Action de groupe pour manquements de l’employeur
Une loi du 30 avril 2025 étend la possibilité pour les salariés d’introduire une action de groupe à tout manquement de l’employeur. Les manquements des employeurs à leurs obligations en matière de santé-sécurité au travail peuvent désormais être concernés par cette procédure.
Dernière mise à jour le : 30/04/2025
L’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne refond la procédure d’action de groupe en droit français, en transposant la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives. En droit du travail, l’action de groupe peut désormais porter sur tout manquement de l’employeur à ses obligations légales ou contractuelles. De nouvelles précisions réglementaires doivent néanmoins être apportées pour permettre l’application concrète de ce nouveau régime en vigueur depuis le 3 mai 2025.
Qu’est-ce qu’une action de groupe en droit du travail ?
L’action de groupe est une procédure judiciaire permettant à un syndicat ou une association d’agir en justice pour le compte de plusieurs personnes placées dans une situation similaire en raison d’un manquement commis par leur employeur. Ces personnes peuvent être des personnes physiques (salariés en CDD ou CDI, intérimaires, candidats à un emploi, etc.) ou morales de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public.
L’action de groupe vise à faire cesser un manquement commis par l’employeur à ses obligations légales ou contractuelles. Elle peut également consister à obtenir la réparation des préjudices subis par ces personnes en raison du manquement commis.
Il convient de noter que, dans le cadre de cette refonte prévue par la loi du 30 avril 2025, les organisations syndicales représentatives n’ont plus le monopole pour engager des actions de groupe, puisque des associations peuvent désormais diligenter une action de groupe contre un employeur (si elles remplissent les conditions requises).
Dans quels domaines engager une action de groupe ?
Avant l’entrée en vigueur de cette loi, l’action de groupe à l’encontre d’un employeur n’était possible que dans certains domaines de droit du travail comme les discriminations ou encore la protection des données personnelles.
La loi du 30 avril 2025 ne limite plus la possibilité d’intenter une action de groupe à des domaines spécifiquement réservés. Désormais en droit du travail, tout manquement de l’employeur, quelle qu’en soit la forme, à ses obligations à l’égard de travailleurs peut désormais faire l’objet d’une action de groupe dès lors que ce manquement est susceptible de concerner plusieurs personnes.
Plusieurs travailleurs pourraient alors engager une action de groupe si l’employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé.
Exemples : absence de suivi médical adapté des salariés ; absence d’évaluation des risques professionnels ; absence de protection des équipements de travail etc.
Quelle procédure pour mener une action de groupe ?
La loi prévoit deux modes d’action : l’action de groupe, qui vise à faire cesser un manquement, et celle qui vise à obtenir une indemnisation des préjudices subis.
Action de groupe en cessation de manquement :
L’action de groupe en cessation de manquement vise à faire cesser le manquement commis par l’employeur au Code du travail. Avant d’engager cette action de groupe, le demandeur à l'action (les organisations syndicales représentatives ou des associations agréées) demande à l'employeur par tout moyen conférant date certaine (par exemple un recommandé avec demande d’avis de réception) de faire cesser le manquement allégué. À réception, l’employeur doit informer le Comité social et économique (CSE), si l’entreprise en dispose, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, de cette demande dans un délai d’un mois.
Si le CSE ou une organisation syndicale représentative le demande, l'employeur doit engager une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement alléguée.
L'action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés peut être introduite devant le juge du tribunal judiciaire à l'expiration d'un délai de six mois à compter :
De la demande tendant à faire cesser le manquement ;
Ou de la notification par l'employeur du rejet de la demande.
Lors du lancement de l’action de groupe en cessation d’un manquement, il n’est pas nécessaire pour le demandeur de démontrer l’existence d’un préjudice pour les membres du groupe, ni de démontrer l’intention ou la négligence de l’employeur. Le juge doit constater l’existence d’un manquement pour ordonner au défendeur de cesser ou de faire cesser le manquement et de prendre toute mesure utile à cette fin.
Il pourra ensuite ordonner des mesures de publicité de sa décision relative au manquement. Ces mesures ne pourront être mises en œuvre que lorsque la décision sur le manquement sera devenue définitive.
Par ailleurs, il convient de noter que la loi prévoit la possibilité pour le juge de rejeter dès l’introduction de l’instance une action qui serait manifestement infondée. Les modalités d’application de cette mesure doivent être précisées par décret en Conseil d’État.
- Action de groupe en réparation :
L’action de groupe en réparation vise, pour les salariés à l’origine de l’action, à se voir indemniser de leurs préjudices subis en raison du dommage qui leur a été causé par leur employeur. En matière d’action de groupe en réparation, tous types de préjudices peuvent être indemnisables (préjudice matériel ; préjudice corporel comme le préjudice esthétique ; ou préjudice moral comme le préjudice d’anxiété).
Dans le cadre d’une action de groupe en réparation, le juge statuera sur l’existence d’un manquement et sur la responsabilité du défendeur, c’est-à-dire de l’employeur.
Une fois la responsabilité de l’employeur reconnue par le juge, ce dernier va dans son jugement :
Définir le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité est engagée (fixation de critères de rattachement et des préjudices devant faire l’objet d’une réparation pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe défini) ;
Déterminer, lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, les montants ou les éléments permettant l’évaluation des préjudices ;
Ordonner au défendeur de mettre en œuvre des mesures de publicité destinées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage du fait du manquement constaté ;
Fixer le délai dans lequel les personnes susceptibles de faire partie du groupe défini par le jugement peuvent formuler une demande de réparation ;
Fixer le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à une indemnisation ainsi que le délai dont disposent les personnes qui se sont vu refuser leurs demandes d’indemnisation pour le saisir de demandes individuelles.
La loi du 30 avril 2025 prévoit également la possibilité pour le juge ayant statué sur la responsabilité de l’employeur d’ouvrir une procédure collective de liquidation des préjudices. Cette procédure, qui exclut les dommages corporels, implique l’organisation d’une négociation, entre le demandeur et le défendeur, pour qu’un accord soit trouvé sur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe.
Sanction civile en cas de faute
La loi du 30 avril 2025 prévoit la possibilité pour le juge de condamner l’employeur reconnu responsable d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles à une sanction civile lorsque celui-ci :
A délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue ;
Et que le manquement a causé des dommages à plusieurs personnes placées dans une situation similaire.
Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute et au profit retiré par l’employeur, dans la limite du double du montant du profit réalisé pour une personne physique (et du quintuple du montant du profit pour une personne morale). Le produit de cette sanction sera affecté à un fonds consacré au financement des actions de groupe. La loi précise qu’il ne sera pas possible de pouvoir s’assurer contre le risque d’une condamnation à une sanction civile.