Comment développer et entretenir une culture de sécurité dans le BTP

    ©OPPBTP

    Le réseau professionnel des animateurs sécurité ASE BTP a réuni quatre adhérents, responsables de Prévention santé sécurité dans leurs entreprises, autour de la thématique de la culture sécurité. Vecteur de performance et d’attractivité en emploi, la santé sécurité demeure en effet un enjeu sur lequel les entreprises doivent encore progresser grâce à des moyens dédiés, selon les témoins.

    Ils livrent leurs expériences et expliquent comment s’est construit leur culture sécurité (élément déclencheur) et les actions prioritaires mises en place au sein de leurs entreprises pour entretenir cette culture.

    Un "rituel fort" chez Vinci et des "règles vitales de prévention" chez Bouygues

    Selon Martial Barbarou, directeur prévention chez Vinci Construction France, la première clé de la culture sécurité remonte au 26 octobre 2011. Ce jour-là, le président de Vinci Construction de l’époque réunit 800 personnes au cours d’une cérémonie solennelle, soit l’ensemble des managers.

    « Il a placé l’importance de la prévention dans les arbitrages de l’entreprise et a insisté sur la QSE sur le terrain et sur le fait de bien travailler sans se blesser », évoque Martial Barbarou. Cet acte de management et de leadership a marqué l’entreprise tel « un rituel fort » et a donné lieu par la suite à des journées sécurité organisées chaque année. « La vision de la direction est importante, en tant qu’acte de partage de valeurs de la sécurité », résume Martial Barbarou.

    Pour Sophie Clerc, directrice santé sécurité chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la vision de l’entreprise est bien sûr nécessaire, mais il faut ensuite poser le cadre avec les process. « Depuis 2018, nous voulons travailler sur la culture juste, sur ce qui est acceptable ou non, et valoriser les bonnes pratiques », reprend Sophie Clerc.

    Ce vaste projet d’écriture lancé avec 70 collaborateurs a permis de définir « ce qui est inacceptable et comment réagir et libérer la parole en cas de presqu’accident ». Il s’agit de « nos règles vitales qui doivent être respectées par tous les acteurs du chantier et qui sont fondamentales dans la culture du groupe », affirme Sophie Clerc.

    Trois piliers fondateurs pour la cuture sécurité chez Eiffage

    Selon Eric Lemonnier, directeur prévention sécurité chez Eiffage Infrastructures, « il faut être humble car la culture sécurité repose sur un édifice fragile ». C’est avant tout « un long cheminement » chez Eiffage, sans recette particulière mais avec des prérequis tels que la volonté et le choix de la gouvernance et enfin, la participation de toutes les parties prenantes. Le directeur prévention sécurité évoque deux axes : l’adoption de « trois piliers fondateurs » et une stratégie de développement de la prévention.

    Ainsi, les trois piliers fondateurs, que sont l’exigence, l’exemplarité et la discipline, sont déclinés en plan d’actions. L’exigence suppose de poser le cadre et énoncer clairement ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas au sein de l’entreprise. « En fait, nous raisonnons en termes d’objectif final en ciblant l’apport en bienfait aux individus et non pas les chiffres des accidents du travail », explique Eric Lemmonier.

    L’exemplarité, second pilier, suppose l’implication de la direction et de l’encadrement. Enfin, le troisième pilier, la discipline, au sens large, a pour objectif d’encourager les collaborateurs à fournir des efforts et « suppose des sanctions si besoin », au nom de l’équité.

    Quant à la stratégie de développement de la sécurité, elle s’appuie sur un constat : « La vraie source de fiabilisation suppose de travailler sur ce qui n’a pas de conséquence humaine », indique Eric Lemmonier. Cela passe par la libération de la parole lorsque certains dysfonctionnements et anomalies sont constatés, sans oublier les initiatives locales d’amélioration de la prévention et un partage des bonnes pratiques.

    Privilégier le collectif et mobiliser tous les acteurs des petites et moyennes entreprises

    Maud Berthier, spécialisée dans l'appui QSE aux PME et TPE du BTP, reconnaît qu’il y a du positif dans l’appui apporté aux entreprises même si le chemin est long à parcourir. « Certains patrons me disent que la porte de leur bureau est toujours ouverte à leurs salariés, mais l’un d’entre eux me signalait qu’il n’avait pas vu un seul collaborateur dans son bureau depuis quatre ans, … », témoigne Maud Berthier.

    Car la vie d’un chef d’entreprise n’est pas toujours simple : il produit, gère l’entreprise, fait du social et essaie d’avoir une vie de famille, reconnaît la préventrice. « On y arrive que si c’est collectif », insiste-t-elle. Mobiliser tous les acteurs est en effet essentiel pour réussir une démarche prévention.

    Cependant, les cultures prévention se développent au sein des PME avec notamment la mise en place de référentiels de type Mase pour cadrer l’accompagnement des chefs d’entreprises et leur donner un fil rouge. « Il faut se placer dans un temps long, car les process sont lents, ce qui suppose d’avancer par étapes pour commencer », observe Maud Berthier.

    *Association des animateurs sécurité en entreprises du BTP

    Quatre actions fortes et prioritaires pour mettre en œuvre et poursuivre la culture sécurité

    Selon Martial Barbarou (Vinci Construction France), le briefing de poste, fait partie des actions concrètes mises en place pour développer la culture sécurité. Ce temps d’échange entre le chef d’équipe et les compagnons met d’ailleurs l’accent sur la production plus que la prévention.

    « C’est un lien entre la phase préparation de chantier qui tient compte des aspects matériels, méthodes et approches, et la situation réelle telle que vécue sur le terrain », explique Martial Barbarou. En effet, les écarts existent et sont normaux en raison parfois de la coactivité sur les chantiers, la météo ou l’absence d’un collègue.

    « Le briefing fait le lien entre le bureau et la gestion au quotidien de la sécurité. On se recale, on distribue les tâches et on discute pour savoir, par exemple, comment réagir en cas de retard de livraison car il faut parfois savoir dire Stop », poursuit Martial Barbarou. En clair, c’est une étape essentielle qui consiste à gérer les aléas et donc la sécurité.

    Pour Eric Lemmonier (Eiffage Infrastructures), les actions à mettre en œuvre doivent être envisagées sur le moyen et le long terme. « L’entreprise doit être profitable en assurant la sécurité et le bien-être au collectif, c’est ça le levier », selon ce dernier. Pour ce faire, il est essentiel de passer de l’exigence à l’engagement car la prévention des risques professionnels est une valeur partagée par tous. « On a découvert que la prévention est profitable aux individus comme au collectif. L’engagement crée de la performance durable, sociale, économique, et tout ceci, l’OPPBTP l’a démontré », insiste-t-il.

    Sophie Clerc, (Bouygues Bâtiment Ile-de-France), évoque de son côté, une phase d’ancrage de la culture sécurité au sein de l’entreprise, avec un suivi à la carte. Pour ce faire, son groupe a opté pour un programme baptisé « Safety leadership ». Cet accompagnement concerne chaque acteur de l’entreprise « car chacun a une part de responsabilité et doit pouvoir en prendre conscience », souligne Sophie Clerc. Grâce à un référentiel identique pour tous, cet accompagnement personnalisé permet par exemple de s’accorder sur ce qui est inacceptable et de le partager afin d’agir en conséquence.

    Maud Berthier cite quelques actions pour aider les petites et moyennes entreprises à développer une culture sécurité : « J’encourage mes clients à prendre exemple sur les grands groupes et à discuter ensemble ». Autre action : l’étude avec les équipes de situations à risque réelles comme la descente d’un salarié dans une tranchée de deux mètres de profondeur sans blindage. « Le chef d’entreprise a finalement mis un avertissement à l’opérateur, au chef d’équipe, au conducteur de travaux ainsi qu’à lui-même », témoigne Maud Berthier. Tout le monde doit prendre sa part de responsabilité et discuter autour de la table, sans accuser l’autre « pour gagner en temps et en enseignements ».

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