Cap sur le dialogue au travail comme levier de prévention !
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), qui organisait la 22e édition de la Semaine pour la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) du 16 au 20 juin, a mis le focus cette année sur le dialogue au travail. À quelles conditions les « espaces de discussion » peuvent-ils être des leviers de prévention en santé au travail ? Une entreprise spécialisée dans des solutions technologiques de pointe en métallurgie a témoigné lors d’un colloque national le 19 juin.
Date : 01/07/2025
Marie Duribreux

© DR
« Parler du travail, c’est productif ! », c’était le thème de la Semaine de la QVCT, qui s'est tenue du 16 au 26 juin dernier. « Le dialogue dans l’entreprise est dans l’ADN de l’Anact », a souligné Sylvie Peretti, la présidente du conseil d'administration de l’institution, en introduction du colloque organisé le 19 juin à La Mutualité. Il faut « faire du travail, un levier de santé et d’efficacité au service de la performance des organisations », a déclaré le directeur général du travail (DGT), Pierre Ramain. « La prévention et la performance ne s’opposent pas, au contraire elles se renforcent mutuellement ».
Un outil existe déjà : les « espaces de discussion » créés par les lois Auroux dans les années 1980. Ceux-ci peuvent être des outils de prévention primaire, assure Pierre Ramain, dans le cadre d’une conception plus participative de la prévention à l’œuvre aujourd’hui. « Ce dialogue professionnel, qui se fait moins autour de la machine à café avec l’avènement du télétravail, est important pour la performance globale – pas seulement économique – de l’entreprise, mais aussi pour la société tout entière », souligne Jérôme Vivenza, membre du conseil d'administration (CGT) de l’Anact.
67 % parlent de leur travail au travail
Dans une consultation lancée en ligne en amont de la Semaine pour la QVCT 2025, l’Anact a recueilli plus de 2 600 réponses qui ont vocation à éclairer les pratiques et ressentis autour du dialogue professionnel*. Or à peine plus des deux tiers des contributeurs estiment qu’ils peuvent parler de leur travail au sein de leur structure : 17 % « très facilement » et 50 % « assez facilement ». Les sujets dont il est essentiel pour eux de pouvoir parler afin de bien faire leur travail sont d’abord la charge de travail et la répartition du travail (59 %), l’autonomie au travail (53 %), les difficultés ou aléas rencontrés dans la réalisation du travail (47 %).
58 % des interrogés pensent qu’ils peuvent effectivement évoquer les sujets liés à l’organisation du travail au sein de leur structure. Le supérieur hiérarchique direct ainsi que les collègues sont les deux principales catégories d’interlocuteurs de référence dans ce domaine. Près des deux tiers des répondants estiment que ces discussions ont d’ailleurs un effet bénéfique sur la qualité de leur travail. « C’est parce qu’ils permettent de partager des bonnes pratiques, mais également parce que les répondants ont le sentiment qu’ils influent ainsi sur le process décisionnel au sein de leur équipe voire de leur structure », explique l’Anact.
Des espaces de discussion à expérimenter
Une expérience a été menée en 2023 dans le groupe Aubert et Duval, une société française qui propose des solutions technologiques de pointe en métallurgie aux secteurs de l’aérospatiale et de la défense notamment. Le contexte : à la suite de la crise du Covid, un plan de départs volontaires a été organisé, mais ensuite, l’activité a explosé, d’où une extrême sollicitation des équipes, qui a provoqué des tensions, notamment sur le site de Pamiers. « L’inspecteur du travail nous a orientés vers l’Aract, pour mettre en place une démarche d’amélioration de la QVCT », a témoigné Christophe Arnal, directeur qualité. « La direction et les syndicats avaient une volonté commune de relancer une bonne dynamique », commente Audrey Senié, représentante CGC. « Nous avons vérifié que toutes les conditions étaient réunies pour instaurer un espace de discussion sur le travail, en partant du travail réel, afin d’initier une nouvelle manière de travailler ensemble », raconte Carine Belin, chargée de mission à l’Aract Occitanie.
La démarche a été expérimentée dans le service de traitement thermique où une nouvelle ligne de traitement, dotée d’un nouveau manager, générait des inquiétudes dans l’équipe d’une quarantaine de personnes. Un binôme – membre du Codir, IRP – s’est vu charger d’aller lui présenter la méthode et d’y recruter neuf volontaires représentatifs (en termes de genre, postes, travail de nuit, âge, ancienneté, intérimaires…) pour constituer un groupe de travail. Objectif : travailler pendant près de trois mois sur la charge de travail, prescrite et ressentie, au moyen, par exemple, de vidéos d’opérations dans les ateliers jugées problématiques au quotidien. Le groupe de travail a élaboré des pistes de travail sur l’organisation du travail et les investissements à réaliser, qui ont été priorisées et présentées au Copil QVCT. Et de l’aveu général, les résultats sont encourageants. « Les travailleurs relatent que les charges sont moins élevées sur les postes traités, d’où notre volonté de transposer les actions sur d’autres postes », affirme Christophe Arnal, qui a noté un ressaut « mesuré » de la productivité. « Cette démarche a permis de recréer une cohésion dans l’atelier, alors que certaines équipes ne se côtoient jamais », se félicite Audrey Senié.
Un manager catalyseur
Quels sont les enseignements à en tirer ? « La QVCT, ce n’est pas repeindre les murs et acheter des plantes vertes ! Le groupe de travail nous a permis de nous poser et réfléchir à des actions vraiment efficaces », estime Audrey Senié. « Un délai est nécessaire au terrain pour absorber le changement, mais c’est lui qui a toutes les solutions. Le manager ne doit pas imposer ses vues, mais plutôt être un catalyseur », juge Christophe Arnal. Il est vrai que dans cette entreprise, les conditions étaient favorables. « Pas besoin de diagnostic, l’ancienneté étant forte dans l’équipe en question, reconnaît Carine Belin. Les deux parties reconnaissaient leur légitimité mutuelle, mais n’avaient simplement pas l’habitude de dialoguer sur le travail. Un changement de posture était nécessaire pour recréer de la confiance ».
Comment articuler dialogue professionnel et dialogue social ? Le choix a été fait, dans l’expérience d’Aubert et Duval, de cloisonner dans un premier temps la démarche QVCT par rapport aux IRP : le plan d’action devrait désormais être présenté au CSE à Pamiers (Ariège). « L’articulation entre la ligne de la direction, le dialogue social et le dialogue professionnel est un enjeu, car ce dernier peut être vu comme une menace par les dirigeants, et parfois comme une perte du monopole de la représentation des salariés par les syndicats », analyse Nicolas Bondonneau, directeur de la protection sociale à l’UIMM. D’où l’intérêt d’une intervention extérieure, et de montrer la corrélation entre dialogue au travail, QVCT et performance économique – de quoi réconcilier toutes les parties.

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