Bruno Cavagné, président de la FNTP

    ©Christophe W. Siebert

    En résumé
    • La prévention mobilise la FNTP.
    • Elle a créé un socle fondamental de formation à la sécurité sur les chantiers.
    • Les maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre ont un rôle essentiel à jouer pour mieux sécuriser les interventions.

      Article paru dans le magazine Prévention BTP n°255 d'octobre 2021, pages 34-37.

    Titulaire depuis juin 2020 d'un troisième mandat à la présidence de la Fédération nationale des travaux publics, Bruno Cavagné anticipe une fin d'année positive pour l'activité des TP. Il revient sur les priorités d'action des entreprises sur le champ de la prévention et les défis de la transformation numérique du secteur.

    Quelles perspectives se profilent en termes d'activité pour les entreprises de travaux publics pour la fin d'année 2021 ?

    Le secteur des TP a été durement frappé par la crise sanitaire, avec un quasi-arrêt de l'activité au printemps 2020 puis une longue et difficile reprise. Le secteur a connu une baisse historique d'activité de 12,5 % ! Si les emplois ont pu être maintenus, les TP font néanmoins partie des secteurs ayant eu le plus recours à des organismes de prêts bancaires et aux prêts garantis par l'État, ce qui témoigne d'une situation de trésorerie très dégradée ces derniers mois. Récemment, les inquiétudes ont porté sur la flambée des prix et les pénuries de matières premières. Pour autant, nous analysons depuis le printemps un sursaut de l'activité, qui s'est confirmé lors de notre dernière enquête d'opinion publiée en juillet. Les entrepreneurs sont désormais bien plus optimistes qu'ils ne l'étaient en début d'année. L'absence d'impact de la quatrième vague sanitaire sur l'activité annonce une fin d'année positive.

    Quel rôle joue la FNTP pour accompagner ses adhérents sur les sujets de prévention ?

    Il convient de préciser qu'avant l'arrivée de la Covid-19, les TP connaissaient une forte reprise d'activité après une décennie de crise marquée par les baisses de dotations aux collectivités locales. Dans ce contexte, les enjeux de prévention et de sécurisation des collaborateurs sur les chantiers ont beaucoup mobilisé les équipes de la FNTP. En partenariat avec l'OPPBTP, nous organisons régulièrement des réunions de sensibilisation en régions avec les chefs d'entreprise et les chefs de chantier, qui se sont transformées l'année dernière en webinaires pour s'adapter au contexte pandémique. En plus des traditionnelles journées techniques organisées dans les territoires, ces formats fonctionnent très bien et semblent porter leurs fruits puisque les derniers chiffres publiés sur les accidents du travail montrent une évolution positive. Depuis 2017, nous avons également mis en place une hotline d'urgence pour accompagner les entreprises confrontées à un accident grave ou mortel, car il est de la responsabilité de notre fédération de soutenir nos entreprises dans les situations les plus dramatiques. Heureusement, ces situations sont rares et l'essentiel de nos actions porte sur la prévention.

    La numérisation des chantiers et la transition écologique vont profondément bouleverser nos chantiers, nos métiers et donc nos formations.

    Quels sont aujourd'hui les risques majeurs qui font l'objet d'actions spécifiques et prioritaires des entreprises de TP ?

    Nous faisons particulièrement face à des risques liés aux heurts avec des engins, les basculements-renversements, les chutes de hauteur et les risques d'ensevelissement. Ces risques impliquent une mobilisation de tous les collaborateurs présents sur les chantiers, sans exception. C'est la raison pour laquelle, nous avons également travaillé à un véritable socle fondamental de formation à la sécurité sur les chantiers qui définit précisément l'ensemble des compétences et des connaissances que chaque salarié doit maîtriser avant de se rendre sur un chantier. Notre volonté est d'intégrer ce socle dans l'ensemble de nos certifications. Toujours en matière de prévention, nous ne nous adressons pas seulement à nos entreprises. Nos maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre ont un rôle essentiel à jouer pour mieux sécuriser nos chantiers et c'est le sens de la campagne de sensibilisation lancée en février dernier par Routes de France et l'OPPBTP. Les travaux réalisés par les entreprises de travaux publics routiers sous circulation sont à l’origine de risques importants pour la sécurité des personnels de chantier. Malgré́ les mesures de prévention prises de longue date par nos entreprises et l'amélioration des procédures d'organisation, le risque de heurt d'un travailleur avec le véhicule d'un usager reste élevé. Intitulée « Routes barrées », cette action de sensibilisation vise donc à demander systématiquement la réalisation des travaux hors circulation et engager avec le maître d’ouvrage un dialogue sur le choix de mesures alternatives si la fermeture à la circulation n'est pas possible.

    Chantier de la route du littoral de La Réunion. Chantier de la route du littoral de La Réunion. ©DR

    Nos maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre ont un rôle essentiel à jouer pour mieux sécuriser nos chantiers.

    La FNTP, avec le ministère du Travail, la Cnam, l'INRS et l'OPPBTP, a lancé une campagne nationale silice. Quel est son objectif ?

    Depuis le 1er janvier 2021, les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail ont été classés comme activités cancérigènes. La FNTP s'est donc mobilisée sans attendre pour proposer un arsenal d'actions visant à répondre au futur cadre réglementaire qui découlera nécessairement de cette évolution de classification. En partenariat avec l'OPPBTP et en lien étroit la Direction générale du travail et la Cnam, un inventaire complet de l'ensemble des tâches de chantier exposées aux poussières de silice ainsi que les relevés des seuils d'exposition sont en cours de consolidation. Ces données vont permettre de mettre en place les procédures adéquates pour adapter les tâches, les équipements de sécurité individuels et collectifs afin de supprimer ou limiter les expositions. Nos entreprises ont été pleinement mobilisées pour contribuer à ce recueil de données inédit, et qui va permettre de déboucher sur un plan d'action pleinement efficient.

    Quelles sont les technologies prometteuses pour mieux prévenir les risques directement en lien avec l'utilisation des engins et le matériel spécifique présents sur les chantiers de TP ?

    Bien sûr, nous pouvons tout imaginer avec les sauts technologiques auxquels nous assistons actuellement. Les exosquelettes sont un formidable exemple de ce que la technologie peut faire pour préserver les efforts et la santé des salariés sur les chantiers, mais ces technologies ne sont pas sans risque. À mesure que se déploient sur nos chantiers les matériels et les équipements de protection connectés, nous assistons en effet à une recrudescence de certains accidents liés à une baisse de vigilance générale de nos collaborateurs. Aussi, je tiens à le rappeler : la technologie n'est qu'un outil au service de l'homme, qui reste le mieux placé pour assurer sa propre sécurité !

    Quels sont les apports du digital à vos métiers ?

    Le digital est déjà très présent dans nos métiers, mais la grande révolution portera dans les années à venir sur le déploiement du BIM (building information modeling, NDLR). Cet outil numérique va profondément bouleverser notre manière de concevoir, de réaliser et d'entretenir nos infrastructures. Son déploiement massif générera des économies de ressources et de temps, et assurera une meilleure gestion de l'entretien des ouvrages. En complément, la puissance de ces outils numériques permettra une diminution sensible des émissions de CO2.

    En lien avec ces évolutions technologiques, comment accompagnez-vous les besoins en formation qui en découlent ?

    La numérisation des chantiers et la transition écologique, qui sont devenues indissociables, vont profondément bouleverser nos chantiers, nos métiers et donc nos formations. Nous y travaillons déjà depuis plusieurs années mais, bien sûr, cela ne se fera pas du jour au lendemain ! Nous avons par exemple mis en ligne la première plate-forme digitale de formation aux métiers des travaux publics, www.tpdemain.com. Elle réunira bientôt 100 % des contenus pédagogiques dans nos quatre formations cœur de métiers du niveau CAP au niveau BTS. Elle accueillera également des contenus inédits de formation au BIM ou à la transformation écologique de nos chantiers. Elle constituera enfin un véritable point de rencontre pour l'ensemble de notre écosystème de formation : nos CFA TP, les CFA du CCCA-BTP, l'Éducation nationale, nos centres de formation continue, l'AFPA, etc.

    La technologie n'est qu'un outil au service de l'homme, qui reste le mieux placé pour assurer sa propre sécurité.

    Bruno Cavagné, président de la FNTP Bruno Cavagné, président de la FNTP. ©Christophe W. Siebert

    La Fédération nationale des travaux publics en chiffres

    La FNTP représente et défend les intérêts des 8 000 entreprises de travaux publics (employant 310 000 collaborateurs), dans tous les domaines qui impactent la vie de ces entreprises. Elle promeut les meilleures conditions de développement du marché des travaux publics (44,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019, + 8,6  % par rapport à 2018). Elle a également pour vocation de contribuer à la qualité du dialogue social, notamment à travers la négociation collective de branche.

    Près de 2 000 entrepreneurs et professionnels des TP bénévoles sont présents au sein des commissions fédérales, des instances des fédérations régionales et des syndicats de spécialités pour coordonner leurs actions et partager leurs expertises.

    L'expertise de la FNTP se décline autour de sept thèmes correspondant aux commissions de la FNTP : développement économique, droit et marchés, sociale, formation, Europe-international, technique et innovation, développement durable.

    Profil

    Bruno Cavagné dirige la PME familiale Giesper. Engagé de longue date au sein de la FNTP, il a été président de la Fédération régionale Midi-Pyrénées, avant de devenir président de la Fédération nationale en 2013.

    Parcours

    2008-2013 : Président de la Fédération régionale des travaux publics

    Midi-Pyrénées.

    Depuis 2013 : Président de la FNTP.

    Depuis 2015 : Membre du bureau du Medef et du Conseil économique, social et environnemental.

    Depuis 2017 : Vice-président du Conseil d'orientation des infrastructures.

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