtiments sur le site »
La complexité du projet réside dans la construction de bâtiments sur un site pénitentiaire occupé impliquant d’importantes exigences de sûreté. Le site contraint en zone urbaine influence l’implantation et l’orientation des bâtiments, notamment vis-à-vis de l’extérieur du domaine. La passation du marché en conception-réalisation a permis d’anticiper l’étude des méthodes constructives pendant la conception.
Cheffe de projet à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ)
« L’anticipation de méthodes pour des rotations bien cadencées »
Ce chantier, c’est beaucoup de béton, beaucoup de réservations et peu de choses apparentes. Bien que l’incorporation des réseaux dans les structures ait été étudiée en conception, une grande part se joue au moment du gros œuvre avec les sous-traitants spécialisés. La proximité des voiles nécessite l’anticipation de méthodes pour obtenir des rotations bien cadencées.
Directeur de projet GTM Bâtiment Aquitaine et mandataire du groupement
« Une grande importance accordée à l’analyse du risque »
La mise en place d’une équipe gros œuvre, tôt dans le calendrier, est la clé d’une bonne préparation de chantier. C’est un levier majeur pour faire prendre conscience à chacun des risques et les gérer. En une année de production, vingt-cinq avenants au PPSPS ont été rédigés sur la base des analyses de risque réalisées par les conducteurs de travaux et chefs de chantier. Nous y accordons beaucoup d’importance.
Responsable du gros œuvre chez GTM Bâtiment Aquitaine
Le + prévention : Un mode opératoire spécifique pour les miradors

1. Retour d’expérience et gestion des contraintes
La construction des deux miradors s’inspire du retour d’expérience de l’entreprise Travaux du Midi, filiale de Vinci Construction, au centre pénitentiaire des Beaumettes (Marseille). À Bordeaux-Gradignan cependant, le mode opératoire diffère. « Les contraintes sismiques auraient nécessité le coulage en place de grandes bandes de clavetage à la jonction entre la dalle du poste de surveillance et le fût du mirador », explique le responsable du gros œuvre. La présence d’une ligne RTE empêchait le montage de l’échafaudage requis.