Que s'est-il passé ?

    Arrêt de la Cour de cassation – 1er décembre 2022 – n° 2110773

    Un salarié a été gravement brûlé par un jet d’ammoniac surgi brutalement de la conduite d’une vanne située entre la pompe et le stockage d'ammoniac.

    D’après l’enquête, la fuite d’ammoniac a été causée par l'ouverture inopinée de la vanne, malgré un travail préalable d'isolement de la pompe que le salarié s'apprêtait à démonter avec ses collègues.

    Le tribunal de police, en se fondant sur l’enquête, a retenu que les causes de l'ouverture de la vanne étaient indéterminées. Ainsi, il a écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l'absence de double vanne ou d'un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique. Autrement dit, il a écarté toute faute pénale, même non intentionnelle, de l’employeur. Dès lors, ce dernier a été relaxé de poursuites pour blessures involontaires.

    En parallèle, le salarié a saisi le juge civil en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, au titre de son accident du travail.

    La cour d’appel retient que le dispositif de sécurité était inadéquat, et ce, quelle que soit la cause de l'ouverture de la vanne. L'employeur connaissait, ou aurait dû connaître, le fait que cette vanne n'était munie d'aucun dispositif de verrouillage en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables en la matière. Elle reconnaît ainsi la faute inexcusable de l’employeur et le condamne à payer des dommages et intérêts au salarié victime.

    Mais la Cour de cassation n’a pas approuvé la décision de la cour d’appel, au titre du principe selon lequel l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend au civil.

    Pourquoi cette décision ?

    La Cour de cassation rappelle tout d’abord que l’absence de reconnaissance d’une faute pénale, devant le juge pénal, ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant le juge civil afin d'obtenir la réparation de dommages et intérêts au titre de la faute inexcusable. Néanmoins, il est impossible que cette faute inexcusable soit reconnue sur le même fait que celui sur lequel le juge pénal n’a pas reconnu de faute. Autrement dit, il est impossible de « rejuger » au civil quelque chose qui a déjà été jugé au pénal.

    Ainsi, la Cour considère que l’absence d’installation d’un dispositif de sécurité adéquat sur la vanne, qui n’a pas été jugée comme un manquement aux règles de sécurité par le juge pénal, ne peut pas être, par la suite, jugée au civil comme contraire aux règles de sécurité.

    Dès lors, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

    Commentaire

    La décision de la Cour de cassation n’aurait sûrement pas été la même en l’absence d’une décision pénale préalable.

    En effet, si le juge pénal n’avait pas été saisi, la Cour de cassation aurait pu confirmer la décision de la cour d’appel et retenir que :

    • quelle que soit la cause de l'ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat,
    • l'employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n'était munie d'aucun dispositif de verrouillage en position fermée.

    De même, la Cour de cassation n’aurait peut-être pas sanctionné la cour d’appel au titre de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, si la cour d’appel avait retenu la faute inexcusable de l’employeur sur un autre fait que celui jugé préalablement au pénal.

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