294 Dossier - Apprentissage : le métier, c'est aussi la sécurité

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En résumé
  • Les formateurs des CFA doivent se sentir légitimes en matière de prévention.
  • Les maîtres d’apprentissage ont un rôle clé dans la transmission.

Dossier paru dans PréventionBTP n°294-Avril 2025-p. 6

Tifenn Roussel et Tom Morice ont 17 ans. Ces deux apprentis du CFA de Saint-Brévin (Loire-Atlantique) ont accroché un joli score au challenge 100 minutes pour la vie. « Ce serait dommage de finir sourde à 30 ans! », s’exclame la jeune femme, consciente de la nécessité de porter ses EPI. Tifenn différencie les entreprises « de la vieille école » et les autres, respectueuses de la sécurité. Idem pour Tom Morice : « Dans mon entreprise actuelle, une TPE artisanale de trois personnes, je travaille en permanence avec le patron. Il est très prévenant. Dans mon ancienne entreprise, on nous laissait nous débrouiller, sans attention à la sécurité, et je suis parti au bout de cinq mois. » Consacrer du temps à l’encadrement des jeunes est un enjeu de recrutement pour les entreprises et un investissement au service de leur efficacité et de leur sécurité.

Des apprentis en moins bonne santé

La prévention santé des apprentis en France reste perfectible. Selon l’Assurance-maladie, les salariés de moins de 20 ans, dont la moitié sont des apprentis, sont victimes de 40,1 accidents du travail par million d’heures rémunérées, contre 20,4 pour l’ensemble des salariés. Trente-sept décès de jeunes de moins de 25 ans ont été dénombrés en 2021 après un accident du travail. Selon la récente étude Espace (Évaluation de la santé physique des apprentis de la construction en établissement de formation), du CCCA-BTP, « deux jeunes interrogés sur trois sont au-dessus des recommandations de l'OMS en termes d'activité physique, mais 85 % des apprentis participant à l’enquête rapportent des douleurs physiques et 48 % ont déjà dû s’arrêter de travailler à cause de ces douleurs », déplore Arnaud Chaumont, directeur formation initiale et mission intérim à l'OPPBTP. En raison de leur jeunesse et de leur inexpérience, ces professionnels en herbe sont particulièrement vulnérables. L’étude Espace a également révélé que « l’ensemble des apprentis sont exposés à un niveau d’activité physique professionnelle certain, avec des efforts demandant surtout de l’endurance musculaire, pour des maintiens en position et des tâches de préhension répétitives. »

Les actions pour améliorer la santé et la sécurité

Pour améliorer ce tableau, chacun a un rôle à jouer dans le triangle de l’alternance : le CFA, l’entreprise et le jeune lui-même. Sans oublier, la famille. Côté CFA, de nombreuses actions ont été mises en place, ces dernières années. Les formateurs sont aujourd’hui davantage formés à la prévention des risques. Ils sont encouragés à créer des ponts avec les entreprises où exercent les apprentis, majoritairement des TPE artisanales. Objectif : mieux coller aux besoins des jeunes, rapidement jetés dans le grand bain de la vie professionnelle. « Nous apprenons aux formateurs à récupérer des situations de travail vécues pour les utiliser à des fins pédagogiques en CFA », explique Jonathann Mayette, ingénieur formation santé et prévention au CCCA-BTP. Des actions de sensibilisation aux risques quotidiens et différés, aux problèmes d’addiction, de sommeil, de nutrition, sont également organisées. Beaucoup se saisissent des outils de l’OPPBTP destinés aux enseignants et aux jeunes, comme le jeu mobile Petocask ou le challenge 100 minutes pour la vie. D’autres se dotent de pôles santé et prévention professionnelle ou d’espaces dédiés à la SST. Certains CFA diagnostiquent aussi leur propre organisation. Car les accidents graves et mortels d’apprentis ne sont pas réservés qu'aux entreprises. Toutes les occasions sont bonnes pour faire avancer le sujet. La sécurité au travail intègre désormais la notation de la compétition nationale des métiers Worldskills. « On analyse la rigueur d’utilisation des EPI, de l’organisation et du rangement, la manière d’utiliser l’outillage en sécurité… », indique Gaëtan Guais, chef d’entreprise retraité, jury des compétitions.

Une exemplarité à développer

Malgré toutes ces actions, du chemin reste encore à parcourir pour développer l’exemplarité. « Certains formateurs des CFA ne s'estiment pas légitimes pour intervenir auprès de l'entreprise ou pour développer les notions que les jeunes apprennent en PSE (prévention-santé-environnement, NDLR) », rapporte ainsi Jonathann Mayette. La fourniture des EPI aux apprentis, qui incombe normalement aux entreprises, laisse aussi parfois à désirer. Autre constat : les enseignements sur la prévention des risques liés à l'activité physique (PRAP) ont régressé. « La PRAP a pourtant son utilité pour limiter l'usage de la force physique et aborder des enjeux d'organisation du poste de travail et de performance globale de la construction », souligne Arnaud Chaumont. Quant à la formation des maîtres d’apprentissage, elle s’avère souvent insuffisante. Pour intégrer, soutenir, sécuriser ces adultes en devenir, leur rôle est pourtant clé, témoigne Émilie Dangremont, DAF de La Scetec, entreprise du Mans de génie climatique et électrique : « Les apprentis ayant bénéficié d’un tuteur très à cheval sur la sécurité ont beaucoup moins d’accidents dans leur vie professionnelle. »

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