Clause de garanties financières liées à un accident du travail
La clause d’un contrat est nulle si elle prévoit que l'employeur d’une entreprise extérieure doit supporter automatiquement l'intégralité des conséquences financières d'un accident du travail, dont l'un de ses salariés serait victime, et dont le responsable serait l’entreprise utilisatrice.
Date du texte : 5 sept. 2024
Arrêt de la Cour de cassation, 2e Chambre civile, 5 septembre 2024, n°21-23.442 et 21-24.765
Des salariés d’une entreprise extérieure, qui effectuaient une ronde de surveillance dans les locaux d’une entreprise utilisatrice, ont inhalé une substance toxique nécessitant leur prise en charge médicale immédiate. Cet accident a été pris en charge par la CPAM au titre d’un accident du travail.
Ces deux entreprises, extérieure et utilisatrice, sont liées par un contrat de prestation de services dans lequel une clause prévoit que l'employeur de l’entreprise extérieure doit supporter automatiquement l'intégralité des conséquences financières d'un accident du travail dont l'un de ses salariés serait victime. Et cette bascule automatique de l'intégralité des conséquences financières de l’accident pour le compte de l'employeur de l’entreprise extérieure intervient même en l’absence d’une quelconque responsabilité de ce dernier dans la survenance de l'accident.
Les victimes demandent à l’entreprise utilisatrice une indemnisation sur le fondement de l’article 1242 du Code civil, au titre de la responsabilité délictuelle.
L’entreprise utilisatrice demande au juge que l’entreprise extérieure assume les conséquences financières des préjudices subis, au regard de la clause de leur contrat. Quant à l’entreprise extérieure, elle demande la nullité de cette clause qui exonère le responsable d'avoir à assumer les conséquences de ses actes.
La cour d’appel considère qu’un nuage toxique, émanant de l’entreprise utilisatrice était à l'origine des symptômes présentés par les victimes. De ce fait, elle déclare l’entreprise utilisatrice entièrement responsable du préjudice subi par les victimes et la condamne à verser certaines sommes aux victimes et à la caisse primaire d'assurance maladie.
En outre, la cour refuse d’écarter la clause invoquée par l’entreprise extérieure, et considère qu’il revient à cette dernière de supporter financièrement l'ensemble des condamnations mises à la charge de l’entreprise utilisatrice, au profit des victimes. Autrement dit, la cour reconnaît l’entreprise utilisatrice responsable des dégâts provoqués par le nuage, mais condamne l’entreprise extérieure à verser les indemnités compensatoires aux victimes.
Dès lors l’entreprise utilisatrice et l’entreprise extérieure forment chacune un pourvoi. La première invoque le fait que nul ne peut être tenu responsable d'une chose non identifiée, telle qu’un nuage toxique. Quant à la seconde, elle demande la nullité de la clause.
Concernant le pourvoi de l’entreprise utilisatrice :
La Cour de cassation considère qu’on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. La Cour retient ensuite que les premiers symptômes sont apparus immédiatement, mettant en évidence le lien de causalité entre les troubles et l'inhalation survenue dans les locaux de l’entreprise utilisatrice, et ce même si la substance d'origine du nuage et les causes de son émanation n’ont pas été déterminées.
Ainsi, elle confirme la décision d’appel d’avoir caractérisé le nuage toxique qui émanait de l’entreprise utilisatrice dont elle avait la garde, comme étant à l'origine des symptômes présentés par les victimes.
Concernant le pourvoi de l’entreprise extérieure qui demande la nullité de la clause :
La Cour considère, que l’entreprise utilisatrice n'a pas de recours contre l’entreprise extérieure qui a indemnisé ses deux salariés victimes d'un accident du travail, sauf s’il y a faute intentionnelle de l’entreprise extérieure.
Ainsi, elle casse la décision d’appel et considère que la clause qui prévoit la garantie financière automatique de l’entreprise extérieure est nulle de plein droit car contraire aux articles L451-1 et L452-5 du Code de la sécurité sociale et que l'employeur de l’entreprise extérieure n'avait pas commis une faute intentionnelle.
Une clause déclarée nulle est considérée comme n'ayant jamais existé. La nullité a un effet rétroactif, c’est-à-dire que la décision de nullité de la clause, émise par le juge, s’applique pour l’avenir mais également pour ce qui est passé.
Par ailleurs, il convient de rappeler que l’intervention d’une entreprise extérieure au sein d’une entreprise, dite utilisatrice, pour réaliser des travaux ou des prestations de service requiert la mise en place d’une coordination générale des mesures de prévention (article R4511-7 du Code du travail). Parmi ces mesures, la réalisation d’un plan de prévention s’avère nécessaire pour réduire les risques. Ce plan de prévention permet :
- une évaluation conjointe des risques liés aux interférences entre les activités, les installations et le matériel,
- un accueil sécurisé des salariés sur site,
- un suivi rigoureux et méthodique des travaux.