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Focus prévention

© Luc Maréchaux

Les obligations du travailleur en matière de santé-sécurité au travail

La prévention des risques professionnels concerne tous les acteurs de l’entreprise. Chaque salarié doit respecter certaines obligations en matière de santé et de sécurité au travail, des obligations détaillées dans ce dossier. En cas de manquement, la responsabilité du salarié peut être engagée. Toutefois, cette mise en cause est encadrée et reste conditionnée au respect par l’employeur des obligations qui lui reviennent.

Mis à jour le 23/07/2025

Le dispositif REP Bâtiment

Prendre soin de sa santé et de sa sécurité

Le Code du travail prévoit que les travailleurs doivent, en fonction de la formation qu’ils ont reçue et de leurs possibilités, prendre soin de leur santé, veiller à leur sécurité et à celles de leurs collègues sur le lieu de travail (article L4122-1 du Code du travail). Ils doivent également veiller à ne pas dégrader le matériel et les équipements de travail fournis. C’est ce que l’on appelle l’obligation de sécurité du travailleur.

Sont concernés par cette obligation les salariés (CDI, CDD et intérimaires), les stagiaires, ainsi que toute personne placée à quel que titre que ce soit sous l'autorité de l'employeur (article L4111-5 du Code du travail).

L’obligation de sécurité des travailleurs s’analyse comme une obligation de moyens. Cela signifie qu’un manquement (cela peut être un acte ou une omission) d’un travailleur à son obligation de sécurité sera analysé par les juges au regard des moyens dont il disposait  : la connaissance du danger, son niveau de formation, les instructions préalables qu’il a reçues par l’employeur, les moyens mis à sa disposition etc.

Cette obligation, à la charge du salarié, est sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur qui doit lui aussi veiller à la santé et à la sécurité du salarié. Cela signifie qu’en cas d’accident mettant en cause la responsabilité d’un salarié, l’employeur ne pourra pas s’exonérer de sa propre responsabilité en soulignant le manquement du salarié à son obligation de sécurité s’il a lui aussi commis un manquement à son obligation de sécurité.

De même, en cas de litige, le fait qu’un salarié ait commis une faute d’imprudence ne dispense pas les juges de vérifier si l’employeur a bien pris, de son côté, toutes les mesures de prévention nécessaires pour déterminer si celui-ci a respecté son obligation de sécurité (Soc, Soc, 15 novembre 2023 – n°22-17.733).

Respecter les instructions de l’employeur

L’obligation de sécurité des travailleurs implique pour ces derniers de devoir respecter les consignes et instructions données par l’employeur (article L4122-1 du Code du travail), en particulier, lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Les consignes et instructions données par l’employeur doivent être adaptées à la nature des tâches à accomplir.​​

Et en pratique, un travailleur ne pourra donc pas se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité si l’employeur ne lui a pas préalablement délivré les instructions et consignes nécessaires en matière de sécurité.

Signaler et se retirer de toute situation dangereuse

Tout travailleur a l’obligation d’alerter l’employeur de toute situation dont il pourrait penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constaterait dans les systèmes de protection (article L4131-1 du Code du travail).

Le droit d’alerte a pour objectif de faire remonter rapidement à l’employeur une telle situation afin que ce dernier prenne des mesures correctives. Si ce dernier n’agit pas, alors qu’un salarié l’a averti d’un risque important concernant sa situation eu égard au poste qu’il occupe, et qu’un accident du travail se produit, la faute inexcusable de l’employeur pourra être reconnue de plein droit (Cass, Civ. 2ème, 16 novembre 2023, n°22.10357).

Par ailleurs, face à une situation de danger grave et imminent, le salarié peut exercer son droit de retrait, c’est-à-dire d'arrêter son travail sans l'accord de son employeur et, si nécessaire, de quitter son lieu de travail pour se mettre en sécurité. Il revient au salarié d’apprécier au regard de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience si la situation présente bien pour lui un danger « grave » et « imminent » pour sa vie ou sa santé.

La jurisprudence considère qu’un salarié a valablement exercé son droit de retrait dès lors qu’il avait, au moment de son retrait, un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, indépendamment de l’existence effective d’un tel danger.

Exemples où l’exercice du droit de retrait a été reconnu comme justifié :

Le salarié ayant exercé son droit de retrait n’est pas tenu de reprendre son activité tant que la situation de danger persiste.​​ L’exercice du droit de retrait ne doit pas avoir pour effet de créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

Enfin, l’employeur ne peut prendre aucune sanction disciplinaire, ni procéder à aucune retenue de salaire à l'encontre du travailleur ou du groupe de travailleurs qui a exercé son droit de retrait de manière légitime​ (article L4131-3 du Code du travail).

Les sanctions possibles en cas de manquement

Sanctions disciplinaires de l’employeur

 

Le manquement d’un travailleur à son obligation de sécurité (ex : non-respect des consignes de sécurité, et ce, même en l’absence d’accident) constitue un manquement à ses obligations contractuelles en matière de santé et de sécurité au travail. Ce manquement peut alors conduire l’employeur à prendre des mesures disciplinaires contre lui pouvant aller jusqu’au licenciement.

D’une manière générale, le licenciement d’un salarié pour manquement à son obligation de sécurité pourra être justifié dès lors que ce manquement est établi et qu’il est d’une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail. Il reviendra en tout état de cause à l’employeur d’apprécier la proportionnalité de la faute au regard de la gravité du manquement commis.

Attention : Le non-respect de l’obligation de sécurité du travailleur pourra justifier une sanction disciplinaire de l’employeur à condition que le salarié ait au préalable été informé des règles applicables et ait reçu la formation adéquate par l’employeur.

Exemples où le manquement à l’obligation de sécurité du salarié a été reconnu :

  • Un salarié cariste a été licencié pour faute grave après avoir continué de travailler après avoir renversé un chargement de palettes, tout en sachant, qu'il n'était pas en état de poursuivre son activité du fait de son traitement médical, et qu'il faisait ainsi courir des risques à ses collègues (Cass., Soc., 12 octobre 2017, n°16-18.836)​ ;

  • Un salarié a été licencié pour faute grave après avoir donné un ordre qui a mis en danger la sécurité des employés lors du démontage de racks sans matériel de sécurité approprié (Cass., Soc., 7 octobre 2015, n°14-12.403) ;

  • Un salarié a été licencié pour faute grave en raison de son comportement inapproprié et agressif envers ses collaborateurs, ce qui a conduit à des départs au sein de l'équipe (Cass., Soc., 26 février 2025, n°22-23.703).

 

Responsabilité civile et pénale du travailleur

  • Responsabilité civile

En cas d’accident du travail, la responsabilité du salarié pour faute inexcusable peut être engagée. Pour que la faute inexcusable du salarié puisse être reconnue, celui-ci devra avoir commis une faute intentionnelle, et une « faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (Cass., Civ. 2ème, 24 septembre 2020, n°18-26.155).

La faute inexcusable du salarié, à la différence de celle de l’employeur, conserve un caractère exceptionnel et ne pourra en pratique être retenue que dans des circonstances particulièrement graves. Même en cas d’imprudences graves, d’actes de désobéissance à un ordre formel, ou encore en cas d’état d'ivresse d’un salarié, la faute intentionnelle est rarement retenue par les juges. Par exemple, le fait pour un salarié de rouler à 100 km/h sur une route mouillée, sans ceinture de sécurité, n’a pas été considéré comme une faute inexcusable (Cass. Civ. 2ème., 16 oct. 2008, n° 07-16.053).

Si sa faute inexcusable est reconnue, cela aura pour effet de réduire la rente due au titre de l’indemnisation complémentaire pour la victime. Elle se distingue de la faute intentionnelle, qui prive la victime de toute prestation.

En pratique, sa reconnaissance relèvera de l’appréciation des juges, qui détermineront la responsabilité du salarié au regard des circonstances de l’accident, des avertissements reçus et de la conscience du danger par le salarié.

 

  • Responsabilité pénale

En cas d’accident du travail et en cas d'infraction à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité du travail commise par un salarié, sa responsabilité pénale peut être engagée sur le fondement du Code pénal pour atteinte involontaire à la vie de la personne, aussi dit homicide involontaire (en cas de mort d’un salarié) ou pour atteinte involontaire à l’intégrité de la personne, aussi dit « blessures involontaires ». Sa responsabilité peut en effet être engagée dès lors qu’il aura été prouvé que ce dernier a personnellement contribué à la survenance de l’accident.

Exemple  : Un travailleur a eu un pied écrasé par la chute d’une poutre, accrochée à une élingue qui s’est rompue du fait de son état de vétusté et du mode opératoire inapproprié mis en place. Il a été retenu coupable d'infraction à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité du travail et a été condamné à deux amendes de 1 500 euros (Cass., Crim., 11 juillet 2017, n°16-85613)​.

Les travailleurs ont donc un rôle essentiel à jouer en matière de santé et de sécurité au travail. Leur obligation ne se limite pas à leur propre protection, mais s'étend à celle de leurs collègues sur leur lieu de travail. En cas de manquement, le salarié peut faire l’objet de sanctions disciplinaires, voire, dans les cas les plus graves, de poursuites civiles ou pénales. Toutefois, cette obligation ne saurait exonérer l’employeur de ses propres responsabilités. Il est donc fondamental que chaque acteur, à son niveau, participe activement à la prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise.