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Risques

L’analyse des accidents du travail, un levier de prévention

L’Institut national de recherche pour la sécurité (INRS) a organisé, le 2 décembre, une journée technique en ligne sur l’analyse des accidents de travail. Comment faire pour éviter leur répétition ? Quelle que soit leur taille, les entreprises devraient s’engager dans une démarche collective et structurée, dans le cadre de leur stratégie de prévention. Bonne nouvelle : il y a pléthore d’acteurs et d’outils pour les accompagner, ont rappelé les intervenants de cette journée.

Date : 12/12/2025

M D

Marie Duribreux

L’analyse des accidents du travail, un levier de prévention

© OPPBTP

La tendance de long terme est certes à une décroissance des accidents du travail (AT), a rappelé Pierre Fel, ingénieur-conseil national à la Cnam, dont la direction des Risques professionnels vient de sortir son rapport statistique 2 024. Mais le solde reste bloqué à plus de 700 000 par an, avec 764 décès au travail encore comptabilisés l’année dernière (pour les seuls AT). « Les accidents mortels ne sont pas une fatalité [et les autres AT] portent une atteinte parfois irrévocable à la santé des salariés », déclare Séverine Brunet, directrice de l’INRS qui organisait le colloque du 2 décembre. « La question de la déclaration ne doit pas mobiliser les entreprises, […] qui ne doivent en aucun cas cacher les AT, ou se contenter de les recenser ou de les analyser […], mais s’engager résolument dans leur prévention », martèle-t-elle.

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Démarche structurée d’analyse des AT

Un accident du travail, défini par l’article L.411-1 du Code de la Sécurité sociale, est un évènement au lieu et sur le temps de travail, qui conduit à des atteintes à la santé physique et mentale d’un ou plusieurs salariés, a rappelé Anne-Sophie Valladeau, experte conseil en gestion des risques professionnels à l’INRS, en préambule – ce qui comprend les accidents de trajet, en déplacement professionnel, au repas ou à la cantine, en formation ou en télétravail (L.1222-9 du Code du travail). Les entreprises se doivent de se questionner en interne sur les AT, d’en tirer collectivement des enseignements et d’agir en conséquence, que ce soit par la mise à jour du DUERP et/ou celle du programme annuel de prévention. L’INRS préconise une démarche structurée d’analyse des AT en sept grandes étapes : l’information de l’employeur et la déclaration de l’AT ; la constitution d’un groupe d’analyse ; le recueil des informations sur l’AT et l’identification des faits ; la détermination des causes ; le choix des actions correctives et la formalisation d’un plan d’actions ; le retour d’expérience et la communication ; le suivi et l’évaluation des actions.

Accéder au replay de cette journée sur le site de l'INRS.

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Enjeux et responsabilités à plusieurs niveaux

L’objectif est bien sûr d’éviter en premier lieu la réitération de l’AT, mais aussi d’« améliorer le fonctionnement de l’entreprise en observant le travail réel ». L’enjeu paraît d’abord juridique pour l’employeur. Il faut évidemment rappeler son obligation légale d’assurer la sécurité de ses salariés, en vertu de l’article L.4121-1 du Code du travail, souligne Jennifer Shettle, juriste à l’INRS. Quelle est sa responsabilité en cas d’AT ? Les employeurs ont une responsabilité collective via la branche AT-MP de la Sécu dans l’indemnisation forfaitaire des victimes (L.431-1 du Code de la Sécurité sociale). Mais la responsabilité de chacun peut être engagée face à un AT, en cas de faute inexcusable (L.452-2 du Code de la Sécurité sociale) : au civil, pour l’absence de protection sur une machine par exemple ou un travail en hauteur sans protection ; au pénal, pour homicide involontaire et non-respect des règles de sécurité, en cas par exemple de chute mortelle d’un salarié d’un échafaudage sans garde-corps ni harnais. Rappel : le salarié a lui aussi une obligation de sécurité, il doit « prendre soin en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de celle des autres » (article L.4122-1 du Code du travail).

Ne pas négliger les « presqu’accidents »

Pourquoi faire remonter ces évènements indésirables qui n’ont engendré aucun dommage ? « Ils permettent de donner une vision réelle du terrain, afin d’anticiper de potentiels accidents à l’avenir et de renforcer la culture de sécurité dans l’entreprise », explique Théo Agaud, chargé de QSE chez Socafl. Pour l’analyse des presqu’accidents, il recommande plutôt que de tabler sur la pyramide de Bird mettant tous les évènements indésirables sur un même plan, d’utiliser le « Diamant de la prévention » qui permet de se focaliser sur les situations à haut potentiel de gravité, que leur issue ait été grave ou bénigne.

La démarche adoptée se résume en cinq étapes : son cadrage avec la désignation d’un pilote, son explication auprès des opérateurs et de l’encadrement, la mise en place d’un outil de remontée simple, la création d’un circuit d’analyse et un retour d’expérience. Chez Socafl, la remontée des presqu’accidents se fait via l’application interne, accessible sur ordinateur, tablette ou portable, dans l’onglet Sécurité. Utilisée par les 90 salariés de la PME du BTP, celle-ci permet la centralisation des faits reçus par mail par le chargé de QSE, qui se déplace ensuite sur les chantiers et en analyse les causes. Ce qui aboutit à une prise de décision sur les actions à mettre en place – dont le suivi est assuré par une série d’indicateurs. Attention, selon lui, à la peur des salariés de « se faire réprimander » qui peut freiner le processus et au « piège » qui consiste à vouloir « chercher des responsables » plutôt qu’identifier des causes, souligne Théo Agaud.

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Mais les enjeux sont aussi financiers, économiques, sociaux et humains, comme dans le secteur de la propreté – où le nombre d’AT diminue, mais parallèlement à une hausse de leur durée (plus de 100 jours en moyenne). « Les AT représentent un coût significatif pour les entreprises avec des conséquences directes et indirectes sur la rentabilité », témoigne Nicolas Bachellerie, chef de projet prévention au fonds Fare propreté : taux de cotisation AT-MP (3,96 % de la masse salariale dans le secteur), charge administrative, absentéisme, perte de productivité. L’enjeu est aussi celui de l’attractivité et de la fidélisation des salariés, dans un secteur où la main-d’œuvre est plus âgée que la moyenne. Enfin, la problématique est commerciale : « pas un appel d’offres aujourd’hui sans critères de sécurité et actions de prévention requises », précise Nicolas Bachellerie. « Au final, le défi est celui de la performance globale de l’entreprise : autrement dit, il faut transformer la prévention en avantage compétitif ».

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Des préventeurs et des outils pour tous

Les entreprises ne sont pas seules face à cet exercice de l’analyse des AT. La principale cheville ouvrière : le préventeur d’entreprise, soit le directeur HQSE, le responsable QSE, le technicien HSE, l’animateur sécurité ou le coordinateur sécurité. Et l’INRS a sondé les pratiques en la matière, dans une double approche quantitative et qualitative, via un questionnaire auprès de 1748 répondants et l’interview terrain de 14 préventeurs dans trois secteurs (second œuvre du bâtiment, industrie alimentaire, propreté). Conclusion, « certaines pratiques peuvent limiter les effets de la démarche d’analyse des AT», rend compte Julie Dréano, chercheuse à l’INRS : analyse en groupe non systématique, usage limité de l’arbre des causes », évaluation quasi-inexistante, manque d’articulation entre l’analyse et le DUERP. « Pourtant, la démarche est le plus souvent menée à son terme, reconnaît-elle. Cela grâce au préventeur, qui adapte son temps, développe des outils pour aider les travailleurs et l’encadrement intermédiaire, échange avec des pairs pour améliorer ses pratiques ».

Les préventeurs des Carsat sont une autre ressource, puisque celles-ci ont pour mission majeure de mener, en partenariat avec les CPAM, des enquêtes sur les accidents graves et mortels, avec des pouvoirs d’injonction à l’égard des employeurs. Mais elles accompagnent aussi au long cours les entreprises dans la mise en place d’un système de management de la sécurité. Deux axes, explique Béatrice Guillon, ingénieure conseil à la Carsat Bourgogne-Franche Comté : « la mise en place d’un socle organisationnel de prévention comportant quatre thèmes» (politique de prévention, évaluation des risques professionnels, formation en SST, analyse des AT et plan d’actions), sur lesquels chaque entreprise peut se placer sur une grille de positionnement en quatre niveaux (de D à A, celui d’une démarche de prévention proactive et intégrée); « la maîtrise d’un risque identifié en lien avec la sinistralité de l’entreprise ». Reste le rôle non négligeable des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) pour les TPE et PME. « Les employeurs peuvent contacter l’équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmier, préventeur) en cas d’AT ou saisir la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle pour du maintien dans l’emploi», explique Audrey Serieys, ingénieure hygiène et sécurité à Prévention Santé Travail Vendée Littoral.

Et pour les entreprises du BTP...

Rappelons qu'en plus des conseillers des Carsat, les conseillers de l’OPPBTP accompagnent les entreprises du BTP dans l'analyse des accidents. Ainsi, les conseillers de l’OPPBTP contactés par l’entreprise après un accident proposent leur aide pour l’analyser, en utilisant les outils classiques des QSE ou l’arbre des causes. Une formation sur ce sujet figure dans le catalogue de l'Organisme.

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Enfin, il existe toutes sortes d’outils à disposition des préventeurs, dont les plus courants, de philosophie très différente, sont : la méthode des 5 pourquoi, le diagramme des causes et effets, l’arbre des causes. « Cette dernière méthode, créée dans les années 1970, demande une gymnastique intellectuelle non négligeable, et donc un garant qui la connaît bien dans l’entreprise pour l’utiliser à bon escient » commente Karen Rossignol, sociologue à l’INRS, qui explique que les trois peuvent néanmoins être articulées. Pour les TPE-PME, l’INRS a aussi développé des outils spécifiques (lire l'encadré). Cette palette à la main des préventeurs, même si elle est large, n’empêche pas qu’in fine, le choix des actions correctives relève bien toujours de la responsabilité de l’employeur.

Épauler les TPE-PME dans l’analyse des AT

L’INRS a présenté l’outil en ligne, « Agir suite à un AT », réservé aux PME de moins de 50 salariés. Ces structures, souvent moins bien armées pour mettre en place la prévention, peuvent télécharger un guide d’enquête, qui prévoit 60 causes d’AT classées en cinq catégories (organisation, milieu, tâches, matériels, victime, et autres causes) à cocher ou pas. En fonction des réponses, sont proposées des mesures correctives (parmi 300 possibles), qui forment un plan d’actions que l’entreprise peut ensuite télécharger au format Excel. 30 000 guides ont déjà été utilisés et 15 000 plans édités, rapporte Olivier Le Berre, chef de département à l’INRS. Autre outil de prévention sectorielle réservé aux structures de moins de 20 salariés : TutoPrev, qui sert à former aux situations à risque les nouveaux arrivants en entreprise. Pour le secteur du BTP, la référence du document support est ED 4455.

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Ordinateur présentant un page de prévention BTP avec , à côté le magasine de prévention BTP

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