Obligation de sécurité et surcharge de travail d’un salarié autonome
Au titre de son obligation de sécurité, l’employeur est tenu de s’assurer que la charge de travail du salarié ne soit pas excessive, même si ce dernier est autonome, c’est-à-dire non soumis aux règles de droit commun sur la durée du travail.
Dernière mise à jour le : 02/04/2025
Que s'est-il passé ?
Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, 2 avril 2025, n° 23-20.373
Un salarié a saisi la justice pour obtenir notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquant une charge de travail excessive et des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, avant d’être licencié l’année suivante.
La cour d’appel accueille sa demande et prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur. Elle retient en outre le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, la cour d’appel relève que le salarié n'était pas soumis à un horaire déterminé, qu’il fixait lui-même ses heures de réunion. Il était ainsi autonome et indépendant dans l'organisation et l'exercice de son travail. Elle retient alors que les règles de droit commun sur la durée du travail ne lui étaient pas applicables. Elle rejette de ce fait les demandes que le salarié avait formulées au titre du non-respect de la réglementation de la durée du travail, des heures supplémentaires et du travail dissimulé.
La question soulevée par cet arrêt est de savoir si l’employeur est tenu de s’assurer, au titre de son obligation de sécurité, que la charge de travail du salarié ne soit pas excessive, lorsque ce dernier n’est pas soumis aux règles de droit commun sur la durée du travail. Autrement dit, est-ce que l’obligation de sécurité de l’employeur s’applique à un salarié non soumis à un horaire déterminé ?
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et retient que même si le salarié n’est pas soumis à la durée légale du travail, l’employeur doit quand même préserver sa santé. Ainsi, l’employeur est tenu de respecter son obligation de sécurité vis-à-vis de ce salarié et de s’assurer que sa charge de travail n’est pas excessive.
Pourquoi cette décision ?
La Cour de cassation rappelle que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Elle rappelle également que le droit à la santé et au repos est garanti par la Constitution.
La Cour de cassation retient que l'employeur se contentait d’affirmer n'avoir commis aucun manquement, sans démontrer avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé du salarié. Or, des plannings et des attestations ont démontré une charge de travail importante, que le salarié avait été soumis à un rythme de travail préjudiciable pour sa santé et son équilibre, et qu’il n’avait pas toujours bénéficié du temps de repos nécessaire pour éviter toute altération de son état de santé.
Dès lors, la Cour confirme l’arrêt de la cour d’appel qui reconnaît que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de son salarié.
Commentaire
Cette décision rappelle que l'obligation de sécurité de l'employeur est générale et s'applique à tous les salariés. L'absence de surveillance de la charge de travail du salarié peut engager la responsabilité de l’employeur, et ce indépendamment du statut du salarié : qu’il soit autonome, ou non, dans l'organisation et l'exercice de son travail. Sur ce point, une décision de la Cour de cassation du 13 avril 2023 est venue préciser que l’employeur qui ne justifie pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle manque à son obligation de sécurité.
Cette décision du 2 avril 2025 rappelle aussi l’importance pour l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, afin de démontrer qu’il a bien respecté son obligation de sécurité.