Mal-être du salarié et obligation de sécurité de l'employeur
L’employeur qui réagit rapidement et efficacement face à une dénonciation de harcèlement moral par un salarié est réputé avoir respecté son obligation de sécurité.
Dernière mise à jour le : 09/04/2025
Que s’est-il passé ?
Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 avril 2025, n°23-22.121
Une salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Estimant avoir subi un harcèlement moral, elle a saisi les tribunaux afin de contester le bien-fondé de son licenciement, et voir son ancien employeur condamné à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité.
L’arrêt rendu par la cour d’appel déboute la salariée de sa demande. Elle forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rejette la demande de la salariée. Les juges considèrent que l’employeur n’avait en l’espèce pas manqué à son obligation de sécurité, car ce dernier avait mis en place un suivi en santé, une enquête interne et des dispositifs spécifiques pour accompagner la salariée dès qu'il avait eu connaissance du mal-être cette dernière.
Pourquoi cette décision ?
Dans cette affaire la salariée soutenait avoir fait état des difficultés rencontrées avec sa supérieure hiérarchique et de la souffrance que lui causait le management de cette dernière. L’employeur, qui n'avait eu connaissance de ce mal-être que cinq ans plus tard, avait dès ce moment :
Mis en place un suivi de la salariée par le médecin du travail et la directrice des ressources humaines ;
Puis, mené une enquête interne afin d'évaluer les causes des difficultés évoquées par la salariée et de tenter d'y remédier. Il ressortait de cette enquête un mal-être des collègues de la salariée lié au comportement agressif de celle-ci qui était à l'origine d'une ambiance pesante au sein du service ;
Puis, maintenu au bénéfice de la salariée un dispositif spécifique d’accompagnement : à savoir un entretien hebdomadaire avec la direction des ressources humaines, un suivi régulier de l'évolution de sa situation et la mise à disposition d'un psychologue.
Les juges de la Cour de cassation ont rappelé qu’il résulte des dispositions des articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, et qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. L’employeur est considéré avoir respecté son obligation s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces deux articles.
Selon les juges, l’employeur avait en l’espèce pris toutes les mesures nécessaires pour analyser les causes des tensions internes et tenter de les résoudre dès le moment où les faits ont été portés à sa connaissance. Ils considèrent que ce dernier n’a alors pas manqué à son obligation de sécurité. Les demandes de la salariée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ont donc été rejetées.
Commentaire
Depuis « l’arrêt Air France » du 25 novembre 2015, l’obligation de sécurité de l’employeur s’analyse comme une obligation de moyens renforcée, c’est-à-dire que l'employeur est toujours présumé responsable dès lors qu'un accident ou une maladie professionnelle touche l'un de ses salariés, mais il peut désormais s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés. La condamnation de l'employeur n'est plus systématique.
Si la Cour a assoupli, sur le principe, la rigueur de l'obligation à la charge de l'employeur, il n'en demeure pas moins qu’elle se montre exigeante, comme l’illustre cet arrêt, dans l'admission de la preuve que l'employeur a bien pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir des faits de harcèlement moral, et a ainsi respecté son obligation de sécurité.