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Quand prévention rime avec performance, les résultats de la chaire OPPBTP-CentraleSupélec

La chaire Prévention et performance dans le BTP, portée par l’OPPBTP et CentraleSupélec avec le soutien de sa fondation, a dévoilé ses conclusions lors d’un colloque organisé à Paris le 8 septembre dernier. À l’issue de quatre années de travaux, ses recherches, impliquant trois partenaires industriels – Terélian (groupe Vinci), Eiffage Génie Civil et le groupe Legendre –, apportent des résultats scientifiques inédits, publiés dans un guide. Elles démontrent que, s’il existe un lien étroit et positif entre prévention et performance, c’est avant tout le contexte et la situation de travail qui déterminent l’impact d’une action de prévention sur la performance de l’entreprise.

Date : 17/09/2025

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Virginie Leblanc

Quand prévention rime avec performance, les résultats de la chaire OPPBTP-CentraleSupélec

© OPPBTP

La chaire d’enseignement et de recherche Prévention et performance dans le BTP explore un champ d’étude encore récent : le lien entre santé-sécurité des salariés et performance économique des entreprises. Durant quatre années, elle a été coordonnée par Christian Michelot, psychosociologue et enseignant à CentraleSupélec, et Christian Griffault, enseignant à CentraleSupélec et professionnel du bâtiment. Elle réunit des enseignants-chercheurs en économie, sciences humaines et génie civil, ainsi que trois entreprises représentatives des activités et métiers du secteur du BTP : Terélian, filiale de groupe Vinci tournée vers les travaux publics, Eiffage Génie Civil, branche du groupe Eiffage aux activités d’infrastructures très diversifiées, et le groupe Legendre qui complète depuis 2021 ce consortium par ses activités construction.

Ses principaux résultats ont été dévoilés lors d'un colloque organisé à Paris le 8 septembre dernier.

Les travaux de recherche ont été organisés autour de trois axes :

  1. Comprendre la relation entre prévention et performance dans une perspective sociologique ;
  2. Expérimenter la relation prévention et performance par la création d’un jeu destiné aux entreprises du BTP ;
  3. Piloter la performance en définissant des indicateurs basés sur une approche socio-économique et de capitalisation.
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Contexte et situation de travail déterminent l’impact de la prévention sur la performance de l’entreprise

Depuis une vingtaine d’années, de nombreux travaux en économie et en sciences de gestion ont révélé la contribution des actions de prévention des risques professionnels à la performance des entreprises qui les mettent en œuvre. Loin d’être une charge financière, la prévention apparaît alors comme un investissement dont on peut calculer le retour sur investissement.

Cependant, ce rapport positif n’a pas été établi dans sa généralité. En effet, les recherches effectuées dans le cadre de la chaire montrent que, si la plupart des travaux en économie-gestion concluent à un lien étroit entre prévention et performance, il n’existe pas de causalité simple et immédiate. Ce sont les situations de travail qui sont déterminantes et qui font qu’une action de prévention aura ou non un effet positif sur la performance. Autrement dit, une action de prévention ne produit d’effets positifs que lorsqu’elle répond au contexte dans lequel elle s’applique.

Partant du constat qu’il n’existe pas de relation constante et systématique entre prévention et performance, la chaire a élaboré notamment une méthodologie dite de « champ de forces » afin d’identifier les paramètres contextuels sur lesquels agir pour que les modes d’action en prévention mis en œuvre aient des retombées positives en performance.

Créée et expérimentée dans le cadre de ses recherches-actions, cette méthodologie permet d’identifier, à partir d’un diagnostic participatif, les facteurs susceptibles de faire avancer ou de freiner la prévention d’une part, et la performance d’autre part, puis de définir un plan d’action. Elle fait ressortir en un temps réduit une perception partagée de la situation d’ensemble de l’entreprise au regard de la relation prévention et performance, et fait apparaître des pistes d’action solides et réalistes.

 

Les travaux ont abouti à des retombées effectives et positives des actions de prévention sur la performance des entreprises mais nous avons connu aussi des résultats neutres ou négatifs. On ne peut donc pas modéliser ce rapport par une fonction mathématique.

Christian Michelot, psychosociologue et enseignant à CentraleSupélec

 

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Trois leviers pour que la prévention contribue à la performance

Les travaux de la chaire ont livré plusieurs leviers concrets afin que la prévention puisse contribuer pleinement à la performance des entreprises du BTP :

  • Le jeu de la chaire constitue un premier outil clé. Conçu comme un jeu d’entreprise, il permet aux équipes de direction et d’encadrement de piloter un chantier fictif et d’observer les effets de leurs décisions sur la productivité, les coûts, les délais et la sécurité. Cet exercice met en évidence le fait que la réussite passe par une approche intégrée, où les choix organisationnels et managériaux influencent directement à la fois la prévention et la performance. Le jeu favorise ainsi la prise de conscience collective et le dialogue entre métiers, tout en proposant un cadre de réflexion transférable aux pratiques de terrain.

Ce jeu a été utilisé pour quatre sessions de formation rassemblant 50 participants représentant des profils professionnels très variés. Sur la forme, un travail formidable a été fait sur sa modélisation. Sur le fond, il positive la prévention des risques professionnels auprès des équipes. Je paraphrase les commentaires de participants sur ce jeu : « Maintenant, je comprends mieux les positions de mes collègues qui ont une autre position que moi. » Le jeu favorise la convergence décisionnelle.

Erick Lemonnier, directeur Formation innovation sécurité, Eiffage Génie Civil

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  • Un deuxième levier concerne l’expérience de l’ensemble des compagnons, y compris des intérimaires. Les observations réalisées dans le cadre de la chaire montrent que le dialogue et l’intégration de l’ensemble des compagnons dans les démarches de prévention jouent un rôle essentiel pour sécuriser les opérations et améliorer l’efficacité collective. Les compagnons sont trop souvent considérés comme des acteurs en marge du chantier, simples exécutants. Or leur rôle dans la dynamique de prévention et dans la performance globale du chantier est décisif. Leur participation active aux réunions – notamment lors des ateliers de type « quart d’heure sécurité » – permet de mieux cartographier les risques, de partager des solutions issues de leur expérience et de renforcer la cohésion des équipes.

L’étude sur les intérimaires nous a permis de mettre le doigt sur le sujet plus large de l’intégration des collaborateurs à leur arrivée […] Il est nécessaire de remettre la production au cœur, et la sécurité doit accompagner la description des modes opératoires. On ne doit pas opposer sécurité et production.

Patrice Bois, directeur Qualité, prévention, environnement de Térélian

Les outils mis à disposition dans la chaire cassent les barrières hiérarchiques. Vous obtenez une parole complètement libérée et vous avancez beaucoup plus vite qu’en faisant de la sécurité qui va descendre sur nos compagnons de manière brutale.

Vincent Legendre, président du groupe Legendre
  • Un troisième outil a été développé : la méthode de la « Ligne du temps ». Elle vise à mettre en commun les événements ou problèmes ayant marqué la vie du chantier et les solutions originales que les compagnons ont apportées, tout en évaluant leur portée, pour les intégrer au répertoire des méthodes de l’entreprise. Elle permet ainsi de capitaliser sur les savoirs et savoir-faire opérationnels qui ont un impact positif sur la performance

Les recherches-actions conduites sur des chantiers pilotes ont en effet mis en évidence le rôle décisif des solutions techniques et organisationnelles déployées lorsque des aléas et imprévus représentent un point bloquant pour faire avancer le chantier. Ces solutions se révèlent souvent comme étant de véritables innovations. En effet, portées par le désir des équipes de faire avancer la tâche et faciliter le travail, ces innovations chantier ont le double effet de réduire les risques et d’accroître la performance.

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Prévention, moteur de compétitivité

En démontrant que la prévention peut être un moteur de compétitivité lorsqu’elle est intégrée aux pratiques quotidiennes et partagée par l’ensemble des acteurs, y compris les intérimaires, les travaux de la chaire offrent au BTP des outils concrets pour transformer durablement ses modes de fonctionnement. Ces conclusions et les outils proposés ouvrent la voie à un changement de paradigme : considérer la prévention non plus comme une obligation réglementaire, mais comme un levier stratégique au service de la performance globale des entreprises et de la pérennité du secteur.

La fameuse formule magique qui lie prévention et performance n’existe pas mais les travaux de la chaire confirment qu’il y a bien cette interdépendance. Ce qui est important pour moi c’est de savoir comment être certains que nos chefs de chantiers, nos conducteurs de travaux, nos compagnons en sont intimement convaincus. 

Guillaume Sauvé, président d’Eiffage génie civil  
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On a adopté un terme pour parler de la sécurité dans notre entreprise : on parle de notre performance sécurité, et non plus de prévention. Ce n’est plus la peine d’essayer de calculer à quel point faire de la prévention et de la sécurité va nous faire gagner des euros, maintenant on a bien d’autres contraintes que la rentabilité économique, on doit prendre en compte notre impact sur des aspects écologiques, sociaux, sociétaux… Quand on parle de performance sécurité, on est juste en train de parler de performance sociale et sociétale et si on n’est pas capable de faire la preuve de nos efforts là-dessus, les gens ne nous rejoindront pas. On aura beau être performants économiquement, cela ne mènera à rien.

Vincent Legendre, président du groupe Legendre

 

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