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Chantiers

L’après-JOP 2024 : de nouveaux standards sécurité à pérenniser et transmettre

La flamme désormais éteinte, comment valoriser les avancées sociales portées par ce qui fut, outre un événement sportif majeur, une opération d’aménagement et de construction sans précédent ? Cette préoccupation était au cœur des deuxièmes Rencontres de la Solideo, axées sur l’insertion et la santé sécurité au travail.

Date : 12/06/2025

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Chloé Devis

L’après-JOP 2024 : de nouveaux standards sécurité à pérenniser et transmettre

© Chloé Devis

À quelques mois de la fin de sa mission d’ensemblier des Jeux de Paris, et avant de confier à Grand Paris Aménagement l’achèvement des derniers ouvrages en reconversion, la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) a réuni ses partenaires le 6 juin dernier à la Chambre de commerce et d’industrie de Bobigny (Seine-Saint-Denis) sous le mot d’ordre « L'acte de construire socialement exemplaire ». Une formule qui reflète à la fois les objectifs atteints, voire dépassés, mais aussi les suites à donner à cet héritage. Des perspectives ont ainsi été esquissées lors de cette rencontre par l’ensemble des parties prenantes, des donneurs d’ordres aux collectivités publiques en passant par les entreprises et les organismes qui les accompagnent. Si l’emploi et l’insertion étaient aussi au menu, le bilan des Jeux de Paris en matière de SST a été particulièrement salué. Avec une accidentologie divisée par quatre par rapport à la moyenne nationale et zéro accident mortel, il a défini « des standards sécurité inédits sur des chantiers d’exception. », a fait valoir Ivoa Alavoine, représentante de la Solideo. Yann Krysinski, directeur général exécutif de la Solideo, a toutefois insisté : « Il n’y a pas eu de recette miracle, mais une volonté d’être à la hauteur des engagements pris. »

La Charte sociale, outil de cogestion des chantiers, bâtie sur des valeurs partagées

C’est de engagements-là qu’il a été question dans une première table ronde consacrée à la Charte sociale lancée en 2018 pour promouvoir des Jeux économiquement et socialement responsables. Bernard Thibault, son coprésident (aux côtés de Dominique Carlac'h), a rappelé le caractère inédit de cette initiative qui a permis de « faire vivre les objectifs définis en matière sociale et SST au fil des travaux en respectant les coûts et les délais. » Il s’est aussi félicité de la possibilité accordée aux représentants syndicaux et patronaux de s’exprimer tout au long de l’avancement des chantiers. Pour lui, trois facteurs de réussite ont prédominé : « une volonté politique affirmée pour donner la priorité aux sujets portés par la Charte, des moyens spécifiques dédiés et la mobilisation des acteurs de la prévention et de la sécurité au travail ». De son côté, Paul Duphil, secrétaire général de l’OPPBTP, a rappelé le socle de valeurs, plaçant l’humain au premier plan, établies par Solideo, et a mis en avant la démarche collective et le suivi opérationnel au jour le jour comme éléments clés de succès. « Cet outil s’est révélé d’autant plus puissant qu’il reposait sur une adhésion volontaire », a-t-il observé, notant aussi la dynamique d’entraînement des majors en matière de culture prévention auprès des entreprises de plus petite taille impliquées sur les chantiers des JOP.

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Une culture sécurité favorisant l’anticipation, la communication et l’adaptation

La mise en place effective d’une culture sécurité commune à l’ensemble des chantiers olympiques a été plus largement abordée lors d’une autre table ronde réunissant des représentants des organismes dédiés, des donneurs d’ordres et de la Solideo. Carine Janot-Forestier, responsable du domaine maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre à l’OPPBTP, a rappelé les fondements d’une culture sécurité, « un ensemble de codes et pratiques qui doivent être compris et partagés par tous, de la direction jusqu’aux compagnons, au sein de l’entreprise, mais aussi avec ses partenaires, et ce, a-t-elle insisté, largement en amont des opérations », évoquant en ce sens le rôle de la Charte sociale déclinée en Charte HSE. Henri Specht, directeur des opérations d'aménagement de Solideo, a rebondi sur l’enjeu de la planification : « Identifier les différents acteurs et leurs interfaces sur des chantiers à forte coactivité a permis de résoudre en amont des sujets sécurité », s’est-il félicité, pointant en outre l’importance de la posture du maître d’ouvrage s’appropriant la démarche industrielle.

Un exemple concret de l’intérêt de s’appuyer sur un système de management de la sécurité porté au plus haut niveau et décliné en règles a été présenté par Gwenaëlle Bongiovanni, directrice adjointe Direction Ingénierie et Projets de RTE. Dans le cadre de la réalisation d’un tunnel de 2,5 km entre le Village olympique et le quartier de la Briche à Saint-Denis, des mesures spécifiques ont ainsi été prises, comme la présence quotidienne d’un préventeur, une coordination sécurité spécialisée dans les travaux souterrains, la mise en place d’un caisson hyperbare sur site, l’obligation de signer un « pass haute tension » pour tous les intervenants sur le site, de nombreuses visites sécurité, y compris par des cadres de la direction… Bilan : « 20 accidents, dont aucun de grave ».

Accompagnement, contrôle… et transparence

De son côté, Guillaume Robin, chargé de projets JOP de la DRIEETS 93, a mis en avant la création d’une Unité de contrôle grands chantiers dédiée aux sites des JOP et du Grand Paris qui a effectué 1 300 interventions, avec une large part de contrôles mais aussi la participation à des réunions régulières avec entreprises et maîtres d’ouvrage. Revendiquant la transparence, il a été rejoint sur ce plan par Henri Specht qui a insisté sur la nécessité de « faire tomber les barrières afin de capitaliser tout au long des chantiers sur les expériences croisées », notamment celles des compagnons. « Cette transparence, qui permet d’avoir 100 % de retombées, se cultive par une relation de confiance et de respect avec les équipes », a renchéri Gwenaëlle Bongiovanni.

Marc Girard, de l’OPPBTP, a rappelé la mobilisation de l’organisme auprès de Solideo avec une équipe dédiée de quatre personnes et une action en plusieurs phases, orientée d’abord sur le conseil stratégique, puis sur l’accompagnement au jour le jour des opérations, renforcé dans les derniers temps pour faire face à la pression croissante.

Un volet contractuel indispensable pour le suivi des objectifs

La rencontre a aussi porté sur le cadre contractuel qui a permis de placer la sécurité au cœur de la commande publique. David Goldfarb, responsable des contrats de la Solideo, est revenu ainsi sur les différents échelons d’expertise sécurité auxquels elle doit s’adosser, des CSPS jusqu’aux hommes-trafic en passant par les OPCIC, les référents HSE, les acteurs externes de la prévention… Il a également mentionné le caractère opposable de la Charte sociale, rendue contractuelle par la Solidéo dans tous ses marchés et la possibilité de sélectionner les entreprises en fonction de leurs engagements formalisés dans un mémoire prévention, et le rôle des « contract managers » dans le suivi des objectifs. À ce titre, il a exposé les modalités d’une action « systématique et proportionnée » en cas de non-respect des clauses, depuis le simple rappel jusqu’à la résiliation du marché.

Des retours d’expérience au service de futurs grands projets

Au-delà des bilans, l’ensemble des intervenants a tiré de l’expérience hors normes des Jeux de Paris des enseignements pour améliorer encore les méthodes éprouvées et les dupliquer sur les grands projets à venir… sans négliger les bonnes pratiques à diffuser à un niveau quotidien. « Tous les chantiers n’ayant pas atteint le même niveau de performance, il faut analyser ce qui a fait la différence en matière d’accidentologie », a indiqué en premier lieu Pierre-Antoine Molina, préfet et délégué interministériel aux JOP. Le renforcement du cadre réglementaire et contractuel apparaît comme un préalable pour plusieurs participants : Bernard Thibault a ainsi plaidé pour « davantage de clauses sociales » dans la commande publique, Paul Duphil a affirmé en écho l’importance d’un État « exemplaire » dans ses pratiques et invite les maîtres d’ouvrage à s’inspirer des exigences industrielles en allant au-delà du Code du travail, les deux étant favorables à l’évolution des textes. Mais au-delà de la règle, du contrôle, « il faut que chacun dans l’entreprise comprenne le rôle qu’il a à tenir dans l’écosystème », a souligné Carine Janot-Forestier : de longue haleine, « la démarche de construction d’une culture sécurité doit être engagée encore plus tôt en tenant compte des différences de maturité, de compréhension, entre les acteurs ». « Des actions dédiées pour les petites entreprises sont indispensables », a complété Marc Girard. Gwenaëlle Bongiovanni estime de son côté qu’ « il faut rester vigilant en ce qui concerne les risques classiques, et les publics les plus vulnérables comme les intérimaires. »

De ces échanges, il ressort la nécessité, de manière générale, de diffuser sans relâche, au quotidien, les messages prévention, et de former les managers en ce sens. En cultivant une approche résolument positive, à l’image de celle qui a présidé tout au long des chantiers des Jeux, comme l’a rappelé Yann Krysinski : « Nous avons vécu notre devoir d’exemplarité sociale comme une chance, pas comme une contrainte. »

D’ores et déjà, de grands projets en cours bénéficient des acquis des JOP, avec davantage d’éléments sécurité intégrés en phase contractuelle dans les opérations du Canal Seine-Nord Europe, des actions de promotion de la prévention, comme les Trophées de la Société des grands projets à l’image des Olympiades, tandis que des visites croisées vont être mises en place dans le cadre du chantier du tunnel Lyon-Turin… Avec à l’horizon, un nouveau défi olympique : Alpes 2030.

Télécharger le bilan « Sécurité et santé au cœur de la construction des ouvrages olympiques et paralympiques ».

La ministre du Travail envisage des mesures pour aller plus loin 

Présente à la rencontre organisée par la Solideo, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a salué la mobilisation qui a conduit à un bilan exemplaire en matière d’accidentologie, et a évoqué plusieurs pistes d’ajustement du cadre légal : encadrer le recours à la sous-traitance dans les secteurs à forte sinistralité, imposer des critères en santé et sécurité au travail dans le code de la commande publique, responsabiliser davantage les donneurs d’ordre, renforcer la formation des maîtres de stage et apprentis, ou encore, lorsqu’une entreprise est condamnée dans le cadre d’un accident du travail, lui interdire temporairement l’accueil de nouveaux apprentis.

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