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L’hygiène, un levier oublié de la prévention sur les chantiers ?

L’hygiène n’est toujours pas un acquis sur les chantiers. Un facteur pourtant essentiel pour la santé des compagnons et la performance des entreprises.

Dernière mise à jour le : 25/09/2025

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Goulven Connan

L’hygiène, un levier oublié de la prévention sur les chantiers ?

En résumé :

  • L’hygiène sur les chantiers reste négligée, impactant les conditions de travail.
  • Un changement culturel et davantage de contrôles doivent être mis en place.

Dossier paru dans PréventionBTP n°298-Septembre 2025-p. 6

Bases vie non entretenues, salles de pause oubliées, toilettes ou douches absentes : sur de nombreux chantiers, les conditions d’hygiène laissent encore à désirer. Une situation qui ne relève pas seulement du confort, mais bien de la santé publique et de la prévention des risques professionnels. Selon le dictionnaire Le Robert, l’hygiène est « l’ensemble des principes et des pratiques tendant à préserver, à améliorer la santé. » Et, comme le rappelle la pyramide de Maslow(1), les besoins physiologiques – boire, manger, se laver, éliminer – sont les fondations de toute activité humaine. En leur absence, difficile de garantir la concentration, la vigilance ou la motivation des travailleurs. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude de la Cnam réalisée en 2022, 70 % des chantiers de maison individuelle n’offrent pas de toilettes et 25 % ne disposent pas de l’eau courante. « Sur le pavillon, la situation est très compliquée, confirme Frédéric Mau, secrétaire fédéral CGT à la fédération de la construction du bois et de l’ameublement et président de l'OPPBTP. Les champs de maïs et les tas de gravier ont encore de belles heures devant eux. » Si l’on regarde l’ensemble des chantiers, un sur deux n’est pas équipé de douche, même lorsqu’il y a exposition à des substances polluantes. « Il y a une grande disparité en fonction de la durée du chantier, complète Fabien Fourcade, président de la commission prévention à la FFB. Plus les chantiers sont longs, plus il est facile pour les entreprises de mettre en place des solutions d’hygiène. » Globalement, les chantiers menés par de grandes entreprises sont bien mieux lotis en équipements. Mais l’entretien des sanitaires et des bases vie laisse souvent à désirer. Un fait confirmé par l’étude de la Cnam, qui souligne qu’un quart des bases vie ne sont pas correctement entretenues.

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Sur les chantiers, une hygiène insuffisante a, notamment, pour conséquences une augmentation des arrêts de travail, un mal-être, une baisse de la qualité d'exécution…

Pourquoi de telles lacunes?

La question budgétaire est souvent évoquée, mais elle n’est pas seule en cause. Manque de sensibilisation des employeurs, faible perception de l’impact sanitaire, contraintes logistiques… Autant de freins qui perdurent, malgré les obligations prévues par le Code du travail. Celui-ci impose pourtant aux employeurs, depuis le décret du 8 janvier 1965, de fournir des installations sanitaires adaptées : vestiaires, lavabos, réfectoires, cabinets d’aisances, en nombre suffisant, propres, aérés, éclairés et chauffés en hiver. En cas de non-respect, des sanctions financières (jusqu’à 4 000 euros par salarié du chantier) peuvent être appliquées. « Le problème c’est qu’il y a très peu de contrôles, relève Frédéric Mau. Et l’on sait bien que sans contrôle(2), la loi n’est pas ou peu respectée. » Mais au-delà de la conformité réglementaire, c’est bien d’un changement culturel dont le secteur a besoin. Car une hygiène insuffisante sur le chantier n’est pas sans conséquence : augmentation des arrêts de travail, démotivation, baisse de la qualité d’exécution… Le coût de l’inaction finit bien souvent par dépasser celui de la mise en conformité. « La situation évolue positivement mais cela reste insuffisant, au regard notamment de la féminisation du métier et de l’image de la profession. Les organisations professionnelles sont là pour sensibiliser, rappeler les obligations et encourager les bonnes pratiques pour que les entreprises disposent de toutes les clés pour respecter la réglementation et bien l’appliquer », précise Fabien Fourcade. Pour Frédéric Mau, « la France est à la traîne par rapport aux pays scandinaves, à l’Allemagne ou à l’Angleterre, qui sont beaucoup plus structurés. En France, les marchés sont globalement attribués aux moins-disants et les premiers éléments sur lesquels on rogne sont la prévention et les conditions de travail. Ces questions ne sont pas encore ancrées dans les mentalités, y compris au niveau politique. »

Des initiatives en cours

En 2023, l’OPPBTP a lancé une campagne nationale de sensibilisation en partenariat avec plusieurs institutions, dont la Direction générale du travail et la Cnam. Cette opération visait à faire un état des lieux des pratiques et à promouvoir des standards minimaux d’hygiène. Résultat encourageant : 83 % des entreprises interrogées se disent prêtes à progresser sur le sujet. Reste maintenant à transformer l’essai pour placer l’hygiène au centre des préoccupations. En garantissant à leurs équipes des conditions de travail dignes, les employeurs renforcent la prévention des risques, fidélisent leurs salariés, valorisent leur image et disposent d’un véritable levier de performance. Autant de raisons d’agir, sans attendre.


(1)La pyramide de Maslow est une classification hiérarchique des cinq besoins humains: physiologiques, de sécurité, d'appartenance, d'estime, d'accomplissement. Les besoins situés en bas de la pyramide doivent être satisfaits pour que ceux qui sont au-dessus puissent l’être également.
(2)En 2024, 850 contrôles sur chantier liés aux installations d'hygiènes ont été réalisés.

70 %

70 % des chantiers de maison individuelle n’ont pas de toilettes.

83 % des entreprises du secteur se disent prêtes à progresser.

Cnam-OPPBTP 2022

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