Le Conseil d’État, saisi dans le cadre d’un contentieux intéressant notamment les transports, a considéré, dans une décision du 20 juillet 2020, que le Gouvernement devait, en principe dans un délai de six mois, réviser les règles de nature à protéger la santé des travailleurs face aux poussières sans effet spécifique (PSES) dans les locaux spécifiques, définies à l’article R4222-10 du Code du travail, car celles-ci étaient considérées comme pas assez protectrices au regard des dernières connaissances scientifiques.

    La Direction générale du travail a ainsi, sur la base du rapport de l’Anses de novembre 2019 relatif à l’évaluation des effets sur la santé sur le lieu de travail pour les poussières dites sans effet spécifiques, et après consultation des partenaires sociaux au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), publié ce décret du 23 décembre 2021 portant modification des concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires dans les locaux à pollution spécifique.

    PSES et locaux à pollution spécifique

    Afin de bien comprendre le cadre d’application de l’article R4222-10 du Code du travail faisant l’objet de la modification, quelques définitions sont nécessaires.

    Selon une circulaire du 9 mai 1985, les poussières sans effet spécifique (PSES) sont les « poussières qui ne sont pas en mesure de provoquer seules sur les poumons ou tout autre organe ou système du corps humain d’autre effet que la surcharge ». Les poussières sont donc considérées comme des PSES à défaut d'avoir pu démontrer qu'elles ont un effet spécifique, ce qui signifie que leur classement peut être revu si des effets spécifiques sont démontrés.

    Entrent dans cette définition des PSES les poussières alvéolaires (particules de taille inférieure à 10 µm « fraction massique des particules inhalées qui pénètre dans les voies aériennes ciliées ») et les poussières inhalables ou totales (particules < 100 µm « fraction massique des particules totales en suspension dans l’air inhalée par le nez et la bouche »).

    L’article R4222-10 définit donc une concentration moyenne en PSES, appelée « seuil », à ne pas dépasser sur une période de 8 heures, mesurée dans l’ambiance du local.

    Cet article indique que ce seuil de concentration s’applique uniquement « dans les locaux à pollution spécifique ». Selon le 4° point de l’article R4222-3 du Code du travail, les locaux à pollution spécifique sont les locaux dans lesquels des substances dangereuses ou gênantes sont émises sous forme de gaz, vapeurs, aérosols solides ou liquides autres que celles qui sont liées à la seule présence humaine, les locaux pouvant contenir des sources de micro-organismes potentiellement pathogènes et les locaux sanitaires.

    L’article R4222-10 s’applique donc aux locaux, c’est-à-dire aux lieux ou chantiers fermés, dans lesquels les activités réalisées conduisent à l’émission de substances dangereuses ou gênantes, notamment les aérosols solides que sont les poussières. À l’inverse, cet article ne s’applique donc pas sur les chantiers en plein air qui ne répondent pas à la qualification de locaux.

    Seuils de concentration vs VLEP

    Selon l’article R4222-10, « dans les locaux à pollution spécifique, les concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires de l'atmosphère inhalée par un travailleur, évaluées sur une période de huit heure ne doivent pas dépasser certains seuils»

    Les valeurs seuils de concentration constituent des taux maximums de concentration de poussières présentes au sein d’un local, c’est-à-dire une « mesure d’ambiance », et non une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) qui serait à contrôler dans la zone de respiration des travailleurs. En effet, ces seuils de concentration visent à établir la conformité des installations de ventilation et à veiller à la prévention des risques associés pour les travailleurs exerçant librement (sans EPI) leur activité dans un tel local. Il ne s’agit pas d’un mesurage sur opérateur ni d’une VLEP au sens des articles R4412-149 à R4412-160 du Code du travail, mais d’une mesure d’ambiance.

    Par ailleurs, au sein de la réglementation, certaines dispositions particulières non liées aux locaux à pollution spécifique, renvoyaient vers les valeurs définies à l’article R4222-10.

    Ainsi, l’article R4412-154 du Code du travail prévoyait, dans la formule dite « d’additivité » utilisée pour définir la VLEP applicable lors de la présence simultanée de poussières alvéolaires contenant de la silice cristalline et d'autres poussières alvéolaires non silicogènes, un renvoi vers les seuils définis à l’article R4422-10. Pour cette formule, le renvoi vers cet article est supprimé et remplacé, sur la base des préconisations de l’Anses, par une valeur conservée à 5 mg/m3.

    De même, dans les mines et carrières, la concentration moyenne en poussières alvéolaires évaluée sur une période de huit heures, applicable aux lieux de travail se trouvant à l'extérieur, reste inchangée à 5 mg/m3 d'air.

    Définition de nouveaux seuils

    Le décret du 23 décembre 2021 a donc modifié les seuils de concentration de poussières totales et alvéolaires à ne pas dépasser dans un local à pollution spécifique sur une période de huit heures.

    La Direction générale du travail a suivi les préconisations de l’Anses et a défini de nouveaux seuils de concentrations de 4 mg/m3 pour les poussières totales et de 0,9 mg/m3 pour les poussières alvéolaires.

    Cependant, un abaissement intermédiaire et provisoire est défini du 1er janvier 2022 au 30 juin 2023, à des taux de 7 mg/m3 pour les poussières totales et à 3,5 mg/m3 d’air pour les poussières alvéolaires.

    Pendant cette période, une commission, dont la composition a été définie par un arrêté du 26 janvier 2022, sera chargée du recensement des moyens techniques à mettre en place pour assurer le respect des nouvelles valeurs de concentration et de la réévaluation des valeurs indiquées à l’article R4222-10.

    Lorsque, dans un local à pollution spécifique, les seuils de concentration ne peuvent pas être respectés en tout point, il appartient alors à l’employeur de mettre en œuvre les mesures organisationnelles nécessaires pour que l’exposition des travailleurs ne dépasse pas, en moyenne, ces limites sur une période de 8 heures Cela crée donc la possibilité pour les employeurs, s’il n’est pas possible de respecter les seuils en tout point du local à pollution spécifique, de raisonner en termes de seuil aux postes de travail. Les seuils restent cependant des seuils de concentration donnant lieu à des « mesures d’ambiance » et ne doivent pas être assimilés à des VLEP.

    Au titre des dispositions d’entrée en application des nouveaux seuils, il est précisé que ceux-ci ne s’appliquent pas aux opérations de construction ou d'aménagement de bâtiments pour lesquelles la demande de permis de construire est antérieure au 1er janvier 2022, ainsi qu’aux opérations ne nécessitant pas de permis de construire dont le début des travaux est antérieur au 1er janvier 2022.

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