Toerana Habitat : la force du collectif

Toerana Habitat n’est pas une entreprise comme les autres ! Elle est la seule coopérative d’activités et d’emploi (CAE au statut de Scop) dédiée aux métiers du bâtiment dans les Hauts-de-France. Porté par ses expériences passées dans le développement durable et le monde associatif, son fondateur Benoît Boulnois s’est inspiré d’une entreprise coopérative en Auvergne-Rhône-Alpes pour créer Toerana Habitat en 2013. Son objectif ? Accompagner des professionnels aux profils variés – entrepreneurs souhaitant tester un autre modèle, salariés voulant créer leur entreprise, personnes en reconversion, demandeurs d’emploi… – avec un fort prisme sur l’écoconstruction et l’écorénovation. Tous les métiers du bâtiment sont concernés, ceux du second œuvre et du gros œuvre (maçon, charpentier, électricien…) comme les architectes ou les spécialistes de l’ingénierie. « Ils sont confrontés aux mêmes difficultés de gestion ou de qualification, aux mêmes lourdeurs administratives… Je souhaitais une structure qui a du sens, pour les aider et faciliter le réseautage », explique Benoît Boulnois, qui se félicite d’avoir accompagné plus de trois cents porteurs de projets en une douzaine d’années.

S’initier aux rouages de l’entrepreneuriat

Des chargés d'accompagnement et de prévention de Toerana Habitat aident les jeunes entrepreneurs du BTP, comme Julien Dupuis (lire p. suivante), et favorisent le réseautage.

Toerana Habitat regroupe aujourd’hui une centaine de professionnels, dont certains testent, grandeur nature, leur activité à travers un contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE), qui permet de s’initier aux rouages de l'entrepreneuriat. Après quinze à dix-huit mois, ils peuvent signer un contrat d’entrepreneur salarié-associé (CESA) ou choisir une autre voie, hors de la coopérative. Concrètement, Toerana Habitat sert de relais (domiciliation, Siret, assurances, qualifications…) et met à leur disposition divers services, de la réalisation des devis à la facturation des clients ou la comptabilité avec l'appui d'une équipe support d’une dizaine de personnes. Ils bénéficient également d’un parcours d’intégration avec douze journées de formation collective, dont cinq dédiées à l’écoconstruction et l’écorénovation. « Ce n’est pas un critère pour nous rejoindre, mais au moins 70 % s’engagent dans cette voie », ajoute le fondateur-directeur.

La prévention élevée au rang de priorité

Les autres journées sont consacrées au plan de financement, l’appropriation des techniques, la relation client… Et un jour entier porte sur la prévention, l'une des priorités de Toerana Habitat, qui dispose en interne de deux chargés de prévention. « En cas d’accident, c’est toute la coopérative qui est impactée. Il faut donc créer une dynamique et une stratégie collective », précise Benoît Boulnois. Ainsi, pour financer son fonctionnement, la structure perçoit un faible pourcentage de la marge brute de chaque membre. Depuis 2021, elle a exclu de ce montant les dépenses liées à la sécurité (achats de matériels, formations…) pour inciter chacun à s’engager plus fortement dans la prévention. « Car avant d’être une dépense, c’est un investissement », estime le directeur général. Elle a également noué un partenariat avec l’OPPBTP, encore renforcé depuis quelques années avec un plan d’action à long terme.

Cinq objectifs pour gagner en sécurité

Dans le cadre de la démarche Accompagnement du chef d’entreprise (ACE), un audit a été réalisé afin de définir une politique globale de prévention, proposée au conseil d’administration et validée par l’assemblée générale des associés. « Plus on est proche de la gouvernance, plus la prise de conscience sur les risques par tous est importante », souligne Benoît Boulnois. Cinq objectifs ont été définis : développer les compétences des entrepreneurs de la coopérative en matière de sécurité, intégrer la prévention des risques dans les devis, réaliser les chantiers en sécurité (signalétique, EPI…), proposer des solutions pour les investissements en équipements et matériels et, enfin, réduire les accidents liés aux risques majeurs. Parmi les actions récentes, citons des formations pour le conseil d’administration ; des ateliers autour des risques de chute, du risque routier ou sur les TMS ; la réalisation de tous les devis sur le même extranet (validé par le conseiller en prévention) à partir d’un outil de l’OPPBTP ; ou encore une journée de formation Prév’Action Dirigeants pour les entrepreneurs salariés associés, soit une cinquantaine de personnes. « La personne est la plus belle richesse d’une entreprise, et sa santé est une priorité, encore davantage dans une Scop. À travers cette politique, notre but est de rendre chacun responsable de sa conduite », conclut Benoît Boulnois.

Benoît Boulnois a créé Toerana Habitat il y a douze ans, pour accompagner les professionnels du bâtiment.

Parmi les douze journées d’intégration, l’une est entièrement consacrée à la prévention, elle est coanimée par l’OPPBTP.

Des formations métiers sont organisées pour monter en compétence (ici une formation zingueur pour les charpentiers).

Les artisans ont participé aux travaux (ici la cafétéria) de la Maison de l’économie sociale et solidaire de Lille, où est installée la coopérative.

Une dizaine de permanents apportent un soutien aux artisans de la coopérative, notamment pour les tâches techniques et administratives.

Les artisans sont encouragés à suivre diverses formations liées à la prévention, par exemple au montage d’échafaudages.

Les nouveaux entrants sont sensibilisés à la sécurité avec une journée de formation à la prévention, et ils sont accompagnés toute l’année.

Jeune artisan, Julien Dupuis trouve en Toerana Habitat un soutien précieux, notamment en matière de prévention. La coopérative constitue également un réseau important d’entrepreneurs, pour échanger ou trouver de nouveaux chantiers.

Pourquoi avez-vous rejoint Toerana Habitat ?
Il y a une dizaine d’années, j’ai touché par hasard au bois, et j’ai su que c’était ma voie ! J’ai d’abord travaillé dans une menuiserie, mais l’entente avec le patron était mauvaise. J’ai alors pensé à créer mon entreprise mais j’avais peur de me lancer seul. Une amie charpentière qui adhérait à la coopérative m’en a parlé. Un premier rendez-vous a permis de faire un point sur mes compétences et motivations, avant que j’intègre la structure et participe aux douze journées collectives d’intégration, organisées sur trois semaines.

Comment s’est déroulée votre intégration ?
On apprend beaucoup de choses sur la gestion quotidienne, les outils internes à la coopérative, la prévention… En tant que salarié, je n’avais jamais été sensibilisé aux risques professionnels. C’est la première fois que j’ai pu accéder à une formation sur le sujet, à travers une session d’une journée organisée par Jean-François Messager, l’un des deux chargés d’accompagnement et de prévention de Toerana Habitat et par Tony Boët, de l’OPPBTP. J’ai pu apprendre les bases et les bons gestes, découvrir les formations que je pourrais suivre à l’avenir…

Quel est votre bilan ?
J’ai déjà beaucoup appris, sur tous les sujets et en prévention. À l’avenir, j’aimerais me former davantage, par exemple sur les échafaudages, m’équiper en matériels, comme une plate-forme individuelle roulante… Par-delà la sécurité, ce serait un moyen de gagner en productivité. La coopérative peut nous aider à trouver des financements et monter des dossiers.