Sécurité des intérimaires : former et coordonner
L’urgence invite à l’action pour enrayer la sinistralité des intérimaires du BTP. Voici des pistes d’amélioration pour aligner les parties prenantes dans cette démarche collective.
Dernière mise à jour le : 25/07/2025
Armelle Gegaden

En résumé :
- Entreprises de travail temporaire et entreprises utilisatrices vont partager les coûts des AT-MP.
L’alignement des pratiques de prévention entre ces intervenants est nécessaire.
Dossier paru dans PréventionBTP n°297-Juillet-Août 2025-p. 6
Les agences de travail temporaire, les entreprises utilisatrices et les intérimaires forment le fameux « triangle de l’intérim ». Un navire sur lequel ils sont tous embarqués face au défi de l’accidentologie. Les salariés intérimaires travaillant dans le BTP, et moins qualifiés, sont 1,9 fois plus touchés par des accidents mortels que les salariés permanents. En 2021, tous secteurs confondus en France, la construction cumule 45,5 % des accidents graves de salariés intérimaires (avec incapacité permanente partielle supérieure ou égale à 10 %)*.
Enjeu humain évident, la sinistralité est aussi un sujet économique pour toutes les parties prenantes. Le décret du 5 juillet 2024, relatif à l'imputation du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés des entreprises de travail temporaire, instaure un partage à 50/50 des coûts des AT-MP, avec une pleine effectivité à l’horizon 2028. Jusqu’à présent, les agences de travail temporaire en avaient la charge principale, en tant qu’employeurs. Cette mauvaise nouvelle financière pour les entreprises utilisatrices invite tout le triangle de l’intérim à se coordonner pour lutter contre la sinistralité.
Intérimaires : une formation aux prérequis fondamentaux
Quelles sont les pistes d’amélioration ? La première piste est que les sociétés d'intérim se renseignent sur les activités de leur client, visitent les lieux de travail et se forment aux métiers du BTP et aux risques associés. Puis, la formation et la sensibilisation des intérimaires selon leurs profils. Le premier tiers des intérimaires est constitué d’experts très qualifiés, qui font de grands déplacements en France et sont en position de sélectionner leurs missions et leurs conditions de travail. Les deux autres tiers sont composés d’intérimaires en transition professionnelle, voire d’intérimaires éloignés de l’emploi et en difficulté sociale. Pour eux, l’enjeu est de mieux connaître le BTP et de parler librement des problèmes de sécurité repérés sur le terrain. « S'ils ne sont pas formés, s’ils n'ont pas la bonne habilitation ou le bon équipement, ils ont le droit de dire non. Ils doivent se sentir en confiance pour le faire », affirme Stéphane Cuny responsable de la prévention sécurité du groupe Adecco. Le Pasi (Passeport sécurité intérim), instauré par EGF BTP, syndicat national des entreprises générales de France, va dans ce sens, en proposant une formation de deux jours. Une première marche qui les sensibilise et les forme aux prérequis fondamentaux de la sécurité sur les chantiers et semble déjà porter ses fruits.

Sur le terrain, la sécurité des intérimaires passe par l'engagement des entreprises utilisatrices en matière de prévention santé sécurité, du patron au chef d’équipe.
Entreprises : apprendre à recourir à l’intérim
L’engagement des entreprises utilisatrices en matière de prévention santé sécurité est également primordial, à tous les niveaux, du patron au chef d’équipe, pour sécuriser les intérimaires sur le terrain. La difficulté ? Même si l'entreprise utilisatrice n'est pas l'employeur sur lequel repose d'abord l'obligation de prévention, son implication est fondamentale, car c'est elle qui connaît ses chantiers et les tâches qui vont être confiées à la personne mise à disposition. « Nous veillons à confier aux intérimaires des tâches variées et polyvalentes et nous ne les laissons pas seuls sur les chantiers », note Alexandre Chauveau, responsable prévention de la SNIE, une ETI spécialisée dans les courants forts et faibles, mature en matière de prévention santé sécurité. Par ailleurs, avoir recours à l’intérim suppose des compétences pour réaliser l’inventaire des postes à risques, définir la mission, sélectionner une agence, accueillir et intégrer l’intérimaire… Les plus à risque sont les entreprises ayant ponctuellement besoin d’intérim, mais qui n’en ont pas l’habitude. Attention enfin à la carotte du CDI, à double tranchant. « Valoriser le sur-engagement de l’intérimaire n’incite pas à la prudence », prévient Benoît Langard, ergonome à la direction technique de l’OPPBTP et co-auteur d’une étude-action sur l’intérim avec l’Anact qui dresse onze pistes de solutions opérationnelles.
Agences d’intérim : se former aux risques du BTP
Du côté des agences d’emploi temporaire, c’est le manque de maîtrise du vocabulaire technique et la compréhension des métiers du BTP et les risques professionnels liés qui font parfois défaut. Cela peut déboucher sur une inadéquation entre le besoin de l’entreprise et les profils proposés. « Quelqu'un qui connaît le travail en hauteur saura décoder les attendus de l’entreprise, tandis qu’une autre personne en aura une perception éloignée », prévient Jean-Michel Schweitzer, préventeur consultant pour le Fastt qui pilote les régimes de prévoyance et de complémentaire santé obligatoire des intérimaires. Enfin, c’est aussi la relation commerciale qui peut parfois entraver la priorité donnée à la sécurité. Un chef de chantier pressé par les délais menace d’aller voir une autre agence de travail temporaire. Les conditions de sécurité ne sont pas réunies, mais c’est un bon client… Là aussi, la sécurité passe par la formation des permanents des agences d’intérim, une culture sécurité partagée et un discours clair impulsé au plus haut niveau.
*Source Cnam
Au sommaire de ce dossier
Sécurité des intérimaires : former et coordonner
1,3
Les salariés intérimaires du BTP subissent 1,3 fois plus d’accidents graves (IPP supérieure ou égale à 10 %) que les autres.
Source : étude-action pour améliorer les conditions de travail et de santé-Anact et OPPBTP.