Renforcer les structures béton avec des textiles collés pour éviter la déconstruction
Le renforcement par matériaux composites trouve son origine dans le procédé Lhermitte qui consistait à coller des tôles d’acier sur les talons des nervures et des âmes des poutres. Ce procédé a connu un certain succès jusqu’à ce que l’on sache fabriquer des fibres de carbone encore plus résistantes que l’acier. Ces fibres une fois tissées ont permis de réaliser des textiles bien plus légers et faciles à mettre en œuvre par collage pour le renforcement des structures. Sources d'économies de ressources naturelles, en évitant la déconstruction des ouvrages, ces procédés nécessitent le respect de certaines précautions lors de leur mise en oeuvre.
Date de mise à jour : 9 juin 2022
Impact en prévention
Ce procédé présente plusieurs avantages en prévention des risques professionnels et en économie de ressources naturelles :
- Il permet de réutiliser des structures qui changent de destination plutôt que de les démolir pour les reconstruire ce qui est coûteux en ressources et également en risques pris :
- Il évite ainsi la mise en décharge des déblais, que génère la démolition. Et par conséquent, il réduit voire supprime la consommation d’aciers, de granulats, de ciment et de coffrages, liée à la reconstruction
- Si la démolition-reconstruction est trop coûteuse, on peut être tenté de mobiliser de nouveaux terrains pris sur les terres agricoles pour une construction neuve afin d’économiser les coûts de démolition/reconstruction en abandonnant les structures anciennes en friches industrielles
Ce procédé nécessite néanmoins du travail en hauteur, la préparation des supports béton, l’utilisation de produits qui peuvent provoquer des risques. Ces risques sont maitrisables moyennant les précautions décrites dans ce document.
Principe du renforcement de structure par composite
Le renfort du béton est obtenu par la constitution d’un composite constitué de l’association d’une colle résine époxy et du tissu de carbone (ou kevlar). C’est pourquoi certains documents parlent de renfort par composite. La fibre de renfort peut se présenter également sous forme de fils parallèles collés en usine de section rectangulaire (lames) ou circulaire (joncs). Les lames sont généralement collées sur les talons de poutres comme les textiles tandis que les joncs sont posés dans des saignées.
Objectifs des travaux de renfort et principe de calcul
Les objectifs recherchés par le renforcement sont généralement les suivants :
- Pouvoir accroitre les charges d’exploitation (prise en compte d’une changement d’usage de la structure)
- Réparer une structure endommagée ou présentant des défauts de calcul ou de réalisation.
- Permettre de renforcer l'ouvrage contre les risques de séisme (prise en compte des charges de séisme issues des nouveaux règlements)
Réalisation des calculs pour renforcer les ouvrages béton
Pour effectuer les calculs, on considère :
- Le rajout d’une section de matière résistante qui se mobilise lors des déformations de la structure provoquées par les nouvelles surcharges (lois de Navier et de Hooke).
- Une section de béton se calcule à la rupture en appliquant la règle des 3 pivots A, B et C qui correspondent à l’atteinte de la déformation limite du matériau (pivot A acier déformé à 10 ‰, pivot B béton déformé à 3,5 ‰ en flexion, pivot C béton déformé à 2 ‰ en compression).
- Pour les textiles collés, les recommandations de l’AFGC font intervenir le pivot D correspondant à la déformation limite du composite (valeur sur la fiche technique du procédé TFC Foreva de Freyssinet 15 ‰). Pour plus de détails, consulter le document AFGC cité plus loin.
D’autres supports peuvent être renforcés par des composites (Acier, Pierre, Bois) mais ces applications ne seront pas traitées dans ce document.
Le principe de réparation par matériaux composites
Les structures béton sont souvent confrontées au cours de leur durée de vie, au changement de leur usage. Ce changement peut occasionner un accroissement des charges d’exploitation qui nécessitent un renforcement.
Pour expliquer le principe, voici le cas d’une structure béton à renforcer en raison d’un accroissement de charges d’exploitation. Cette étude de cas permet d’aborder de façon concrète les différents types de renforcements par matériaux composites les plus courants.
Cette structure est constituée de poutres de 10 m de portée, de section 60 x 100 cm, supportant une dalle béton de 25 cm d’épaisseur et de 10 m de portée entre poutres. Les poutres sont-elles même supportées par des poteaux de 4 m de hauteur et de 60 x 60 cm de section.
Structure béton à l'origine
Projet de rajout de charges
De nouvelles charges dans le bâtiment nécessitent un renforcement
Le nouvel exploitant souhaite ajouter une machine très lourde sur une dalle 3,50 x 3,50 m destinée à répartir les charges et à amortir les vibrations. D’autre part, les conditions d’exploitation de l’étage supérieur nécessitent le rajout d’un poteau sur la dalle.
Il est évident que le ferraillage prévu lors de la conception de la structure ne prend pas en compte ces charges et il faut faire un nouveau calcul afin de prévoir, si besoin, un renforcement.
Renfort poteaux-poutre dalle
Comment renforcer la poutre, les poteaux et la dalle de béton
Tous calculs faits, la reprise de ces nouvelles charges nécessite :
- Le renforcement de la poutre à la flexion et à l’effort tranchant
- Le renforcement des poteaux pour augmenter l’effort de compression par confinement
- Le renforcement ponctuel de la dalle pour éviter le poinçonnement
Le projet de renforcement nécessite le rajout de matériaux composites en sous-face de la nervure et sur les âmes de la poutre ainsi que le confinement par matériaux composites des deux poteaux. Enfin, il faut réaliser un maillage en matériaux composites en sous-face de la dalle au droit du poteau.
Renfort de poutre
Coller les bandes de renfort en sous-face le long de la poutre
Deux bandes de renfort doivent être collées en sous-face tout le long de la poutre pour le renfort au moment de flexion. Au niveau de l’appui, cinq bandes en forme de U doivent être collées pour le renfort à l’effort tranchant. Des cornières assurent l’ancrage des bandes d’effort tranchant dans la dalle. Il est possible d’utiliser, à la place des cornières, des mèches collées et ancrées dans un trou foré dans la dalle.
Les poteaux sont renforcés par des bandes verticales collées tout le long des quatre faces. Ces bandes verticales sont complétées par des bandes transversales qui enserrent le poteau à espaces réguliers pour réaliser un confinement permettant d’augmenter l’effort de compression.
Au droit du poteau qui transmet des charges depuis le niveau supérieur, le renforcement par une grille de matériaux composites pallie le poinçonnement non prévu dans le ferraillage initial.
Renfort ponctuel de dalle
Les phases de réalisation des travaux lors du renforcement d'un pont par textiles collés
Sur ce chantier de renforcement d’un pont par textiles collés, le travail au niveau des appuis est réalisé à l’aide d’un échafaudage de pied, tandis dans les travées, on utilise une plateforme automotrice à ciseaux.
Travail en hauteur avec une plateforme élévatrice à ciseaux
La préparation du support à renforcer par textiles collés
Il faut préparer le support béton pour garantir l’adhérence du composite. Le décapage est réalisé à l’aide d’une ponceuse reliée à un aspirateur. On a effectué la captation à la source des poussières. L’opérateur est, de plus, équipé d’un masque antipoussières (généralement FFP2 ou FFP3).
Décapage de béton à l'aide d'une ponceuse reliée à un aspirateur.
Le but est de se protéger contre les poussières de silice émises lors du ponçage. Certaines structures sont protégées contre le feu par des flocages. Dans ce cas, il convient de demander aux maîtres d’ouvrage un diagnostic amiante afin de s’assurer que le flocage n’en contient pas. Si le flocage est amianté, l’enlèvement du revêtement ne peut être effectué que par une entreprise spécialement agréée pour ces travaux et disposant de personnel formé.
La préparation de la résine époxy
Sur ce chantier, la préparation de la résine est effectuée en mélangeant les deux composants (résine et durcisseur) à l’aide d’un outil malaxeur fixé sur une perforatrice électrique. L’opérateur est équipé d’un masque respiratoire complet avec visière protégeant le visage. Les cartouches filtrantes sont du modèle ABEK. Le masque respiratoire est complété par une combinaison jetable et des gants de protection.
Préparation de la résine époxy par le salarié équipé d'un masque respiratoire.
Le collage des bandes textiles en sous face de la nervure et leur enrobage de colle
On remarque ici le travail à la PEMP automotrice à ciseaux, le port des combinaisons, des gants, des casques à visière.
Collage des bandes sous talon-poutre
Le traçage des bandes textiles sur les âmes de poutres
L’implantation des textiles sur les âmes résulte d’un calcul et on doit les placer soigneusement aux emplacement prévus. Pour cela, un traçage préalable s’impose.
Traçage pour le renfort des âmes.
Le collage des bandes textiles sur les âmes (renfort à l’effort tranchant)
Ce travail s'effectue suivant le même principe que le collage en sous-face de nervure, toutefois, les bandes sont verticales.
Collage renforts âme.
Analyse du risque et plan particulier de sécurité et de protection de la santé
Il est fortement recommandé d'analyser le risque traitant du travail en hauteur et de la préparation des surfaces béton proposée dans le document de l'AFGC « Réparation et renforcement de structures au moyen de matériaux composites : recommandations provisoires. Février 2011 », pages 109 et 110.
Voici une synthèse traitant des risques spécifiques à ces techniques.
Préparation des supports béton
Moyens utilisés pour la purge du béton dégradé :
- Marteau et burin
- Marteau piqueur
- Nettoyeur haute pression
- Ponceuse portative électrique ou pneumatique
Moyens de prévention pour le bruit
Pour le bruit, il faut privilégier le matériel le moins bruyant (voir l’étiquetage en LWA). Le dB (A) est l'unité de mesure de niveau sonore acoustique. Le LWA est la même mesure, mais pondérée à 4 m. On admet la correspondance approximative suivante : LWA = dBA+20 Exemple : 80 LWA = 60 dB(A) à 4 mètres. Pensez également à :
- Eloigner les sources sonores de l’opérateur
- Diminuer le temps d’exposition
- Se protéger individuellement (bouchons, casques antibruit)
Moyens de prévention pour les projections
- Ne pas démonter les capots des machines destinés à arrêter les projections
- Protéger en priorité les yeux : lunettes, visières
- Eloigner le personnel non nécessaire aux travaux
Moyens de prévention contre les poussières
- Connaitre le caractère pathogène des poussières : généralement le ponçage du béton génère des poussières contenant de la silice libre. Il faut également se méfier des flocages qui contiennent de l’amiante et demander un diagnostic amiante au maître d’ouvrage. Dans le cas où le revêtement contient de l’amiante, l’enlèvement du revêtement ne peut être effectué que par une entreprise spécialement agréé.
- Capter les poussières à la source sur les ponceuses en le reliant à un aspirateur
- Faire du décapage à l’humide par exemple par jet haute pression.
- Se protéger par un masque anti-poussière adapté au niveau d’empoussièrement que l’on génère.
Utilisation de produits chimiques
Il est préférable d'évaluer le risque chimique pour mieux l'appréhender.
Préparation de la colle
- Nature des colles utilisées : consulter pour cela la fiche de données de sécurité qui doit être fournie par le fabricant du produit. Elle donne les précautions d’emploi et les protections à utiliser.
- Dans la plupart des cas, il s’agit de colle époxy à deux composants : une résine et un durcisseur. Pour préparer la colle, il faut mélanger la résine et le durcisseur afin de déclencher la réaction de polymérisation. Cette réaction émet des polluants atmosphériques dont il faut se protéger généralement par un masque équipé de cartouches filtrantes ABEK (à vérifier sur la fiche de données de sécurité).
- En plus de la protection respiratoire, il faut être équipé de combinaison et gants lors de l’utilisation des colles à base de résines époxy
- Le tableau 51 reconnait comme maladie professionnelle les dermites eczématiformes consécutives à l’exposition aux résines époxy.
Collage des bandes textiles
- La résine époxy étant très agressive pour la peau (l’enlèvement nécessiterait d’arracher la peau) Il convient de la protéger :
- Pour le visage : une visière complétée par des lunettes (double protection pour les yeux)
- Pour les mains : des gants
- Pour le corps : une combinaison complète jetable.
Les documents de référence incontournables
. STRRES (Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de Travaux de Réparation et de Renforcement de Structures) http://www.strres.org/
- Guide Fabem 7 Réparation et renforcement de structures par armatures passives additionnelle. Page 160, paragraphe 5 : ajout d’armatures passives à la surface du béton.
. Association Française de génie civil : https://www.afgc.asso.fr/ :
- Réparation et renforcement de structures au moyen de matériaux composites : recommandations provisoires. Février 2011.
Outre les essais et les modalités de calcul, le document propose en annexe des fiches techniques avec les procédé suivants :
- Freyssinet Foreva TFC (tissu)
- Freyssinet Foreva LFC (lamelles pultrudées)
- Vinci Rocc+ (tissu)
- Sika Wrap (tissu)
- Sika Carbodur (lamelles pultrudées)
- SPPM Compodex C12 (lamelles pultrudées)
- SPPM Compodex VE/Bi (tissu)
- VSL V2C N°1 (lamelles pultrudées)
- VSL V2C N°2 (tissu)
- Renforcement parasismiques de structures en béton armé par matériaux composites : recommandations provisoires juin 2015
. CSTB (Centre Scientifique et technique du bâtiment) : http://www.cstb.fr/
- Avis techniques pour les procédés qui en ont fait la demande. https://evaluation.cstb.fr/
. Le site de l’OPPBTP Prévention BTP : https://www.preventionbtp.fr/
On pourra trouver des informations sur les thèmes :
- Travail en hauteur
- Bruit, Vibrations
- Poussières (silice, amiante, etc.),
- Risque chimique
Les risques Travail en hauteur et maladie professionnelle risque époxy
Les échafaudages
Article R 4323-72 (solidité et bon état de conservation d’un échafaudage)
R 4323-73 (stabilité de l’échafaudage)
R 4323-74 (effets du vent, résistance des appuis)
R 4323-75 (déplacement, basculement d’un échafaudage roulant)
R 4323-76 (charge admissible d’un échafaudage)
R4323-77 (protection collective sur échafaudage)
R4323-78 (planchers d’échafaudages)
R 4323-79 (échafaudages, moyens d’accès)
R 4323-69 (montage, démontage et transformation des échafaudages formation)
R 4323-70 (plan de montage, notice du fabricant, note de calcul)
R 4323-71 (protection intégrée dès le montage)
Les appareils pour le levage des personnes
R4323-31 Levage des personnes avec des appareils spécifiques
Arrêté du 1 mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage
Arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes
En savoir plus : Réglementation Code du Travail
Tableau de maladies professionnelles résines époxy N°51
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006746364