Que s'est-il passé ?

    Arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 avril 2023, n°21-81.742

    Au cours d’une opération de maintenance d’outillage portuaire, un salarié d’une entreprise extérieure fait une chute mortelle depuis un portique porte-conteneurs appartenant à l’entreprise utilisatrice.

    L’entreprise utilisatrice et l’entreprise extérieure sont poursuivies pour exécution de travaux sans inspection commune préalable. L’entreprise extérieure est également poursuivie pour homicide involontaire dans le cadre du travail.

    La cour d’appel a condamné les deux entreprises à 5 000 euros d’amende pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs. L’entreprise extérieure a, par ailleurs, été condamnée à une amende de 150 000 euros pour homicide involontaire.

    Pour retenir la responsabilité des deux entreprises pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, la cour d’appel tient notamment compte des éléments suivants :

    • Bien que les entreprises arguent de l’existence d’un plan de prévention, elles ne démontrent pas qu’une inspection commune a été réalisée telle qu’exigée par la réglementation en vue d'établir les règles de sécurité qu'imposait éventuellement la situation de coactivité (articles R4512-2 à R4512-5 du Code du travail) ;
    • Le salarié victime de l’accident n’a pas été informé du mode opératoire à respecter pour son intervention (d’autant plus que la méthode de changement de câble avait été modifiée sans l’en avertir) ni des dangers spécifiques de son intervention.

    Concernant la condamnation de l’entreprise extérieure pour homicide involontaire, la cour d’appel retient notamment les manquements suivants de l’employeur envers son salarié :

    • L’absence d’organisation d’une inspection commune préalablement à l’intervention de son salarié ;
    • L’irrégularité de la délégation de pouvoir en matière de sécurité au profit du salarié dont se prévaut son employeur. La cour d’appel considère, pour exclure toute délégation de pouvoir en matière de sécurité, que le salarié ne disposait ni de la compétence (faute d’avoir bénéficié d’une formation à cette fin) ni des moyens (les dépenses engagées devant être avalisées en amont par son supérieur hiérarchique) nécessaires à une délégation de pouvoirs valide.

    La Cour de cassation confirme le raisonnement et la décision de la cour d’appel sur les condamnations de l’entreprise extérieure et de l’entreprise utilisatrice pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, ainsi que celle de l’entreprise extérieure pour homicide involontaire.

    Elle casse et annule cependant l’arrêt mais uniquement sur le point précis des sommes allouées en réparation des préjudices des membres de la famille de la victime.

    Pourquoi cette décision ?

    La Cour de cassation relève que la visite effectuée en amont de l’intervention avait seulement pour objectif d’examiner le matériel nécessaire à l’opération dans le but d’établir une proposition commerciale de contrat de maintenance. Elle n’avait pas pour objectif l’examen des mesures de sécurité à prendre pour réaliser l’opération. Il ne s’agissait donc pas d’une inspection commune telle qu’exigée par la réglementation, d’autant plus qu’aucune analyse des risques commune entre les chefs d’entreprise n'avait été accomplie.

    Elle relève également qu’aucune communication réciproque entre les entreprises n’a été réalisée préalablement à l'opération de maintenance sur les risques et dangers de celle-ci. Le plan de prévention s’avérait « très superficiel, exempt d'exhaustivité et d'efficience sur l'appréciation des dangers dans la mesure où aucune visite préalable dans cette perspective n'a été réalisée et ne reflétant pas l'individualisation nécessaire à ce type d'opérations ».

    Concernant la question de la délégation de pouvoir, la Cour de cassation constate que le salarié ne bénéficiait pas des compétences techniques et juridiques, ni des moyens nécessaires à l'exercice d'une mission de garantie de la sécurité, et ni des moyens pour veiller à l'observation des règles en vigueur en la matière. Elle considère également que la délégation de pouvoir avancée par l’employeur n’avait pas été formalisée par un écrit et que les mentions du contrat de travail du salarié n’étaient pas assez précises quant à son domaine et sa portée pour tenir lieu d’une délégation de pouvoir valable.

    En conséquence, l’employeur ne pouvait pas s’exonérer de ses obligations en matière de sécurité au travail en l’absence d’une délégation de pouvoir valide.

    Commentaire

    Une simple visite en vue du repérage du matériel afin d’établir une proposition de contrat de maintenance ne tient pas lieu d’inspection commune préalable à une intervention et indispensable à l’élaboration d’un plan de prévention.

    En effet, l’inspection commune préalable à l'exécution d'une opération réalisée par une entreprise extérieure doit porter sur les lieux de travail, les installations qui s'y trouvent et les matériels éventuellement mis à disposition des entreprises extérieures (article R4512-2 du Code du travail).

    C’est à partir des informations recueillies au cours de l’inspection commune préalable que les chefs d’entreprise procèdent ensemble à une analyse des risques pouvant résulter de l’interférence entre les activités, les installations et les matériels. Si ces risques existent, ils définissent d’un commun accord un plan de prévention précisant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques (article R4512-6 du même Code).

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