Pas d’obligation de vigilance du maitre d’ouvrage vis-à-vis du sous-traitant
Un maitre d’ouvrage n’est pas tenu à une obligation de vigilance à l’égard du sous-traitant de son cocontractant et ne peut pas, à ce titre, être tenu à une solidarité financière du sous-traitant.
Dernière mise à jour le : 04/09/2025
QUE S’EST-IL PASSE ?
CASS. CIV. 2EME - 4 septembre 2025 - N°23-14121
L’URSSAF informe un maître d’ouvrage qu’il devra payer, au titre de la solidarité financière, les cotisations non réglées par une entreprise travaillant sur son chantier. En outre, l’URSSAF l’informe qu’il perd le bénéfice de certaines réductions et exonérations de cotisations, car une entreprise sous-traitante, engagée par son cocontractant, a été reconnue coupable de travail dissimulé.
Tout maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre qui fait réaliser des travaux ou prestations de service est tenu à une obligation de vigilance visant à lutter contre le travail dissimulé, et doit, à ce titre, vérifier que son cocontractant a rempli ses obligations de déclarations et de versement de cotisations (articles L8222-1 et L8222-2 du Code du travail). A défaut de réaliser ces vérifications, et en cas de défaut de déclaration ou de paiement par le cocontractant, le maitre d’ouvrage ou le donneur d’ordre peut être tenu de payer les taxes ou cotisations non payées par son cocontractant, mais également au remboursement des aides publiques indument perçues.
Le maitre d’ouvrage conteste être tenu à une obligation de vigilance à l’égard du sous-traitant de son cocontractant, mais la cour d’appel le condamne pour ne pas avoir réalisé les vérifications préalables avec le sous-traitant de son cocontractant.
Dans son pourvoi en cassation, le maitre d’ouvrage avance que les donneurs d’ordre et maitres d’ouvrage ont des obligations de vérification préalablement à la conclusion du contrat. Ces vérifications ne portent donc que sur les entreprises avec lesquelles des contrats sont véritablement conclus par le maitre d’ouvrage ou le donneur d’ordre. Le sous-traitant de ce cocontractant n’est pas lié au maitre d’ouvrage par un contrat, et donc ce dernier considère qu’il n’a pas de vérification à réaliser avant un contrat qui n’existe pas.
La Cour de cassation retient ces arguments.
POURQUOI CETTE DECISION ?
La Cour de cassation rappelle ici que les obligations qui naissent d’un contrat ne s’appliquent qu’aux personnes liées par ce contrat. Un sous-traitant n’a pas de contrat avec le maitre d’ouvrage, mais avec l’entrepreneur principal. Le maitre d’ouvrage n’est donc pas tenu à une obligation de vigilance vis-à-vis du sous-traitant de son cocontractant.
Par ailleurs, tout entrepreneur qui sous-traite des travaux à une autre entreprise doit faire accepter son sous-traitant et faire agréer les conditions de paiement de son sous-traitant par le maitre d’ouvrage. Le maitre d’ouvrage avait donc ici annexé cette acceptation à l’acte d’engagement conclu avec l’entreprise principale.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et considère que le document d’acceptation du sous-traitant ne constitue pas un lien contractuel entre le maitre d’ouvrage et le sous-traitant de son cocontractant. Elle en conclut donc qu’à défaut de lien contractuel, le maitre d’ouvrage ne peut être appelé en solidarité de paiement du sous-traitant de son cocontractant.
COMMENTAIRE
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation décide qu’un sous-traitant n’est pas lié contractuellement au maitre d’ouvrage (Assemblée Plénière de la Cour de cassation, 12 juillet 1991, n°90-13602). En revanche, la Cour n’avait pas encore été amenée à se prononcer sur l’application de cette position en matière d’obligation de vigilance et sur la solidarité financière associée.
En effet, le maître d'ouvrage, ou le donneur d’ordre, a une obligation de vigilance qui l’astreint à demander diverses informations à son cocontractant, ces informations faisant l’objet d’une attestation de vigilance.
Cette obligation pèse sur le maitre d’ouvrage pour les entreprises principales avec lesquelles il contracte directement. En revanche, lorsque des entreprises sous-traitent une partie de leur activité, elles deviennent les donneurs d’ordre de leur sous-traitant, et c’est alors à elles que revient la vérification des éléments, et sur elles que pèse l’obligation de vigilance.
Par cet arrêt, publié au bulletin de la Cour de cassation qui souhaite donc lui donner une certaine importance, les juges précisent le périmètre d’application de l’obligation de vigilance.
Le recours au travail dissimulé a des impacts en prévention des risques professionnels. Un travailleur dont l’existence n’est pas valablement enregistrée dans l’entreprise n’est généralement pas pris en compte dans l’évaluation des risques professionnels de l’entreprise, dans son plan de formation, y compris pour les formations nécessaires en matière de sécurité, pour la communication des modes opératoires ou PPSPS de l’entreprise, pour la dotation d’équipements de protection individuelle, voire pour l’accès aux installations d’hygiène et de vie des opérations auxquelles il est affecté.