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La démarche de substitution des produits chimiques dangereux
La substitution des produits chimiques est une démarche essentielle pour réduire les risques liés à l'utilisation et à l’exposition aux substances chimiques dangereuses. Cette approche consiste à remplacer un produit chimique dangereux par une alternative plus sûre et moins nocive. La substitution figure parmi les moyens de prévention du risque chimique les plus efficaces. En effet, lorsque la suppression du risque d’exposition est impossible, ce dernier est réduit au minimum par la substitution d'un agent chimique dangereux par un autre agent chimique ou par un procédé non dangereux ou moins dangereux conformément à l’article R4412-15 du Code du travail.
Mis à jour le 11/06/2025

Les produits chimiques à substituer
La recherche de substitution est une obligation de l’employeur qui prévaut sur toutes les autres mesures de réduction du risque, lorsque celui-ci n’a pu être supprimé. La réglementation impose de substituer d'une part les agents chimiques dangereux cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), d'autre part les agents chimiques dangereux (ACD).
1. Les agents chimiques dangereux cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR)
- Cancérogène : substances et mélanges qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent provoquer un cancer ou en augmenter la fréquence.
- Mutagène : substances et mélanges qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire des défauts génétiques héréditaires ou en augmenter la fréquence.
- Toxique pour la reproduction : substances et mélanges qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d'effets nocifs non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives.
Les catégories d’agents chimiques CMR sont de :
- catégorie 1A ; il s’agit d’agents CMR aux effets avérés pour l’homme ;
- catégorie 1B ; il s’agit d’agents CMR aux effets supposés pour l’homme ;
- catégorie 2 ; il s’agit d’agents CMR aux effets suspectés pour l’homme et dont les données disponibles sont insuffisantes pour les classer dans la catégorie 1A ou 1B.
Les mentions de dangers H correspondant aux agents chimiques CMR sont les suivantes :

Mentions de danger correspondant aux agents chimiques CMR
Certains produits chimiques peuvent ne pas être étiquetés CMR. En effet, il peut y avoir des situations où les substances CMR présentes dans les produits chimiques (ou mélanges) ne sont pas en concentrations suffisantes pour classer le produit (mélange) CMR. Il faudra donc analyser la rubrique 3 « Composition » de la fiche de données sécurité (FDS) afin d’identifier si le produit contient une (des) substance(s) CMR pouvant être en dessous des seuils réglementaires d’étiquetage.
Les seuils de classification des produits chimiques (mélanges) CMR sont présentés dans le tableau ci-dessous :

Seuils de classification des substances CMR
La substitution doit être recherchée systématiquement pour les agents CMR de catégorie 1A/1B en milieu professionnel, sauf en cas d’impossibilité technique dûment motivée par l’employeur. Lors d’un contrôle, l’employeur doit pouvoir justifier des démarches fructueuses ou infructueuses de substitution de tous les agents chimiques CMR de catégories 1A/1B inventoriés sur le lieu de travail (article R.4412-66 du Code du travail)
2. Les agents chimiques dangereux (ACD)
Selon l’article R.4412-3 du Code du travail, est considéré comme agent chimique dangereux (ACD) :
- tout agent chimique qui satisfait aux critères de classification européenne des substances dangereuses et des préparations dangereuses (présence de mentions de danger et de pictogrammes de danger sur l’étiquette ou la fiche de donnée de sécurité) ;
- tout agent chimique qui, bien que ne satisfaisant pas aux critères de classification européenne, peut présenter un risque pour la sécurité et la santé des travailleurs, en raison de ses propriétés physico-chimiques, chimiques ou toxicologiques et/ou en raison de la manière dont il est utilisé ou présent sur le lieu de travail, y compris tout agent chimique pour lequel il existe une valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP).
Pour les ACD, la substitution est une des mesures de prévention dont dispose l’employeur et devant être utilisée en priorité en cas de risque non faible. L’application du principe de substitution est moins stricte pour les ACD que pour les agents CMR de catégorie 1A/1B puisqu’elle offre la possibilité à l’employeur de justifier le choix d’autres mesures de gestion des risques qu’il estime au moins équivalentes à la substitution en fonction de la nature de l’activité et de l’évaluation des risques (équipement de protection collective sinon individuelle).
La substitution d’un ACD par un agent chimique moins dangereux soulève implicitement la question du déplacement éventuel des risques : par exemple, remplacer un risque pour la santé par un risque pour la sécurité. Il appartient à l’employeur de juger du risque qu’il maîtrise le mieux et donc de faire son choix. La substitution doit faire l’objet d’une véritable étude et d'une évaluation des risques (article R.4412-15 du Code du travail).
Comment procéder à la substitution d’un produit chimique dangereux ?
La substitution d’un produit chimique dangereux ne consiste pas seulement à remplacer un produit par un autre. Plusieurs tests de solutions alternatives seront peut-être nécessaires avant de sélectionner la meilleure. Lors de l'évaluation, il est important de tenir compte du danger mais également de l'exposition au produit chimique, des différents procédés techniques et modes de conception du produit, des performances techniques et des aspects économiques. Quelles sont les étapes de substitution d’un produit chimique dangereux ?
1. Repérer au préalable les produits chimiques dangereux nécessitant une substitution (CMR en priorité)
Il s’agit de recenser les produits chimiques utilisés et d’évaluer leurs dangers :
- Réaliser l’inventaire des produits chimiques utilisés. Pour cela, lister tous les produits chimiques utilisés dans l’entreprise (opérations de maintenance, de nettoyage…).
- Faire une liste des produits à substituer en priorité, notamment les produits classés CMR 1A/1B ou contenant une substance classée CMR 1A/1B. Pour cela, il est important d'avoir en sa possession les fiches de données de sécurité (FDS) et l’étiquette à jour des produits chimiques mis en œuvre. En cas de doute, consulter votre service de prévention et santé au travail (SPST). Vous pouvez également utiliser l’outil inventaire de l'OPPBTP pour obtenir cette information.
2. Rechercher des alternatives
Une fois que la liste des produits chimiques à substituer en priorité est établie, un plan d’action doit être mis en place pour évaluer les solutions de remplacement. Effectuer des recherches bibliographiques, consulter les SPST et informer le fournisseur du produit chimique à substituer afin qu’il puisse vous proposer des alternatives moins dangereuses.
Pour ce faire, voici quelques questions à se poser pour évaluer les solutions de remplacement :
- La phase de travail utilisant ce produit est-elle nécessaire ?
- Le produit de remplacement présente-t-il un risque ? Répond-il aux exigences techniques ? Est-il efficace ?
- Quel serait l’état idéal du produit (solide, liquide, aérosol…) ?
- Le produit est-il compatible avec d’autres produits chimiques (mélanges) et les matériaux utilisés sur le poste de travail ?
- Quels sont les critères de sélection et les contraintes à éviter ?
- Quel sera le coût ?
- Nature du décapant souhaitable : végétale, aqueuse
- Type de chantier : intérieur, extérieur
- Nature du matériau à décaper : peinture organique, revêtement ciment, ragréage, enduit…
- Épaisseur et nombre de couches à décaper
- Nature du support : béton, plâtre, bois, métal…
3. Évaluer les alternatives
Les solutions de remplacement (alternatives) doivent être analysées pour leurs performances, leurs impacts sur la santé et l’environnement et leurs faisabilités économiques :
- Évaluer les dangers et les risques en portant un regard approfondi sur la FDS et l’étiquette du produit, ainsi que sur les substances contenues dans le produit ; vérifier si elles ne sont pas dans la liste des substances nécessitant un examen approfondi sur l’ECHA (agence européenne des produits chimiques).
- Évaluer le risque et l’exposition des salariés.
- Évaluer les performances, l’efficacité du produit de remplacement.
- Évaluer la faisabilité économique.
- Évaluer d’autres impacts, par exemple les impacts environnementaux…
4. Tester la solution de remplacement, former et informer les équipes
Une fois l’alternative choisie, il est crucial de tester son efficacité et de former les travailleurs à son utilisation pour assurer une transition réussie :
- Des essais sont nécessaires sur la base des évaluations précédentes, afin de tester le produit et adopter ensuite la solution de remplacement.
- Commencer à appliquer la solution de remplacement une fois l’essai achevé.
- Former les travailleurs à l’utilisation du produit de remplacement.
- Mettre à jour les consignes de prévention (notice de poste).
- Recueillir les avis des parties prenantes ayant utilisé le produit et effectuer des améliorations si nécessaires.
Pour garantir une gestion durable des produits chimiques, il est important d’instaurer un système efficace au sein de votre entreprise. Cela vous aidera à suivre leur utilisation en permanence et à envisager des alternatives plus sûres si nécessaire.
Quelques exemples de produits de substitution dans le BTP
Retrouvez ci-dessous plusieurs solutions de substitution des produits chimiques dangereux adoptées par les entreprises ; elles présentent la nature du produit, son substitut, sa fiche technique, sa FDS ainsi que le témoignage de l’entreprise :
- Décapants de peintures : Le décapant NR.1 permet d'éliminer efficacement et rapidement les traces de peinture et de colle. Il ne contient pas de chlorure de méthylène, nocif pour l'homme, présent dans la plupart des décapants du marché.
- Débituminants : Une entreprise spécialisée dans la construction routière (terrassements, canapés de chaussées, revêtements bitumineux) utilise une huile végétale pour laver ses outils recouverts de bitume. L’opérateur n’est plus en contact avec le toluène, un produit CMR (cancérogène, mutagène ou reprotoxique), et l’opération est respectueuse de l’environnement.
- Peintures acryliques : Pour ses chantiers extérieurs, une entreprise de peinture a choisi d’utiliser des peintures minérales en remplacement des peintures acryliques. Celles-ci s’avèrent moins nocives pour les opérateurs chargés de leur application.
- Peinture aux algues : Les peintures incluent généralement des composants issus de la pétrochimie, exposant les salariés et utilisateurs à différents produits dangereux pour la santé. Une entreprise décide d'utiliser des peintures à base d'algues, qui permettent aux peintres d'être beaucoup moins exposés aux produits chimiques, tout en conservant les mêmes techniques d'application et un rendu de qualité.
- Colle à brique prête à l’emploi : Cette colle est un liant polymère hybride pour l'assemblage des briques en maison individuelle. Elle s’utilise avec un pistolet électrique. L'embout canule avec guide permet une application rapide et précise.
- Produits nettoyants moins toxiques : Une entreprise de menuiserie bois, PVC et aluminium a remplacé les produits nettoyants dont elle se servait jusqu'ici par des équivalents comportant moins de risques pour la santé et l'environnement, tout en gagnant en efficacité.