Comment adapter vos chantiers en période de canicule ?
Sur les chantiers, le changement climatique a des impacts sur les conditions de travail et sur la production. Le point sur les solutions existantes.
Date de mise à jour : 19 juin 2025 - Auteur : Jeremy Debreu

©GTOI
- Des outils existent pour établir un plan de prévention efficace.
Un décret va réglementer l’évaluation et la prévention du risque lié aux fortes chaleurs.
Dossier paru dans PréventionBTP n°296-Juin 2025-p. 8
Fin juillet 2024, la France a connu sa quarante-huitième vague de chaleur depuis le début des mesures en 1947. Et la tendance s’accélère, avec un impact sur les conditions de travail, la productivité sur les chantiers et des risques pour les travailleurs exposés. Le législateur a établi depuis longtemps que pour les métiers d’extérieur, dans certaines conditions, le travail n’est pas possible. La cessation temporaire d’activité et le chômage intempéries lors des épisodes de gel, d'inondations ou de vents violents sont déjà accordés. Depuis le décret de juin 2024, la canicule a été ajoutée aux conditions d’accès au chômage intempéries. « Le fait que la canicule ait des impacts sur les conditions de travail a été reconnu comme critère pour y accéder, confirme Clémence Repellin-Samuel, responsable juridique de l’OPPBTP. Jusqu’à l’année dernière, cela existait déjà un peu : la CIBTP (caisse qui gère les congés payés intempéries des salariés du secteur du BTP, NDLR) acceptait la prise en charge de la cessation d’activité sur présentation d’un dossier et après passage en commission au cas par cas. Désormais les fortes chaleurs sont reconnues comme une cause à part entière, ce qui simplifie les démarches pour les chefs d’entreprise. » À noter que la réglementation relative au chômage s'applique en métropole ainsi que dans les départements et régions d’outre-mer en fonction des conditions météorologiques enregistrées.
Prévenir le risque pour maintenir l’activité
En période de canicule, il est indispensable d'aménager les horaires de travail et de prévoir des pauses pour s'hydrater (minimum trois litres d'eau fraîche, grâce à une glacière).
Si l’été 2024 a, malgré tout, été plutôt tempéré, la probabilité de nouvelles canicules s’anticipe chaque année. Or l’Inspection du travail a mené plus de 1 700 inspections durant l’été 2024 dans des secteurs où les travailleurs sont employés en extérieur. Les agents de contrôle ont constaté de nombreuses irrégularités, comme la réalisation de travaux physiques sous des températures très élevées ou l’insuffisance d’eau potable pour les équipes. La DGT a déploré sept accidents du travail mortels en lien probable avec la chaleur. Parmi les risques principaux : malaise, coup de chaleur et coup de soleil à la suite de l’exposition aux UV, un risque souvent sous-évalué. Pour Mohamed Trabelsi, responsable développement et projets spécifiques au sein de la direction technique de l’OPPBTP, « le risque de forte chaleur doit être traité comme les autres risques graves et mortels. Il n’est plus temps de le gérer au dernier moment, en mode crise. On doit évaluer, préparer, anticiper avec les mesures de prévention organisationnelles, collectives et individuelles. » L'aménagement des horaires, pour éviter l’exposition aux heures les plus chaudes, est indispensable, associé à une augmentation du nombre de pauses assorties d’hydratation avec de l’eau fraîche – prévoir trois litres d’eau minimum par personne –, comme exigé par le Code du travail sur les chantiers du BTP. La présence d’une base vie voire d’une salle de repos, maintenue à une température convenable, est recommandée ainsi qu’un endroit ombragé ou un espace ventilé ou rafraîchi à proximité des postes de travail où des travailleurs sont exposés aux effets du soleil ou de la chaleur intense. Enfin, la sensibilisation et l’information des salariés (hydratation, rotation des tâches, pas de travailleur isolé, détection des symptômes du malaise…) lors d’un quart d’heure sécurité par exemple est une action collective efficace. Une fois ces mesures de prévention mises en œuvre, on peut s’orienter vers les EPI et vêtements de travail adaptés. Le guide de l’OPPBTP consacré aux fortes chaleurs et équipements rafraîchissants (joint à ce magazine) constitue à ce titre une veille utile au moment de planifier les achats d’EPI, sans oublier de s’assurer qu’ils sont bien portés par les équipiers ! Ces mesures doivent permettre de maintenir l’activité en toute sécurité.
Un nouveau décret
L’INRS identifie un risque à partir de 30 °C pour une activité sédentaire, et dès 28 °C si l’exposition à la chaleur est doublée d’une activité physique. « Ces dernières années, les températures et les conditions atmosphériques n’étaient pas considérées comme des facteurs de risque dans la réglementation, explique Clémence Repellin-Samuel. Cela sera le cas avec ce prochain décret. ». En effet, un décret et un arrêté ont été publiés mi-juin 2025 visent à renforcer les mesures de prévention en cas d'épisodes de chaleur intense, lors des seuils d'alerte météorologiques jaune, orange et rouge. Les mesures dont désormais à mettre en place dès le seuil d'alerte jaune. La responsable juridique de l’OPPBTP détaille : « Les tableaux de vigilance Météo France et les seuils de déclenchement d’action obtiennent une valeur réglementaire grâce à l’arrêté. Le décret reconnaît les fortes chaleurs comme des intempéries et apporte ainsi une sécurisation juridique aux entreprises. Il devrait renforcer également l’obligation pour tout employeur de procéder à l’évaluation du risque lié aux fortes chaleurs et à la définition d’actions et de mesures de prévention face à ce risque. » Concrètement, le chef d’entreprise doit s’interroger sur les activités réalisées par toutes les équipes et les reporter dans le DUERP. Si le risque est identifié, il est alors tracé et des mesures de prévention doivent être mises en œuvre. Pour accompagner ces progrès pour la santé des travailleurs et la productivité des chantiers, un rétroplanning en onze étapes, produit par la FNTP et ses partenaires, apporte une aide considérable pour les entreprises qui doivent améliorer leurs pratiques. Roxane Audebrand-Solesse, directrice Prévention et Santé au travail de la FNTP, conclut : « Les TP sont une profession qui se mobilise et qui n’attend pas la loi pour avancer, car la priorité est la sécurité des salariés. » De son côté, l'OPPBTP a mis à jour l’outil MonDocUnique Prem's afin d'intégrer la situation de travail « Travaux sous fortes chaleurs et canicules ».