En résumé

    Le GNMST BTP produit de nombreux documents techniques et finance des recherches.

    Il appuie ainsi les médecins du travail du BTP dans leurs missions auprès des entreprises.

    Interview parue dans PréventionBTP n°276 p. 34-Septembre 2023.

    276 Michel Cambrelin, président du GNMST BTP

    ©Denis Abbonato Photography - APST BTP 13

    Michel Cambrelin, médecin du travail au SRAS BTP de Toulouse, préside le Groupement national multidisciplinaire de santé au travail du Bâtiment et des travaux publics (GNMST BTP). Organisateur avec l’APST BTP 13 des dernières Journées nationales de santé au travail dans le BTP à Marseille au printemps 2023, il expose les atouts des services de prévention et de santé au travail spécialisés dans le BTP. Des services qui ont connu de multiples réformes, dont la plus récente en 2021.

    Parcours

    Titulaire d'une Capacité de médecine en santé au travail et prévention des risques professionnels, Michel Cambrelin exerce en médecine du travail dans le BTP depuis dix-neuf ans.
    1998-2004 : médecin généraliste dans l’Aisne.
    2004-2018 : médecin du travail du BTP au SIST GAS BTP Nord Est, à Reims.
    Depuis décembre 2014 : président du Groupement national multidisciplinaire de santé au travail dans le BTP (GNMST BTP)
    Depuis 2018 : médecin du travail du BTP au SRAS Santé au Travail à Toulouse.


    Vous présidez le GNMST BTP depuis fin 2014. Quel est son rôle ?
    Sa mission essentielle est de promouvoir des travaux se rapportant à la médecine du travail, à la prévention, aux conditions de travail et à l'ergonomie dans le BTP. De plus, le groupement organise tous les deux ans des Journées nationales de santé au travail dans le BTP, qui collent à l’actualité des préoccupations des services. Cette année, le thème retenu était : « Biométrologie, traçabilité, prévention en milieu confiné ». Notre groupement est connu pour ses fiches FAST, un répertoire des situations de travail du BTP présentant des descriptions des postes de travail et des principaux risques à prendre en compte. Nous produisons aussi le FAN, un guide d'appréciation du risque professionnel relatif à des produits toxiques, la finalité étant de recommander un suivi médical adapté. Nous disposons d’un site Internet et nous éditons également celui de Forsapre, qui intègre les résultats des travaux des commissions FAST, FAN, et différents guides. Nous sommes aussi organisme de formation, en partenariat avec l’OPPBTP, pour faire monter en compétences les médecins du travail et les membres de leur équipe pluridisciplinaire afin qu’ils soient toujours plus pertinents dans leurs conseils aux salariés et aux entreprises.

    Quels sont les sujets qui ont fait l’objet de publications récentes?
    Pour faire suite à la recommandation labellisée par la Haute autorité de santé « Surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés ou ayant été exposés à la silice cristalline », le GNMST BTP a proposé une aide à l’évaluation de l’exposition cumulée aux poussières de silice par métier dans le secteur du BTP afin de guider l’activité des professionnels de la santé au travail. Ces travaux ont été présentés à Marseille et l’outil de calcul est téléchargeable sur le site Forsapre. Une étude complémentaire aux travaux de Carto-silice permettra d’évaluer les risques d'exposition dans les conditions de travail actuelles, afin d'avoir les données pour évaluer plus précisément l'exposition cumulée, ce qui guiderait le suivi médical nécessaire.

    276 Grand entretien photo 2


    Les services de santé au travail sont devenus services de prévention et de santé au travail (SPST). Qu’est-ce que cela change-t-il ?
    La loi du 2 août 2021 insiste sur la priorité donnée à la prévention primaire. C’était déjà une réalité de nos missions. Nous sommes bien des médecins de prévention, pas de contrôle. Les services ont un objectif : éviter l'altération de la santé des salariés. Rappeler le rôle de la prévention est aussi une façon de conforter notre positionnement de conseil auprès des employeurs et des salariés. Cela se ressent d’ailleurs dans l'accroissement du nombre de demandes de visites par les salariés. De plus, les visites de préreprise se démocratisent et on fait de plus en plus appel à nos services au sujet du risque chimique, des TMS… Notre indépendance est aussi un atout dans ce rôle d’accompagnement.

    Le GNMST BTP a proposé une aide à l’évaluation de l’exposition cumulée aux poussières de silice par métier dans le secteur du BTP.

    Michel Cambrelin


    Qu’apporte la pluridisciplinarité dans votre métier?
    Aujourd'hui, cette pluridisciplinarité est une chose acquise dans le BTP. Grâce à cette équipe, nous avons des personnes qualifiées, les IPRP (intervenants en prévention des risques professionnels), pour se rendre à temps plein dans les entreprises, en plus des médecins du travail et des infirmières santé travail. Leurs compétences sont complémentaires pour répondre au mieux aux besoins en prévention des entreprises.

    La loi de 2021 a aussi organisé la collaboration entre médecine de ville et médecine du travail. Pourquoi est-ce essentiel?
    Nous sommes faits pour travailler ensemble. Nous sommes spécialistes de santé au travail et le médecin de ville ne connaît pas les contraintes auxquelles est soumis son patient dans l’exercice de son travail. De notre côté, nous n’avons pas la connaissance médicale spécifique qu’ils peuvent avoir de certaines pathologies. On a longtemps agité le chiffon rouge du secret médical pour brider cette collaboration. La loi prévoit que le médecin du travail puisse accéder et alimenter le dossier médical partagé (DMP) d’un travailleur dont il assure le suivi. Pour cela, il doit recueillir son consentement. Tout passe par le salarié. Pour ma part, je communique beaucoup avec les médecins traitants via les salariés.

    L’enjeu du maintien dans l’emploi est pris en compte à travers l’obligation de créer des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle…
    Le maintien en emploi est un objectif incontournable de tout SPST. On n’a pas attendu cette officialisation mais l’obligation met tous les services au même niveau. Avec le recul de l’âge de départ à la retraite et la pénibilité physique de nombreux postes de travail dans le BTP, ce sujet constitue un enjeu majeur. Les compagnons plus âgés le disent : ils n’ont pas toujours connu, au début de leur carrière, le même niveau de prévention qui existe aujourd'hui dans les entreprises. Dans ces cellules, le service social est en relation étroite avec les équipes pluridisciplinaires pour accompagner la prévention de la désinsertion professionnelle et, en cas de besoin, étudier des solutions de reconversion professionnelle compatibles avec l’état de santé du salarié. Même s’il y a plus de moyens pour cela dans les grandes entreprises que dans les petites, les salariés des TPE ont aussi droit à un accompagnement pertinent pour une solution de reconversion interne ou externe.

    Lors des Journées de Marseille, des interventions sont revenues sur la difficulté d’établir correctement une traçabilité individuelle et collective des expositions aux risques professionnels. Quel regard portez-vous sur ces constats?
    Ce sujet de la traçabilité des expositions professionnelles est un serpent de mer. On essaie de l’améliorer via le dossier médical mais pour cela, il faudrait bien connaître les expositions. Si l'on prend l’exemple de l’évaluation du risque chimique, c’est bien à l’employeur de la réaliser, nous pouvons aider mais pas faire à leur place. Cette évaluation nécessite de l’expertise et du temps. Les entreprises ont malheureusement tendance à privilégier l’évaluation des risques immédiats et l’accidentologie au détriment de l’analyse des risques à effet différé. Les médecins du travail qui suivent les entreprises du BTP ont certes une bonne connaissance des métiers et peuvent utiliser des matrices emploi-exposition pour apprécier au mieux les expositions principales, mais cela ne suffit pas. D'autre part, on se heurte au problème majeur des logiciels médicaux, qui ne communiquent pas entre eux. Tant qu’il ne sera pas décidé au niveau national d’engager des travaux dans ce sens, avec un financement de l’État et l’accord des personnes concernées, notamment les médecins du travail – pas que les partenaires sociaux –, le problème de la traçabilité des expositions ne sera pas résolu.

    Vous soulignez la difficulté pour les services d’assumer des visites et des missions supplémentaires, alors même que le nombre de médecins du travail ne cesse de diminuer.
    En effet, la visite périodique est imposée tous les deux ans pour nos publics, une visite de mi-carrière a été créée afin d’anticiper les risques de désinsertion professionnelle, auxquelles s’ajoutent les visites de reprise et de préreprise, de fin de carrière… sans compter celles qui sont réalisées à la demande du salarié ou de l’employeur. Les visites ont un intérêt mais pas toutes. Je suis critique sur la définition des « risques particuliers », qui nécessitent un suivi individuel renforcé. Alors que des chauffeurs de poids lourds seront vus tous les cinq ans, pour les salariés travaillant essentiellement dans les bureaux mais disposant d'une habilitation électrique de base, la visite est obligatoire tous les deux ans. Ce n’est pas cohérent. Dans beaucoup de pays, une telle multiplication des visites médicales n’existe pas sans que cela soit au détriment de l'efficacité de la prévention. La périodicité des visites devrait être fixée par le médecin du travail en prenant en compte le poste du salarié, ses pathologies chroniques, ses allergies, et son état de santé global. En plus de la baisse de la démographie médicale, les moyens de formation en santé au travail diminuent et la recherche en santé au travail en pâtit. Au GNMST, nous avons financé des travaux de recherche avec l’Ineris sur les nanoparticules dans l’attaque du béton avec certains outils, le laboratoire du CHU de Grenoble a découvert et présenté à Marseille un nouvel indicateur biologique pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), et nous avons financé l’étude sur les maçons fumistes. Pour que notre discipline avance, elle doit être en lien avec la recherche.

    GNMST BTP

    Le Groupement national multidisciplinaire de santé au travail du bâtiment et des travaux publics a été créé en 1950. Association loi 1901, il regroupe la grande majorité des médecins du BTP. Sa mission essentielle est de promouvoir des études, recherches scientifiques et travaux se rapportant à la médecine du travail, l'hygiène et la sécurité, la prévention, les conditions de travail et l'ergonomie dans le BTP. Le Groupement organise tous les deux ans les Journées nationales de santé au travail dans le BTP et dispense des stages de formation. Il représente les médecins du travail du BTP auprès du ministère du Travail, des organismes de prévention et des organismes professionnels.
    En savoir plus sur :  www.gnmstbtp.org et www.forsapre.fr.

     Rappeler le rôle de la prévention est aussi une façon de conforter notre positionnement de conseil auprès des employeurs et des salariés.

    PORTRAIT CHINOIS

    Votre mot préféré ? Aimer.

    Le mot que vous détestez ? Déconstruire.

    Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Astrophysicien ou archéologue.

    Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ? Dentiste… ou un métier très répétitif.

    Votre bâtiment préféré ? Le musée du Louvre.

    Le son, le bruit que vous aimez ? La musique de jazz des débuts telle qu’interprétée par Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, ainsi que la musique classique.

    Le son, le bruit que vous détestez ? La musique techno.

    Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? La Bible.

    Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? La planète Terre.

    En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies. Ceux-ci nous permettent de connaitre votre profil preventeur et d’ainsi vous proposer du contenu personnalisé à vos activités, votre métier et votre entreprise. En savoir plus