En résumé

    Une anticipation des chantiers au service de la prévention.
    Une communication permanente entre les compagnons.

    Reportage paru dans Prévention n° 266-Octobre 2022-p. 26

    Photo : 266_Entreprise du mois Py Elias - C05 - MAGAZINE

    Crédit photo : Frédéric Vielcanet

    266_Entreprise du mois Py Elias - C05 - MAGAZINE

    Le 19 juillet 2022, en pleine canicule, sur le chantier de l’école Émile Keller à Rougemont-le-Château (Territoire de Belfort), on pense déjà à l’hiver. « J’ai préconisé de placer des arrêts neige sur les toitures car, en cas de fortes chutes de neige, il est possible que ça tombe juste au-dessus de la cour d’école », indique Alexis Py, le dirigeant de l’entreprise familiale Py-Elias, spécialisée en menuiserie, charpente, construction bois, couverture et zinguerie, et chargée de restaurer les couvertures de deux bâtiments de l’école. Si Alexis Py pense à la sécurité des enfants, c’est également révélateur de sa préoccupation permanente des conditions de travail de ses salariés. Il a d’ailleurs décalé les horaires de travail – de 6 heures à 14 heures – en ces jours de forte chaleur. Mais son obsession, ce sont les chutes de hauteur. Une obsession héritée de son père Francis Py, aujourd'hui retraité et toujours président de la société. Celui-ci a réalisé de gros investissements pour la sécurité : parc d'échafaudages, chariot à tourelle rotative, appareil d'aspiration des poussières à la source… Et les résultats sont là : l’entreprise n’a pas connu d’accidents graves. Elle déplore essentiellement des coupures. Au moment de défilmer la tôle de zinc, pour avoir plus de prise, les compagnons sont tentés de retirer le gant. « Le plus important pour nous, c’est d’avoir zéro chute de hauteur, on fait tout pour que cela n’arrive pas », insiste Alexis Py. À commencer par un travail d’anticipation des chantiers.

    Chez Py-Elias, tout le monde est impliqué

    Quand un projet est signé, le chef d’entreprise estime avec Florent, du bureau d’études, les besoins en matériaux. « Nous réalisons les plans pour l’approvisionnement du bois, et Florent communique beaucoup avec le chef d’équipe qui fera le levage. Tout le monde est impliqué et connaît le chantier avant d’y être. C’est la meilleure façon d’assurer son déroulement, en sécurité. » Si c’est un prestataire qui monte l’échafaudage, l’entreprise rédige son PPSPS, lui précise l’emprise disponible pour le stockage du matériel. « Nous indiquons la localisation de l’engin et le rayonnement de levage. Nous précisons nos besoins en échafaudages, les hauteurs par rapport à nos zones de travail, et les largeurs de platelage. »

    Intégrer la prévention en amont

    Le dirigeant prévoit toujours d’intégrer la prévention en amont. « C’est important, car si nous sommes courts en termes de délais d’exécution du chantier, les compagnons auront toujours tendance à défavoriser la sécurité. » Or, Alexis Py se bat contre cela. Il enjoint à ses couvreurs de ne pas réceptionner les échafaudages tant qu’ils ne sont pas conformes à ses exigences, même si c’est une perte de temps. « Je soutiens mon chef d’équipe pour qu’il ne lâche pas, et je préviens aussi la maîtrise d’ouvrage et le client de la situation ». Stéphane Donadel, couvreur zingueur et chef d’équipe, confirme : « On ne se mettra jamais en danger, notre patron est strict là-dessus. La sécurité prime devant la rapidité de réalisation. » Et quand l’entreprise ne dispose pas du matériel nécessaire, elle travaille avec un sous-traitant qu’elle connaît. Elle se méfie : « Certains échafaudeurs ont du mal à se mettre à la pose de filets dès que la hauteur est trop importante. »

    Rôle majeur du CSPS

    Alexis Py insiste sur le rôle majeur du CSPS pour la sécurité des chantiers : « On a besoin de son appui pour faire valider certains éléments et faire comprendre au maître d’ouvrage ou au maître d’œuvre notre logique de travail. » Lors de l’inspection commune avec les CSPS, Alexis Py n’hésite pas à faire part de son souhait d’éviter la coactivité avec certaines entreprises lorsqu’il l’estime trop dangereuse. Toujours à l’écoute de ses salariés, il a accepté la demande d’un chef d’équipe d’acheter des bouchons moulés. « Le bruit peut venir de la coactivité et on n’a pas le temps d’aller chercher son casque. Autre avantage: c’est léger et on les a toujours sur soi. »
    Attentif à la formation des compagnons, il bute sur la difficulté à les rendre disponibles. « Les bloquer trois jours, c’est compliqué. » Un sujet révélateur de la pénurie de personnel qui frappe la profession : Py-Elias devrait accueillir 18 à 20 compagnons, au lieu des 14 actuels. Pourtant, ses compagnons ne tarissent pas d’éloges sur leurs conditions de travail : Stéphane Donadel, 19 ans d’ancienneté, aime ce métier valorisant, où il apprend tous les jours. Même attrait pour Marceau Blaison, charpentier-couvreur qui a rejoint l’entreprise il y a un an et demi, qui souligne : « C’est la première fois que je vois autant d’actions sur la prévention ». Sans doute l’attention d’une entreprise familiale qui, avec sa quatrième génération de charpentiers, en 2023, fêtera ses 100 ans !

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    Priorité à la protection collective. Ici, les filets sont posés. Dans l'entreprise, le harnais est uniquement porté quand on utilise une nacelle.

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    Trois accès à la toiture de l’école ont été prévus sur ce chantier, pour éviter de créer de mauvais comportements.

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    Le pont roulant, qui soulage les manutentions – la bobine de zinc pèse ici une tonne –, a été acheté au moment de l’acquisition de l’atelier.

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    Le dernier investissement en date pour les échafaudages a été ce rack de stockage.

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    L’atelier de menuiserie est équipé d’un système d’aspiration à la source.

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    À défaut d’échafaudage, le chariot à tourelle rotative utilisé avec une nacelle sécurise les accès en hauteur. Il a représenté un investissement de 200 000 euros. Ici, protégé du soleil pour éviter qu’il ne devienne une fournaise.

    Les pièces de charpente sont numérotées afin de bien organiser leur stockage.

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    Bilan de performance

    Les investissements en prévention sont engagés en fonction du bilan comptable de l’année et des besoins « mais tous les ans, nous investissons un peu », affirme Alexis Py. Sur la question de la productivité, le dirigeant est clair : « Sur un chantier simple et rapide, le montage des échafaudages fait perdre du temps, mais c’est indispensable pour la sécurité des compagnons. De plus, cela améliore les conditions et la qualité du travail. » En revanche, sur un chantier complexe, il gagne en productivité.

    Focus

    Faire toujours plus sur les chutes de hauteur

    L’entreprise a voulu aller encore plus loin sur le risque de chutes de hauteur en étant accompagnée par l’OPPBTP.

    Dans le cadre de la campagne dédiée aux chutes de hauteur, Alexis Py, dirigeant de Py Elias, a engagé plusieurs actions. Explications.

    Comment avez-vous été impliqué dans la campagne Chutes de hauteur impulsée par l’OPPBTP?

    Virginie Mangel, conseillère en prévention de l'OPPBTP, est venue nous voir en 2019 pour nous proposer un diagnostic initial sur les travaux en hauteur. Très sensible à cette question, j’ai accueilli favorablement cette démarche mais nous avons décalé d’un an l’accompagnement pour pouvoir être disponibles. Le contrat d’accompagnement a été lancé pendant la crise Covid et s’est clôturé début 2022.

    Quels ont été vos axes de progrès à l’issue du diagnostic initial?

    Il nous manquait des secouristes, trois compagnons ont été formés. Ils ont également été formés aux CACES®. Tous les chefs d’équipe ont suivi la formation Adapt métier de couvreur, une formation action sur les conditions de travail. Les chefs d’équipe ont également été réunis en atelier sur le sujet des PV de réception d’échafaudages.

    Qu'avez-vous retiré de la formation dédiée aux dirigeants?

    Elle permet d’intégrer la stratégie de prévention par le coaching. Le management n’est pas dans notre nature, mais c’est important, surtout pour expliquer que la prévention, ce n’est pas une perte de temps. J’ai aussi apprécié de parler avec d’autres dirigeants.

    Quelles ont été les autres actions menées?

    Le travail de calepinage faisait aussi partie du plan d’action. S’agissant du matériel, nous avions quasiment tout, sauf des filets maille 10x10 et des racks de levage, qui ont été achetés. J’ai également adhéré à la charte couvreur car j’avais l’impression qu’il existait une concurrence déloyale. Il existe un coût à la mise en sécurité de nos chantiers. Donc en signant la charte couvreur, on peut se comparer avec les confrères qui prennent les mêmes engagements sur la sécurité.

    La prévention, ce n’est pas une perte de temps.

    Alexis Py, directeur de Py-Elias

    À 16 ans, Alexis Py était déjà intéressé par le métier de couvreur-zingueur. Il est entré en 1998 comme apprenti à Dettwiller à Belfort et s’est formé au métier pendant deux ans aux Compagnons du Devoir à Dijon et a obtenu son CAP BEP. Son père, Francis Py, a racheté Elias en 1999 agrégant ainsi une activité de couverture à la menuiserie-charpenterie. Alexis l’a naturellement rejoint. 

    Photo : 266_ Entreprise du mois Py Elias - Portrait Alexis Py

    Crédit photo : Frédéric Vielcanet

    La méthodologie appliquée

    Il y a environ un an, Py-Elias a mis en place un système de calepinage pour ses échafaudages. Ce qui lui évite d’avoir à démonter des échafaudages dont les pièces nécessaires auraient été mal anticipées. Le but : les économiser et gagner du temps.

    La structure est dessinée dans le bureau d’études et le client peut se rendre compte du résultat. « Une feuille de calcul Excel dont les formules ont été préétablies par moi, avec la hauteur de la gouttière, la hauteur du plateau, nous donne le nombre d’échelles, de demi-échelles et de poteaux nécessaires », explique Florent Christophe, technicien bureau d’études Bois.

    En fonction de l’équipement dont disposait déjà l’entreprise, les éléments qu’elle détenait le plus, échelles, potelets et grands potelets ont été privilégiés.

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