Épanouissement, mais charge mentale importante : le paradoxe des chefs d’entreprise artisanale du BTP
Guerre en Ukraine, pression administrative et baisse du carnet de commandes… Depuis 2022, les chefs d’entreprise artisanale du secteur du bâtiment enchaînent les difficultés, associées à une fatigue grandissante pour la majorité d’entre eux. Malgré cela, en 2024, une écrasante majorité se déclare « épanouie » dans son métier. Le onzième baromètre Artisanté, consacré aux conditions de travail et à la santé des artisans du BTP et du Paysage*, livre la tendance.
Date : 24/06/2025
Andréa Duvulder

© Adobe Stock
Comment vont les artisans du bâtiment ? 68 % des chefs d’entreprise interrogés se sentent totalement épanouis dans leur métier, et 60 % dans leur rôle de chef d’entreprise, d’après la 11e édition du baromètre Artisanté. Une bonne nouvelle pour un secteur mis à rude épreuve depuis 2022 avec la guerre en Ukraine et l’augmentation des coûts des matériaux et de l'énergie. Le recul du volume d'activité est de 3,9 % en 2024, mais le rythme de travail reste stable, comme en 2023. Bien qu’il soit toujours élevé (réalisation de chantier, gestion du personnel, élaboration des devis, gestion et contact clients, gestion administrative…), seuls 19 % des répondants ont déclaré travailler plus de 60 heures par semaine, contre 21 % en 2023 et 23 % en 2022. Quant aux exigences physiques et mentales, elles restent sensiblement identiques à 2023 (83 % contre 82 %, et 87 % contre 89 %), tout comme le sentiment de stress constant (53 %, contre 57 % en 2023).
Côté santé, 70 % des chefs d’entreprise se considèrent en bonne forme, contre 65 % l’année précédente. « Cependant, cette accalmie relative n’est pas forcément synonyme de meilleure qualité de vie », comme l’indiquent les conclusions du baromètre. Parmi les principales sources de stress citées : la charge de travail (53 %), le poids des responsabilités (44 %) et les tâches administratives (41 %).

Des contraintes administratives persistantes
« Le volume d’heures de travail des chefs d’entreprise artisanales reste très élevé, en particulier dans nos petites structures où toutes les responsabilités reposent sur une seule personne. Depuis plusieurs années, la part d’activité consacrée aux tâches administratives non productives ne cesse d’augmenter, dans un environnement de plus en plus procédurier », a souligné Pascal Rineau, président de la CNATP (Chambre nationale des artisans des Travaux publics et du Paysage). En effet, la partie administrative reste le gros point faible pour ces chefs d’entreprise : elle représente entre 26 % et 75 % de leur charge de travail, soit une augmentation de 12 points par rapport à 2023. De plus en plus, l’aspect comptable est l'axe qui les préoccupe le plus (19 %, soit une hausse de deux points). Alors même que 56 % déclarent ne pas se sentir suffisamment soutenus ni accompagnés, notamment par l’Urssaf (49 %) et leur comptable (49 %). « Ce baromètre illustre une réalité bien connue mais encore trop peu traitée : la charge mentale des chefs d’entreprise. Elle est souvent liée à une exigence d’immédiateté permanente, à une complexité administrative croissante, et à un manque d’accompagnement. La simplification administrative ne peut plus attendre. Il est urgent d’apporter des réponses concrètes et des mesures tangibles pour alléger cette charge et offrir un véritable soutien aux artisans du bâtiment », a alerté Jean-Christophe Repon, président de la Capeb.
Quid de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle ?
En 2024, un artisan sur deux travaillait encore le week-end, néanmoins 34 % ont pu prendre cinq semaines de congé, contre 29 % en 2023. Le droit à la déconnexion reste encore un privilège difficile à atteindre pour de nombreux chefs d’entreprise. Malgré des signes d’amélioration, 57 % d’entre eux continuent de consulter leurs mails tous les jours — ou tous les deux jours — même pendant leurs congés. Les raisons ? Pour éviter d’être submergés au retour (54 %), répondre aux attentes immédiates des clients et fournisseurs (55 %), ou simplement par conscience professionnelle : 45 % estiment que cela fait partie intégrante de leur métier.
Aujourd’hui encore, 76 % des artisans ont le sentiment que leur vie professionnelle empiète sur leur vie privée (contre 78 % en 2023). Mais selon le baromètre, la tendance évolue doucement. Deux facteurs peuvent l’expliquer : d’une part, la baisse d’activité du secteur ; d’autre part, l’arrivée d’une nouvelle génération de chefs d’entreprise plus attentive à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le soutien de l’entourage joue aussi un rôle clé : 86 % se sentent reconnus dans leurs efforts, sans reproches particuliers concernant leur disponibilité.
Libérer la parole
Près d’une entreprise sur deux compte un membre de la famille impliqué. Le baromètre souligne d’ailleurs que la famille, et plus précisément le conjoint, reste « en première ligne pour absorber » la pression. En 2023, on notait une hausse de 4 points du nombre de chefs d’entreprise souffrant de troubles psychiques liés à la gestion de leur activité par rapport à l’année précédente. Ils étaient 41 % en 2024 (contre 43 % en 2023). Mais preuve que les choses évoluent positivement : ils sont plus enclins à parler de leurs difficultés. 61 % affirment en avoir parlé (contre 58 % en 2023), et ceux qui avaient l’habitude de taire leurs problèmes ne sont plus que 39 % en 2024 (contre 43 % en 2023).
Et en 2025 ?
En 2024, 41 % des chefs d’entreprise se déclaraient optimistes quant à l’avenir de leur activité, contre 38 % en 2023. Une tendance à la hausse depuis deux ans. Mais que peut-on espérer pour 2025, une année qui a démarré dans un climat d’incertitude, marqué par le retard du vote de la loi de finances au Parlement ? Cette instabilité est perçue comme une source de stress, et 38 % des répondants font état d’un manque de visibilité pour les mois à venir. Malgré ce contexte, 15 % des chefs d’entreprise se disent tout de même optimistes pour 2025 — un léger mieux par rapport aux 12 % de l’an dernier.
*L’enquête, pilotée par la Capeb, en partenariat avec l’Iris-ST et la CNATP, a été réalisée en ligne auprès de 3 029 chefs d’entreprise de 0 à 19 salariés. Consulter l'intégralité de l'enquête.

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