La consommation de drogues explose sur les chantiers, alerte une étude
En huit ans, le taux de positivité aux substances psychoactives a explosé de 107 % en milieu professionnel. C’est ce que montre la deuxième édition de l’étude menée par la société spécialisée dans le dépistage en entreprise, Ithylo, qui a présenté ses résultats au Salon Préventica le 12 juin. Et fait inédit, elle révèle 13 fois plus de cas positifs à la cocaïne sur les tests réalisés en 2025.
Date : 13/06/2025
Marie Duribreux

© Adobe Stock
Le taux de positivité aux substances psychoactives (alcool et stupéfiants) en entreprise est passé de 2,6 % en 2017 à 5,3 % en 2025, ce qui représente une augmentation de 107 %, selon l’étude «Révéler ce qui ne se voit pas» de la société Ithylo (une marque Aperli), qui se présente comme pionnière dans le développement des éthylotests connectés homologués. Cette «cartographie des addictions», réalisée une première fois en 2021, est basée sur plus de 110 000 dépistages effectués de façon inopinée en entreprises sur tout le territoire entre 2017 et avril 2025 par 200 infirmiers missionnés chez ses quelque 70 clients (dont 80% relèvent du secteur du BTP). A noter que chaque test positif a été confirmé par une analyse de confirmation en laboratoire: 98% de ceux positifs au cannabis et 93% de ceux révélant une prise de cocaïne ont été ainsi validés, « ce qui démontre la fiabilité des tests (Drugwipe 5S) utilisés par Ithylo », insiste Jean-Jacques Cado, président fondateur.
Premier fait notable: les chiffres montrent l’existence d’un «impact Covid». Entre 2017 et 2021, les taux de positivité étaient restés relativement stables et linéaires; depuis 2022, les cas positifs à l’alcool ont bondi de 43% et ceux aux stupéfiants de 52%. «Cette évolution laisse penser que la crise sanitaire a entraîné un basculement durable des usages, lié à l’accumulation de stress, à la perte de repères collectifs, à l’isolement prolongé et à l’émergence de formes d’épuisement psychique persistantes», commente Jean-Jacques Cado.
Concernant les usages, 1,3 fois plus de cas positifs au cannabis ont été dénombrés sur la période. Mais la surprise est venue de la consommation de cocaïne, pour laquelle ont été enregistrés 13 fois plus de cas positifs. «Si cette drogue était autrefois réservée à certains milieux festifs ou cadres urbains, elle s’est aujourd’hui installée jusque sur les chantiers, dans les entrepôts ou les ateliers», témoigne Jean-Jacques Cado, qui a évoqué des cas groupés comme celui de 24 personnes testées sur un chantier de nuit, et dont 8 ont été testées positives à la cocaïne.
Horaires décalés et intérimaires surreprésentés
D’ailleurs, les dépistages réalisés après 17h enregistrent un taux de positivité à l’alcool multiplié par deux par rapport aux autres plages horaires. Dans les équipes de nuit sur certains chantiers, les tests révèlent parfois jusqu’à un salarié sur cinq positif. La consommation nocturne concerne aussi les stupéfiants, avec un taux de positivité moyen aux drogues qui atteint 5,3 % entre 22h et 1h, «bien au-dessus de la moyenne globale», souligne Ithylo. «Ces chiffres suggèrent une utilisation des substances comme outil de compensation : pour rester éveillé, tenir physiquement, gérer l’ennui ou simplement s’extraire d’un rythme pénible», analyse Jean-Jacques Cado.
L’étude ne se penche pas ni sur les CSP ni sur les secteurs les plus concernés. En revanche, elle confirme que les profils précaires sont surexposés aux consommations d’alcool et de stupéfiants en milieu professionnel. Bien que les intérimaires ne représentent que 15 % de l’échantillon total, ils concentrent à eux seuls : 25 % des cas positifs au cannabis, 31 % des cas positifs à la cocaïne et 18 % de ceux à l’alcool.
Assumer une politique de dépistage
Les salariés sujets à des addictions sont souvent dans le déni; en miroir, les employeurs se sentent trop souvent illégitimes à aller sur ce terrain. « Le dépistage n’est pas un piège, ni une stigmatisation, c’est un électrochoc bienveillant. Il révèle ce que le collaborateur n’ose pas dire, ce qu’il cache sous pression, par solitude ou en état d’épuisement », remarque Jean-Jacques Cado, qui rappelle que si le dépistage est prévu dans le règlement intérieur de l’entreprise, il s’impose aux salariés. Il y a pléthore de jurisprudence en matière de dépistage de la consommation d’alcool sur le lieu de travail; s’agissant des stupéfiants, Jean-Jacques Cado a rappelé que le Conseil d’État, dans un arrêt du 5 décembre 2016, a estimé que l’employeur, étant donné l’obligation de sécurité à laquelle il est soumis, lui permettait d’organiser des tests de dépistage salivaire de drogues sans passer par un médecin du travail.
Mais pour Ithylo, le dépistage n’est pas une fin en soi et doit être le prélude à une démarche de prévention des addictions en entreprise, loin de toute «politique d’affichage» ou «communication désincarnée». Depuis 2024, la société a mis en place une ligne d’écoute confidentielle, permettant aux collaborateurs concernés d’engager un échange avec un professionnel de santé. «Pour être efficace, une politique de prévention des addictions doit être inclusive de tous les statuts, contextualisée en fonction des réalités du terrain, professionnalisée grâce à des intervenants qualifiés, portée par des managers formés et impliqués et suivie avec des dispositifs de retour d’expérience», professe Jean-Jacques Cado.

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