Le leadership au féminin soutenu par le mentorat
Dans un secteur des travaux publics confronté à des besoins de recrutement massifs et à un déficit d’attractivité auprès des femmes, la FNTP et l’ESTP ont lancé un programme de mentorat inédit. Objectif : accompagner des étudiantes ingénieures à se projeter dans des postes à responsabilités.
Date : 11/12/2025
Andréa Devulder

Accélérer l’accès aux responsabilités, renforcer la capacité à se projeter, le tout pour renforcer la place des femmes dans les métiers des travaux publics, tels sont les objectifs du programme de mentorat développé par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) en partenariat avec l’ESTP (Grande école d'ingénieurs de la construction). Lancé en 2024, le programme s’appuie sur des mentors d’exception : des membres du conseil d’administration de la FNTP, cadres dirigeants d’entreprises du secteur. Leur rôle n’est pas tant d’aider les étudiantes sur leur stage ou leur mémoire mais plutôt de les amener à anticiper leur carrière comme le précise Claire-Marie Chaffin, directrice des Relations entreprises et de la vie étudiante à l’ESTP: « Les échanges abordent la posture à avoir en entreprise, la légitimité hiérarchique, la communication sur chantier, les décisions stratégiques. »
Le mentor, un soutien stratégique
L’expérience de Shania Zenou illustre parfaitement l’utilité du dispositif. Étudiante ingénieure en génie civil, elle réalise son stage de fin d’année chez Eiffage et a été mentorée par Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie civil et Eiffage Métal. Confrontée à un chantier difficile, « On avait une équipe de sous-traitants pas très performante. Elle devait faire 25 mètres linéaires d’étanchéité par semaine sur le tunnel et en faisait à peine 5 », elle trouve auprès de son mentor un soutien stratégique : « Il me donnait des conseils pour réussir à convaincre les équipes, comment leur présenter la situation et impulser la direction à prendre. » Résultat : l’équipe a fortement progressé. « À la fin, elle pouvait aller jusqu’à 30 mètres par semaine. » Mais l’impact le plus décisif a été psychologique : « Ça m’a donné de l’assurance ! Quand on débute on aurait tendance à s’effacer et à faire confiance à ceux qui ont plus d’expérience, mais en réalité, ce n’est pas toujours vrai. » Avoir pu échanger avec un dirigeant a même fait évoluer son ambition : « Je veux gérer des équipes, gravir les échelons. » Mi Kry, diplômée en 2024 a été mentorée par Laurent Fayat. Elle partage une expérience complémentaire : « Je n’étais pas sûre à 100 % de ce que je voulais faire après mon stage et le mentorat m’a permis d’y voir plus clair pour mieux appréhender ma carrière dans le bâtiment. J’ai vraiment apprécié de discuter avec quelqu’un qui a de l’expérience, qui sait de quoi je parle, sans ingérence dans ses réponses. Ça m’a apporté de la confiance dans mes décisions. »
Un programme gagnant-gagnant
Même si les étudiantes interrogées reconnaissent dans cette opportunité une « chance incroyable » de rencontrer des dirigeants de très grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics et de pouvoir construire leur réseau, la dynamique n’est pas à sens unique comme l’étaye Bruno Cahen, directeur général d'Eiffage Route et membre du Conseil d‘administration de la FNTP : « En tant que mentors, nous leur apportons du recul, de l’écoute et notre expérience, le tout dans une démarche d’entraide, sans conflit d’intérêt, ni business. Surtout, comme nous sommes plus éloignés du terrain par nos fonctions, ces jeunes nous donnent une vision des tendances, de leur manière d’appréhender le monde de l’entreprise et son environnement ». Lui-même mentoré lors de ses études, Bruno Cahen conseille cette expérience auprès de chaque partie : « On apprend à tout âge et si je devais comparer à mes débuts, ils ont une agilité, des compétences complémentaires aux nôtres et sont plus connectés. Pouvoir prendre du recul par rapport à ses propres capacités managériales en entrant en interaction avec un jeune diplômé, c’est mettre à profit une différence générationnelle, même si la curiosité et les découvertes des débuts sont similaires .»
Faire bouger les lignes
Le mentorat apparaît comme une véritable réponse dans un secteur où la féminisation des métiers est marginale (chiffres FNTP de 2023) : 12 % des effectifs sont des femmes et elles ne représentent que 18 % des cadres. Si la place des femmes s’améliore, elle reste encore minoritaire (lire notre dossier Si les femmes réinventaient les pratiques pour tous ? paru dans le magazine Prévention BTP de décembre 2025-janvier 2026, numéro 301). « La mixité dans le secteur des travaux publics globalement progresse ou se maintient, mais ces jeunes femmes hésitent encore à se positionner sur des postes à responsabilités », commente Claire-Marie Chaffin. Mi Kry le confirme: « C’est bien d’avoir cette initiative, car à l’école les femmes sont minoritaires dans les travaux publics. » Et le sentiment d’imposteur ou le fameux plafond de verre semble pour autant franchi par les deux étudiantes. Shania Zenou souhaiterait partager son expérience et sa passion en promouvant son métier auprès des lycéens, tandis que Mi Kry, aujourd’hui ingénieure étude de prix dans une filiale de Fayat, mesure pleinement la responsabilité de ses fonctions et son rôle dans les appels d’offres. « En début de carrière, ça peut faire peur et avoir une guidance, ça aide à s’affirmer », conclut la première. « Après deux promotions comptant dix étudiantes, la démarche continue de s’étoffer. On est en train de mettre en place cette troisième promotion, le partenariat est voué à perdurer », confirme Claire-Marie Chaffin. Le recrutement des mentors pour 2026 est déjà en cours.
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